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L'exercice de l'interdépendance ne doit pas uniquement être compris en termes
économiques. ... basée non seulement sur l'économie, mais aussi sur la
nécessité de mettre en ?uvre une gouvernance mondiale en mesure de
répondre aux problèmes globaux comme les questions de l'écologie et de la
sécurité humaine.

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Pouvoir versatile et diplomatie culturelle Pour une politique internationale de l'ère interculturelle
Introduction au concept
Edgar Montiel*
Lorsque se sont produits les événements regrettables du 11 septembre
2001, il fut frappant de constater que c'est dans le champ de la culture -
et non dans celui de la politique ou de l'économie - que l'on est allé
chercher les clés pour comprendre ce qui était arrivé. En effet, dans un
contexte d'interculturalité effervescente et d'exacerbation du pouvoir
symbolique, la culture constitue une pratique collective de plus en plus
influente dans les relations internationales et est considérée pour la
première fois comme une des priorités du Conseil de Sécurité des Nations
Unies. Une gestion adéquate de la culture peut ainsi faire de celle-ci une
ressource stratégique pour la gouvernance mondiale, le développement et la
diplomatie publique. Prenant en compte cette évolution, Joseph Nye[1], une
des figures emblématiques du libéralisme institutionnel, considère la
culture comme un Soft Power, une sorte de pouvoir intangible et versatile.
Dans son acception anglaise, l'expression paraît paradoxale, associant deux
mots aux significations contradictoires: la force et la légèreté.
En réalité, la culture, malgré l'opinion conventionnelle qui la
considère comme une pratique affranchie de tout type d'influence et qui ne
saurait être instrumentalisée, n'est jamais neutre. Au contraire : elle est
un facteur stratégique de premier plan, probablement l'un des plus
influent, en raison de sa versatilité et de sa plasticité, puisqu'elle agit
sur les consciences et qu'elle régit les conduites. Ceci est une bonne
raison pour évaluer la richesse culturelle de l'Amérique latine, dans la
mesure où il s'agit d'un patrimoine exceptionnel qui pourrait aider à
renforcer la présence de la région sur le plan international. Stimulée par
ce patrimoine, la créativité de cette région dévoile son potentiel dans des
domaines très divers. Sa reconnaissance internationale réside dans le fait
que la culture latino-américaine se distingue sur la scène culturelle
mondiale.
Avant de décrire les liens qui unissent potentiel culturel et
diplomatie, il est nécessaire de remettre en contexte le rôle de la culture
dans les relations internationales.
1. Les relations internationales : multilatéralisme complexe et
interdépendance
Le modèle traditionnel, qui considérait les relations internationales
comme des relations exclusivement entre Etats (relations interétatiques), a
été revu et corrigé au cours des dernières décennies. Du fait de
l'influence grandissante des échanges commerciaux et des organismes
internationaux dans les relations interétatiques, celles-ci se composent de
plus en plus d'entités non gouvernementales. Cette nouvelle forme de
gouvernance globale est considérée comme un multilatéralisme complexe[2].
Ce ne sont pas uniquement les Etats qui interagissent, mais également
d'autres composantes de la société comme les ONG, les universités, les
entités religieuses, les associations représentant la société civile
(groupes d'entreprises, syndicats, peuples indigènes, associations
professionnelles, immigrants, etc.), et qui influencent les décisions
interétatiques. La conduite de l'activité diplomatique n'a pas été
influencée uniquement par la participation de ces « nouveaux » acteurs,
mais également par l'intervention d'institutions multilatérales comme
l'ONU, l'OMS, l'UNESCO, l'OIT, qui s'ajoutent aux organismes déjà connus
pour leur action intergouvernementale tels que l'OMC, le FMI ou la Banque
Mondiale. Les organismes internationaux, au-delà de la collaboration avec
les secteurs officiels de leurs Etats Membres, effectuent des efforts pour
mieux interagir avec les représentants de la société civile.
Un autre aspect significatif concernant les relations internationales
est l'interdépendance croissante entre Etats[3]. La gestion globale des
ressources naturelles, la gérance planétaire de l'eau, de l'oxygène, du
climat, le combat contre les réseaux mafieux et la propagation
transnationale de la violence, invitent à un travail organisé,
complémentaire et coordonné entre tous les Etats du monde. Un climat
d'entente, de paix et développement est bénéfique à la recherche de
consensus et de coopération, ce qui, à long terme, est profitable pour
tous. La participation des organismes internationaux représente une voie
privilégiée pour atteindre cette fin, car elle permet aux Etats d'adopter
des normes et des accords qui ne sont pas imposés mais qui résultent d'une
négociation, d'un consensus ou du choix de la majorité.
