Nathalie Tcherniak, devenue Nathalie SARRAUTE - Comptoir ...

En 1935, elle fit, avec Vera, un bref séjour en U.R.S.S. qui lui laissa une ..... et de
poussière qui flotte autour des souvenirs d'exercices et d'efforts scolaires».

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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Nathalie SARRAUTE (France) (1900-1999) [pic][pic][pic][pic] Au fil de sa biographie s'inscrivent ses ?uvres
qui sont résumées et commentées
(surtout ''L'ère du soupçon'' et ''Enfance'').
Bonne lecture ! Natalyia (Natacha) Ilyanova Tcherniak naquit le 18 juillet 1900, à Ivanovo-
Voznessenko, à deux cents kilomètres de Moscou, dans une famille de la
bourgeoisie juive, aisée et cultivée, son père, Ilya Tcherniak, étant
chimiste, docteur ès sciences, sa mère, Pauline Chatounowski, étant
écrivaine (connue sous le nom de plume de N. Vikhrovski).
En 1902, ses parents divorcèrent, et sa mère vint avec elle à Paris. Elles
habitèrent dans le cinquième arrondissement, et elle alla à l'école
maternelle de la rue des Feuillantines. Mais le russe était parlé à la
maison. Et, chaque année, elle passait un mois avec son père, soit en
Russie, soit en Suisse. Elle retourna en Russie, à Saint-Pétersbourg, avec
sa mère et le nouveau mari de celle-ci, Nicolas Boretzki, étant alors
éduquée en russe et en français. En 1909, Ilya Tcherniak, connaissant des
difficultés en Russie du fait de ses opinions politiques, fut contraint
d'émigrer à Paris, où il se remaria avec Vera Cheremetievski, Natacha
vivant alors avec eux, allant à l'école communale de la rue d'Alésia, puis
au lycée Fénelon, étant, grâce à la mère de Vera, initiée au piano et aux
classiques français et russes, apprenant l'anglais. Son père créa une
fabrique de matières colorantes à Vanves. En 1914, elle passa les vacances
d'été près de Royan avec son père et sa mère qui, au début de la guerre,
rentra à Saint-Pétersbourg.
«Repliée» à Montpellier, elle y passa son baccalauréat en 1917. L'année
suivante, elle s'inscrivit à la faculté des lettres de Paris. En 1920, sa
mère revint à Paris. En 1922, Natacha obtint une licence d'anglais, alla,
au cours de l'été, à Oxford pour y étudier l'histoire, et à Berlin, pour
étudier la sociologie, ce qui paracheva une éducation décidément
cosmopolite. Grande lectrice, elle découvrit alors Thomas Mann.
De retour à Paris en automne, elle s'inscrivit à la faculté de droit. Elle,
qui pratiquait le tennis et l'aviron, en 1923, fit l'ascension du mont
Blanc. Cette année-là aussi, elle découvrit Proust (ce qui bouleversa sa
conception du roman), en automne rencontra un autre étudiant en droit,
Raymond Sarraute. Partageant les même goûts en art (il l'initia à la
peinture) et en littérature, ils découvrirent Pirandello monté par les
Pitoëff. Cette année-là, ils furent tous deux licenciés en droit, se
marièrent (ce qui fait qu'elle devint ainsi française), et s'inscrivirent
au stage du barreau. La préparation de la conférence du stage, avoua-t-elle
plus tard (entretien avec Marc Saporta, 1984), l'arracha «à la langue
classique écrite» : «Il fallait rédiger le texte en langage parlé. J'ai
trouvé là une liberté inconnue».
En 1925, elle et Raymond devinrent avocats. Elle allait également entamer
une carrière de juriste internationale. Poursuivant ses explorations
littéraires, en 1926, elle découvrit Joyce et son «ruissellement [...] du
monologue intérieur» (''L'ère du soupçon''), Virginia Woolf et sa technique
de I'introspection, Ivy Compton-Burnett et sa technique des dialogues, tout
cela remettant en cause «la vieille analyse des sentiments, cette étape
nécessaire mais dépassée» (préface à ''L'ère du soupçon''). En 1929 naquit
sa première fille, Anne. En 1930 naquit sa deuxième fille, Claude (qui
allait devenir journaliste, romancière et comédienne, et épouser Jean-
François Revel).
Son mari l'encourageant à écrire, elle décida de se consacrer à la création
littéraire, au détriment de l'activité professionnelle. Soucieuse de «la
mise en mouvement de forces psychiques nouvelles» (''L'ère du soupçon''),
elle composa, en 1932, deux textes courts, les futurs numéros II et IX des
''Tropismes''.
En 1933 naquit sa troisième fille, Dominique (qui allait devenir
photographe). En 1935, elle fit, avec Vera, un bref séjour en U.R.S.S. qui
lui laissa une impression de terreur.
En 1939, elle écrivit cinq textes courts, qui allaient être publiés en
1955, sous le titre ''Le cercle'' dans ''Monde nouveau''.
