french-le-delit-dapostasie-en-droit-arabe-et-musulman-1994

Le Roi Hassan II ne dit pas en vertu de quelle loi l'apostat serait jugé puisque ....
Celui qui voit un mal qu'il le corrige par sa main, et s'il ne le peut pas qu'il le ...
dans les mosquées et la presse pour qu'il soit condamné pour apostasie. ...... [30]
Al-Mahdawi, M. K.: Al-Bayan bil-Qur'an, 2 volumes, Misratah et Casablanca,
1990.

Part of the document


Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh* Le délit d'apostasie aujourd'hui et ses conséquences en droit arabe et
musulman
www.sami-aldeeb.com
saldeeb@bluewin.ch 1994
*Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, né en 1949, est un chrétien d'origine
palestinienne. Il vit en Suisse où il a obtenu sa licence et son doctorat
en droit (Université de Fribourg) et son diplôme en sciences politiques
(Institut Universitaire de Hautes Etudes Internationales, Genève). Sa thèse
de doctorat porte comme titre: L'impact de la religion sur l'ordre
juridique, Non-musulmans en pays d'Islam, cas de l'Egypte. Elle a été
publiée en 1979 aux Editions universitaires, Fribourg. En matière des
droits de l'homme, à signaler son long article intitulé "La définition
internationale des droits de l'homme et l'Islam", in Revue Générale de
droit international public, Juillet-Septembre 1985, no 3, pp. 624-716. Il
est l'auteur d'environ 80 articles sur le droit arabe et musulman dans
différentes revues et publie régulièrement dans la revue Praxis juridique
et religion (Strasbourg). Il prépare actuellement un ouvrage d'environ 450
pages intitulé Droits d'Allah ou droits des humains? Les musulmans face aux
droits de l'homme. Cet ouvrage comprend 11 déclarations arabes et
musulmanes relatives aux droits de l'homme d'environ 70 pages. Il paraîtra
en français vers la fin de 1993 et en allemand en 1994. Il est
collaborateur scientifique responsable du droit arabe et musulman à
l'Institut suisse de droit comparé à Lausanne et enseigne le droit musulman
à l'Institut de droit canonique de l'Université de sciences humaines à
Strasbourg.
Introduction
L'article 18 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948)
dit: Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de
religion: ce droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction,
seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les
pratiques, le culte et l'accomplissement des rites. La clause qui parle de la liberté de changer de religion ou de conviction a
été ajoutée sur proposition du représentant du Liban, en raison de la
situation de son pays où se sont réfugiés tant de personnes persécutées
pour leur foi ou pour avoir changé de foi[1]. Cette clause a provoqué une réaction très forte des pays musulmans. Ainsi
le représentant de l'Egypte dit que "fort souvent, un homme change de
religion ou de conviction sous des influences extérieures dans des buts qui
ne sont pas recommandables, tels que le divorce". Il ajouta qu'il
craignait, en proclamant la liberté de changer de religion ou de
conviction, que la Déclaration encourage, sans le vouloir, "les
machinations de certaines missions bien connues en Orient, qui poursuivent
inlassablement leurs efforts en vue de convertir à leur foi les populations
de l'Orient"[2]. Lors des discussions de l'article 18 du Pacte relatif aux droits civils et
politiques de 1966, le problème fut posé à nouveau. L'Arabie séoudite[3] et
l'Egypte[4] ont proposé d'amender le texte en supprimant la mention de la
liberté de changer de religion ou de conviction. Mais c'est un amendement
du Brésil et des Philippines[5] qui fut adopté comme texte de compromis
pour satisfaire les pays arabes et musulmans. Ainsi, la liberté de changer
de religion ou de conviction fut remplacée par la liberté d'avoir ou
d'adopter une religion ou une conviction de son choix[6]. Le même problème a été posé lors de la discussion de la Déclaration sur
l'élimination de toutes les formes d'intolérance et de discrimination
fondées sur la religion ou la conviction (1981). Le représentant de l'Iran
dit que les musulmans ne sont pas autorisés à choisir une autre religion
et, au cas où ils le feraient, ils sont passibles de la peine de mort[7].
Le représentant de l'Irak, parlant au nom de l'Organisation de la
Conférence Islamique, dit que les pays membres de cette Organisation
"expriment...des réserves à l'égard de toute disposition ou terme qui
contreviendrait au droit islamique (shari'ah) ou à toute législation ou loi
fondée sur ce droit"[8]. Le représentant de la Syrie s'est associé à cette
réserve[9]. La représentante de l'Egypte dit: Les dispositions de cette Déclaration ne doivent en aucun cas être
interprétées ou utilisées comme prétexte pour s'insérer dans les affaires
intérieures des Etats, y compris dans les questions religieuses. Il doit
être clairement établi dans l'esprit de tous que cette Déclaration, dont