Cette vision suppose l'acception d'une certaine forme de symétrie
juridique (un Etat = un vote) entre les Etats constituant un système
interdépendant. L'exercice de l'interdépendance ne doit pas uniquement être
compris en termes économiques. Il est évident que l'interdépendance est
basée non seulement sur l'économie, mais aussi sur la nécessité de mettre
en ?uvre une gouvernance mondiale en mesure de répondre aux problèmes
globaux comme les questions de l'écologie et de la sécurité humaine. Cette
dernière préoccupation, prioritaire pour un grand nombre de pays, ne
concerne pas uniquement le terrorisme mais également le crime organisé, le
trafic de stupéfiants et d'armes ou encore les conditions de migration des
populations. Une situation de désaccord permanent à l'intérieur des Etats
ou entre les Etats favorise un accroissement de la pauvreté et la présence
de groupes extrémistes, ce qui a des répercussions sur la sécurité
(collective) d'un grand nombre de nations, grandes ou petites.
Dans ce contexte, la culture apparaît comme une ressource pour la
cohésion et la paix sociales, le dialogue entre les peuples et le
développement partagé.
2. La culture, une ressource versatile
Dans le champ des relations interétatiques, le pouvoir se définit
comme la capacité de modifier le comportement d'autres acteurs (qu'il
s'agisse d'Etats, de nations ou de groupes sociaux). Cette capacité
d'influence est en général résumée en la possession de ressources,
identifiées comme pouvoir tangible et/ou pouvoir intangible.
Traditionnellement, la politique extérieure a principalement été menée dans
une logique de pouvoir coercitif. Ce genre de pouvoir est généralement
nommé pouvoir tangible. Le pouvoir économique renforce le pouvoir tangible,
consolidant souvent à son tour un pouvoir coercitif, et vice-versa. Suivant
cette logique, la capacité d'influence d'un pays dans le cadre
international serait alors proportionnelle à son pouvoir matériel. Mais
cette logique linéaire ne se confirme pas toujours.
L'histoire montre la diversité des pratiques. Certains exemples qui
répondent à une logique différente. Les pays vaincus et/ou détruits à
l'issue de la Seconde Guerre Mondiale ont émergés trois décennies plus tard
comme puissances économiques et technologiques mondiales, et non comme des
puissances militaires ; néanmoins, le Conseil de Sécurité a interdit leur
réarmement. Il s'agit de pays qui ont choisi le chemin de l'innovation
technologique, de la créativité scientifique, du développement de
l'éducation et de l'expansion de la recherche supérieure, c'est-à-dire des
pays qui ont opté pour un modèle culturel, éducatif et scientifique afin
d'atteindre de hauts niveaux de développement économique et social.
Avec le pouvoir tangible, il peut y avoir un pouvoir intangible
soutenant la capacité d'un Etat à signaler sa présence dans le monde. Plus
qu'affirmer l'existence d'une nouvelle forme de pouvoir, Joseph Nye
souligne qu'il est erroné de concevoir une politique internationale fondée
uniquement sur un pouvoir tangible coercitif (qu'il appelle Hard Power,
« pouvoir dur »). Il exprime ainsi le point de vue d'un acteur politique,
ancien sous-secrétaire d'Etat américain, qui a vu son pays, suite au 11
septembre 2001, concentrer ses stratégies internationales dans une optique
exclusivement militaire avec les résultats que nous connaissons. De même,
le rapport du président de la commission de recherche du « 11-S » a signalé
que la guerre contre le terrorisme sera perdue si les Etats-Unis ne font
pas d'efforts pour changer, à travers des programmes culturels, l'image
négative qu'ils ont transmise dans le monde[4].
Le pouvoir intangible n'est pas un pouvoir fondé sur l'intérêt
économique ou l'achat de faveurs, comme c'est souvent le cas avec le
pouvoir économique. Il ne s'agit pas non plus, comme dans le cas du pouvoir
coercitif, d'un pouvoir qui se résume à la terreur exercée sur les autres.
Il s'agit d'un pouvoir qui se résume à une pluralité des voies dont l'axe
est la capacité de persuasion, c'est-à-dire la capacité de convaincre que
les valeurs véhiculées par un pays ou une région (constituant un modèle
culturel ou social) sont les plus convenables pour tous. Ceci pourrait même
amener à accepter la modification d'une conduite déterminée. En général,
l'attractivité, propre au pouvoir symbolique, conduit souvent à accepter
les positions qu'essaye de défendre un pays, sans qu'il soit nécessaire
d'avoir recours à des marchandages ou à toute autre forme de dissuasion[5]. Divers éléments déterminent le « modèle culturel » d'un pays: le
prestige, l'image positive, sa capac