Tandis que, avec la «drôle de guerre», son mari était mobilisé, Nathalie
Sarraute, après avoir eu, malgré l'appui de Jean-Paul Sartre, de la
difficulté à trouver un éditeur, en cherchant un pendant deux ans, essuyant
des refus de Gallimard et de Grasset, publia chez Denoël :
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"Tropismes"
(1939) Recueil de textes brefs Il réunissait dix-neuf textes ni titrés ni numérotés. Réédité par les
Éditions de Minuit, en 1957, il comporta alors vingt-quatre textes,
numérotés de XIX à XXIV mais non titrés : le sixième texte de l'édition de
1939 avait été supprimé, tandis qu'apparurent six nouveaux textes, rédigés
de 1939 à 1941. Résumé I : Une foule se trouve devant des vitrines.
II : Un homme souffre de la médiocrité de pensée de son entourage.
III : Dans le quartier du Panthéon, des personnages solitaires, sans
souvenirs, sans avenir, sont heureux.
IV : Un étrange ballet verbal, cruel et ludique, se déroule entre un homme
et quelques femmes ;
V : Une femme est figée dans l'attente.
VI : Une femme impérieuse écrase autrui sous le poids des choses.
VII : Une femme parle et souffre de se sentir jugée par un homme qui ne
parle pas.
VIII : Un grand-père, qui promène son petit-enfant, exerce sur lui une
protection étouffante, et lui parle de sa mort.
IX : Un homme parle à une femme pour qu'elle ne parle pas.
X : Des femmes jacassent dans un salon de thé.
XI : Une femme est assoiffée d'«intellectualité».
XII : Un professeur du Collège de France vide «de leur puissance et de leur
mystère» Proust et Rimbaud.
XIII : Des femmes sont acharnées à traquer une pièce de tissu.
XIV : Une femme sensible, croyante, s'attire les brusqueries d'autrui.
XV : Une jeune fille est heurtée par les inepties du vieillard qu'elle
admire.
XVI : Un vieux couple mène une vie résignée.
XVII : Un jeune couple est en promenade avec son enfant.
XVIII : Dans la quiétude d'un cottage anglais, «une demoiselle aux cheveux
blancs» attend l'heure du thé.
XIX : Un faible, malmené par autrui, se laisse faire.
XX : Un homme est rassuré et étouffé par les femmes qui I'entourent depuis
son enfance.
XXI : Une femme trop sage est traversée par le désir soudain de fuir et de
choquer.
XXII : Un homme se défend d'être attiré par les objets.
XXIII : Une femme, malgré elle, rejoint le cercle de sa famille qu'elle
méprise.
XXIV : Un homme est victime de l'hostilité silencieuse de son entourage. Commentaire Le mot «tropisme», qui vient du grec «tropein» ([se] tourner, [se]
diriger), qui est emprunté au langage scientifique, désigne l'orientation
des plantes en fonction de leur milieu.
Nathalie Sarraute, qui présentait d'emblée au lecteur, sous une forme brève
et frappante, avec une rigueur sévère, ce qui était son champ d'exploration
privilégié, allait définir, dans ''L'ère du soupçon'', ce qu'elle entendait
par «tropismes» : «Ce sont des mouvements indéfinissables, qui glissent
très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l'origine de
nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous
croyons éprouver et qu'il est possible de définir. [...] Leur déploiement
constitue de véritables drames qui se dissimulent derrière les
conversations les plus banales, les gestes les plus quotidiens. Ils
débouchent à tout moment sur ces apparences qui à la fois les rnasquent et
les révèlent.» Elle écrivit encore que ce sont des «mouvements subtils, à
peine perceptibles, fugitifs, contradictoires, évanescents, de faibles
tremblements, des ébauches d'appels timides et de reculs, des ombres
légères qui glissent, et dont le jeu incessant constitue la trame invisible
de tous les rapports humains, et la substance même de notre vie».
Dans ces textes, on trouve des situations empruntées à la vie quotidienne,
banales, anodines, dont l'autrice révéla I'envers, la face silencieuse qui
affleure au fil de rares mots lancés plus qu'échangés, de gestes juste
ébauchés. Ses récits, très serrés, isolent des moments éphémères, et leur
donnent une densité nouvelle. Il se crée ainsi une impression d'étirement
du temps par le récit.
On n'y trouve pas ou peu de faits ou d'actes, pas d'intrigue à proprement
parler, des oscillations intérieures presque imperceptibles, quelques
paroles insignifiantes, des clichés, des lieux communs, des banalités
quotidiennes. Le récit met au jour ce qui se bouscule en deçà de I'attente
et du silence. Et le quotidien le plus rassurant peut, grâce à ces petites
scènes volontiers âpres, mais aussi quelque peu burlesques, ironiques ou
cruelles, révéler sa violence extrême, une souffrance insoutenable ou une
détresse indicible.
Les personnages, qui ne sont désignés que par les pronoms personnels de la
troisième personne, qui sont déterminés par le lieu, la circonstance, la
situation, ne sont jamais étudiés par eux-mêmes mais par I'intermédiaire de
ceux auxquels ils sont liés. Ma