l'objectif est de consacrer la tolérance religieuse, ne doit pas être
interprétée ni exploitée à des fins politiques qui en outrepassent le cadre
et les principes[10]. Pour comprendre ces différentes prises de position, il est nécessaire de
voir le problème de la liberté religieuse telle qu'elle est conçue en droit
musulman classique.
1. Principes généraux
Les musulmans ne cessent de répéter à qui veut les entendre que l'Islam est
une religion tolérante et que la liberté religieuse y est garantie. Trois
versets du Coran, la première source du droit musulman, sont souvent cités
comme preuve: Pas de contrainte en religion! (2:256). La vérité émane de votre Seigneur. Que celui qui le veut croie donc et que
celui qui le veut soit incrédule" (18:29). Si ton Seigneur l'avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru.
Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants alors qu'il
n'appartient à personne de croire sans la permission de Dieu (10:99-100). Ces versets, cependant, n'ont pas empêché les légistes musulmans classiques
à prévoir, à l'instar de leurs collègues contemporains juifs et chrétiens,
la peine de mort contre toute personne qui quitte leur religion. En fait,
la liberté religieuse pour ces légistes est une liberté à sens unique, un
peu à la manière des prisons: liberté d'entrer, interdiction de sortir. En
principe, on est libre de devenir ou de ne pas devenir musulman[11]. Celui
qui est musulman une fois, doit le rester pour toujours, même s'il avait
hérité l'Islam de ses parents. Le Coran est invoqué pour prouver la liberté religieuse; mais aussi pour
prescrire la peine de mort contre le musulman qui quitte l'Islam. Pourtant,
aucun verset ne prévoit une telle peine. Le Coran parle de l'apostasie en utilisant soit le terme
kufr/mécréance[12], soit le terme riddah/revenir en arrière[13]. Des
châtiments contre l'apostat y sont prévus dans la vie dernière. Seul le
verset 9:74 parle de châtiment douloureux en ce monde, sans préciser en
quoi il consiste. Ce verset dit: Ils ont professé l'incrédulité, puis ils ont juré par Dieu qu'ils n'avaient
pas prononcé de telles paroles. Ils furent incrédules après avoir été
soumis. Ils aspiraient à ce qu'ils n'ont pas obtenu et n'ont trouvé à la
place que la faveur que Dieu et son Prophète ont bien voulu leur accorder.
S'ils se repentaient, ce serait meilleur pour eux; mais s'ils se
détournaient, Dieu les châtiera d'un châtiment douloureux en ce monde et
dans l'autre et ils ne trouveront, sur la terre, ni ami, ni défenseur. Les récits de Mahomet, qui constituent la deuxième source du droit
musulman, sont en revanche plus explicites. Mahomet aurait dit: Celui qui change de religion, tuez-le. Il n'est pas permis d'attenter à la vie du musulman que dans les trois cas
suivants: la mécréance après la foi, l'adultère après le mariage et
l'homicide sans motif. Les légistes musulmans ont déduit de ces versets et de ces récits que
l'homme qui abandonne l'Islam et refuse de se rétracter doit être mis à
mort. En ce qui concerne la femme, certains préconisent la prison à vie, à
moins qu'elle ne se rétracte. Un tel délit a des conséquences, même
aujourd'hui, sur le plan du droit pénal, du droit de famille, du droit
successoral, de l'exercice des droits civils, de la fonction publique et du
pouvoir politique (rapports entre pouvoir et opposition). Mawerdi définit les apostats comme suit: "Ceux qui étant légalement
musulmans, soit de naissance, soit à la suite de conversion, cessent de
l'être, et les deux catégories sont, au point de vue de l'apostasie, sur la
même ligne"[14]. Ceci peut concerner ceux qui abandonnent soit
individuellement soit collectivement l'Islam. En cas d'apostasie collective, le territoire où habitent les apostats est
déclaré comme dar riddah/pays d'apostasie, au bénéfice d'un statut moins
favorable que celui réservé à un pays ennemi/dar harb. Mawerdi écrit: On ne peut accorder aux apostats une trêve qui les laisse en paix dans leur
territoire, ce qui est permis de faire avec les gens de guerre...; on ne
peut les réduire en esclavage et mettre leurs femmes en servitude, ce qui
se peut avec les autres...; les prisonniers peuvent être exécutés par le
bourreau s'ils ne reviennent pas à résipiscence[15]. Cette situation s'est présentée après la mort de Mahomet. De nombreuses
tribus ont abandonné l'Islam qu'elles avaient adopté par contrainte, par
calcul politique ou par intérêt économique, refusant de se soumettre à son
successeur. Ce dernier a engagé alors des guerres sanglantes qui ont duré
une année pour soumettre les récalcitrants. Le concept de l'apostasie s'est vite élargi pour comprendre aussi bien ceux
qui abandonnent l'Islam que ceux qui en ont une conception divergeante ou
constituent des opposants politiques. Ainsi, la peine de mort pour
apostasie est applicable contre des personnes qui, de bonne foi, se croient
de bons musulmans.
2. Le délit d'apostas