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Si le successeur de M. Darcos ne corrige pas la trajectoire, avec élégance et ....
sous d'autres formes que les exercices mécaniques dont on sait qu'ils constituent
... L'exemple du beau projet éducatif global de la ville de Lille sur quatre jours et
... les cycles, des programmes en termes de compétences et plus en termes de ...

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Le développement de l'autoritarisme

dans le premier degré du système éducatif.
(Pierre
Frackowiak)
Le fait est que nous assistons à un développement de l'autoritarisme
dans le fonctionnement du système éducatif au niveau du premier degré, que
ce phénomène inquiétant est sans précédent dans l'histoire contemporaine,
que les dégâts produits sont dores et déjà considérables.


Si le successeur de M. Darcos ne corrige pas la trajectoire, avec
élégance et détermination, dans les meilleurs délais possibles, la
situation ne pourra que se dégrader. A terme, un éventuel projet alternatif
démocratique et progressiste aura bien des difficultés à remettre le
système en ordre de marche, même en faisant le pari possible de la
confiance et de l'intelligence et même en y mettant les moyens en terme
d'accompagnement et de formation.


Les dégâts sont facilement perceptibles quand on connaît bien les
écoles et le métier de professeur des écoles, que l'on n'accepte ni
l'infantilisation qui conduit à une docilité apparente, ni les voiles
pudiques qui protègent les fonctions, ni le conformisme qui crée la
démobilisation ni la neutralité qui s'identifie au conservatisme. Comme
dirait Dany Boon à propos du contenu de ses célèbres fricadelles, « tout le
monde le sait, mais personne ne le dit ». Conflits et révoltes sont vite
étouffés. La ouate institutionnelle les absorbe et les relativise. Les
apparences tentent d'être sauves mais les déceptions, les découragements,
les colères contenues demeurent et pèsent sur la vie des écoles et des
personnes.


En une seule année scolaire, cette année 2008/2009, les éléments du
développement de l'autoritarisme se sont fortement multipliés, la pression
sur tous les niveaux de la pyramide s'est fortement accrue au point de
devenir insupportable. Pyramide et tuyaux d'orgue Ce phénomène est amplifié
au niveau du terrain par l'évolution des attitudes et comportements de la
hiérarchie. Il y a toujours eu des cadres plus ou moins progressistes ou
conservateurs, plus ou moins zélés, plus ou moins serviles, plus ou moins
ambitieux pour eux-mêmes, plus ou moins sensibles à l'air du temps.


Depuis 2007, même ceux qui ne sont pas atteints par ces défauts ou ces
faiblesses sont aspirés dans la spirale et exécutent. Ils se donnent bonne
conscience en invoquant la loyauté, en recherchant des points positifs dans
les politiques même les plus régressives, voire en contribuant à rechercher
les preuves de leur pertinence et de leur efficacité. Certains accentuent
le phénomène et vont bien au-delà des exigences formellement exprimées par
l'institution, ajoutant de la paperasse à la paperasse, multipliant les
enquêtes et les contrôles, allant au devant des attentes du pouvoir. On
peut ranger dans cette catégorie, ceux qui demandent des sanctions, des
retraits de salaire, des déclarations sur l'honneur alors même que leurs
supérieurs conseillaient plutôt le dialogue. Ceux qui inspectent
systématiquement le soutien, ceux qui exigent que chaque élève pris en
soutien fasse l'objet d'un PPRE (projet personnalisé de réussite éducative
de 4 pages au moins, lancé antérieurement dans un autre contexte).


Le ministère interrogé par le site ToutEduc déclare qu'il n'y a pas eu
d'instruction officielle formelle allant dans ce sens. C'est donc que les
hiérarchies intermédiaires ont anticipé, interprété, renforcé, au-delà des
instructions du sommet. Le phénomène s'étend par les effets « tuyaux
d'orgues » à tous les échelons de la pyramide.


Les directeurs et directrices deviennent plus obéissants en apparence
mais répercutent les ordres et consignes, parfois en les renforçant. Au nom
de l'inspecteur, ils exigent. Ils filtrent les remontées de réactions pour
protéger l'image de leur école, ils évitent de transmettre les
protestations individuelles. Parfois, ils utilisent l'échelon supérieur
pour pouvoir imposer des décisions personnelles qui n'ont pas fait l'objet
d'actes formels de l'inspection ou ils menacent « de le dire au chef ». Il
faut beaucoup de courage et de personnalité pour ne pas se replier dans le
moule. La résignation s'installe. Les pratiques de contournement
s'accentuent. On donne les réponses que l'on suppose attendues. On remplit
notices et questionnaires comme on peut. On accepte, sans rechigner, d'être
prévenu de la date de son inspection selon des pratiques qui
scandaliseraient toutes les autres professions sans exception : « vous
serez inspecté entre le 1er et le 8 ou le 15 du mois et vous m'enverrez une
notice de renseignements préparatoire à l'inspection de 7 pages » avec des
items que seul le rédacteur de la notice peut comprendre. On reste sagement
assis trois heures et plus, même quand les réunions qui se multiplient ne
servent à rien ou sont terminées en bien moins que trois heures mais il
faut « faire le temps » affiché. Le phénomène gagne des conseillers
pédagogiques qui ont parfois tendance à être encore plus exigeants que les
inspecteurs et à effrayer les enseignants en décrivant les attentes du
chef. Il gagne les maîtres formateurs, même ceux qui sont fraîchement
intronisés, qui traitent les étudiants, les élèves professeurs, soit au
cours de leur visites soit au cours des présentations de mémoires
professionnels, comme des gamins, avec une assurance et des certitudes,
confortées par leur certificat, que l'on aurait de la peine à imaginer si
l'on n'accumulait pas les témoignages.


Mais tout va bien, personne ne s'occupe de la qualité des relations
entre chefs, sous-chefs, formateurs et acteurs et personne n'ose mettre en
cause publiquement l'attitude du niveau immédiatement supérieur. La ouate
institutionnelle absorbe et tout le monde s'en accommode en apparence mais
les souffrances et parfois les humiliations demeurent prêtes à se réveiller
et à éclater. Les facettes de l'autoritarisme On objectera qu'il ne faut
pas exagérer, caricaturer, généraliser abusivement, que tout cela a
toujours existé mais à la marge. Je pense que, même à l'époque où c'était
peut-être à la marge, ces pratiques, auraient pour le moins, dues être
mises à l'étude, que le droit à l'expression libre, au respect, à la pensée
divergente, à l'indignation, devant une hiérarchie réelle ou factice, est
un droit inaliénable. Et je constate, un peu partout en France, que ce qui
était peut-être à la marge s'est fortement généralisé au cours de cette
année. Il faut dire que bien des éléments y ont contribué, parfois
sournoisement, subrepticement, parfois très clairement et fortement :


**L'obligation de dire urbi et orbi, au nom de la loyauté dont on
n'avait jamais autant parlé, et de prouver que les nouveaux vieux
programmes sont dans la continuité des précédents, qu'ils sont bons, plus
simples, plus clairs, plus compréhensibles... Toute la pyramide a été
mobilisée de l'inspection générale qui a accepté de dire tout et son
contraire à quelques mois d'intervalle aux recteurs, IA, IEN, directeurs.
Les sondages d'opinion aidant, l'idée que ces vieux programmes sacrifiaient
l'intelligence au profit de la mécanique par exemple, est devenue
incongrue. Ces programmes ont pourtant été condamnés par l'immense majorité
des spécialistes et des pédagogues. Rien n'y fait.


**Les retraits de salaire importants qui ont frappé les enseignants «
désobéisseurs » sont une mesure sans précédent. Elle est choquante dans la
mesure où ces enseignants usant de la liberté pédagogique inscrite dans la
loi, n'ayant pas abandonné leur poste durant les heures affectées à l'aide
personnalisée (le soutien) mais ayant pris en charge les élèves sous
d'autres formes que les exercices mécaniques dont on sait qu'ils
constituent l'essentiel du temps dévolu au soutien (du bled et des
opérations). Ce soutien imposé qui alourdit la journée scolaire déjà trop
longue, qui est placé le matin, le midi ou le soir au gré des circonstances
sans le moindre regard sur l'intérêt réel des élèves, alors que les autres
enfants ne sont plus dans les locaux scolaires, est un non-sens. Mais les
enquêtes bien orientées et les sondages diront que c'est bien. Comment dire
que ce n'est pas bien alors que l'intention affichée paraît si généreuse :
l'honneur de la République selon certains discours très habiles.


**Les sanctions (réprimandes, pressions, blâmes, menaces), les
demandes de déclaration sur l'honneur (un comble !) pour obtenir les primes
liées à la réalisation des évaluations CM2 et CE1, très contestables et
contestées, ont complété un dispositif de type répressif nouveau à
l'Education Nationale. On peut se demander si la prochaine étape ne sera
pas une réduction des salaires des inspecteurs dont une partie des écoles
placées sous leur responsabilité n'auraient pas fait les évaluations et
répondu aux enquêtes. Il n'est pas sûr d'ailleurs que les inspecteurs zélés
qui se sont mobilisés pour préparer les demandes de sanction ont bien
mesuré que ce système pouvait être appelé à s'appliquer à eux-mêmes. Leurs
syndicats non plus...


** L'obligation d'organiser la semaine scolaire sur quatre jours sans
concertation, sans réflexion préalable collective avec les partenaires de
l'école sur le temps de l'enfant, sur les possibilités de projet éducatif
global, est apparue comme une mesure autoritaire. Premièrement, il a été
interdit d'utiliser le samedi matin, ce que