CHAPITRE PREMIER

4 Michel se plaisait à raconter par la suite qu'il avait alors appris des lèvres de
don Bosco ce qu'était l'exercice de la bonne mort et combien il importait de le
faire ...... On trouve en effet dans les mêmes archives centrales salésiennes,
écrite par Rua, une étude de 206 pages sur la grâce, problème crucial dans l'
Eglise de ...

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FRANCIS DESRAMAUT VIE DE DON MICHEL RUA
PREMIER SUCCESSEUR DE DON BOSCO
(1837-1910) LAS - ROMA INTRODUCTION LE CENTENAIRE DE SA MORT EN 2010 NOUS INCITE À FAIRE LE POINT SUR LA VIE
DU SUCCESSEUR IMMÉDIAT DE DON BOSCO À QUI LA FAMILLE SALÉSIENNE DOIT TANT.
QUE SERAIT-ELLE DEVENUE S'IL N'Y AVAIT PAS EU DON RUA? Certes, cette vie fut bien racontée à diverses reprises. Au lendemain de
sa disparition, son compagnon de toujours Giovanni Battista Francesia (1838-
1930) publiait déjà sur don Rua un livre de deux cent vingt pages, D.
Michele Rua, primo successore di Don Bosco (Turin, Ufficio delle Letture
cattoliche, 1911), dont le seul tort était peut-être un enthousiasme trop
voyant pour son héros. Puis le procès de béatification et de canonisation
de don Rua s'engagea. Les témoignages sur sa vie vertueuse affluèrent. Au
début des années 1930 le rédacteur principal du Bollettino salesiano,
Angelo Amadei (1868-1945), qui avait aisément accès aux archives centrales
de la congrégation salésienne alors réunies à Turin, entreprit de
rassembler sur don Rua le maximum de documentation dans un ouvrage en trois
gros tomes, totalisant exactement 2388 pages, qu'il intitula Il Servo di
Dio Michele Rua (Turin, SEI, 1931-1934). Notre biographe s'était
soigneusement informé. Par exemple, il avait souvent recouru aux chroniques
locales des Filles de Marie Auxiliatrice. Malheureusement, dans sa volonté
d'être complet, don Amadei entassait les faits et les témoignages
distribués selon la seule chronologie de son héros, d'année en année, sans
jamais se soucier de construire un véritable récit. Seule entorse à cette
construction il intercalait entre les années 1898 et 1899 un intéressant
portrait moral très détaillé de don Rua. Mais tout se mélangeait dans ses
chapitres. Il en résulta un énorme zibaldone (un bazar, un fourre-tout),
selon le mot qu'employait devant moi don Ceria à propos du volume X des
Memorie biografiche, réalisé par don Amadei selon les mêmes critères. En
outre, don Amadei n'explicitait guère l'origine précise de ses
informations. Il ignorait le système des références. Son oeuvre extrêmement
méritoire ne peut donc être exploitée qu'avec précaution. Ajoutons, pour
être complets, que ses confrères obtinrent de lui une réduction de son gros
ouvrage, qui parut sous le titre Un altro Don Bosco, Don Rua (Torino SEI,
1934, 703 p.). L'un de ses collègues de l'époque à Turin, Augustin Auffray (1881-1955),
rédacteur du Bulletin salésien français, avait garde de tomber dans ses
travers en matière littéraire. Il rédigeait à ses côtés une vraie
biographie de don Rua sous le double titre Un saint formé par un autre
saint. Le premier successeur de Don Bosco, Don Rua (1837-1910) (Paris-Lyon,
E. Vitte, 1932, 412 p.), ouvrage bientôt traduit en italien. Le P. Auffray
construisait intelligemment son histoire en quarante-neuf petits chapitres
soigneusement organisés. Notre biographe avait du style. Il est vrai que le
lecteur d'esprit critique regimbe parfois devant ses images et ses
envolées. En outre, les références aux sources lui manquent. Quoi qu'il en
soit, les salésiens gagnèrent avec le livre du Père Auffray la première
honnête biographie de don Rua. Agréable à lire, elle était suffisamment
solide. Un autre lettré, italien celui-là, le Père Eugenio Ceria (1870-1957),
méditait peut-être alors de succéder au Père Auffray tout en rédigeant non
loin de lui dans la maison générale de Turin les derniers tomes des Memorie
biografiche de don Bosco. Ce bon historien de don Bosco publia après la
deuxième guerre mondiale une Vita del Servo di Dio Don Michele Rua, primo
successore di San Giovanni Bosco (Turin, SEI, 1949, 600 pages) solidement
documentée, bien construite, bien écrite. Ses quarante-six chapitres sont
infiniment mieux bâtis que ceux de son confrère Amadei. Il bénéficiait lui
aussi d'une connaissance directe de don Rua qu'il avait fréquenté au long
de son rectorat. Il est vrai que, assez méprisant à l'égard des pédants qui
étalent leur savoir, don Ceria réduisait ses notes au minimum. Souvent
informé de première main il s'en croyait alors légitimement dispensé. La
vie de don Rua par don Ceria fut d'excellente qualité. Suffirait-il de rééditer ou de traduire ce livre à l'approche du
centenaire de la mort de don Rua? Peut-être pas. Une biographie n'est
jamais définitive. La documentation subsistante est naturellement
réinterprétée en fonction des questions soulevées par les chercheurs, des
documents nouveaux sont exhumés. Il faudrait exploiter systématiquement le
DVD Documenti di don Rua confectionné en 2007 par les soins du Comité des
études historiques don Rua 2010. De nombreuses lettres de don Rua dorment
encore dans les archives provinciales salésiennes des diverses parties du
monde. Sa théologie n'est qu'imparfaitement connue. On ne dispose d'aucune
étude sur don Rua prédicateur. Il suivait ses missionnaires en Amérique.
Quelle forme prenait sa direction toujours attentive? Dans quelle mesure a-
t-il encouragé l'italianité alors très prononcée de la société salésienne?
Jusqu'à quel point la formation salésienne a-t-elle évolué sous le rectorat
de don Rua? Les graves affaires des directeurs-confesseurs de leurs
subordonnés et de la séparation juridique entre la congrégation salésienne
et l'institut des Filles de Marie Auxiliatrice mériteraient probablement
d'être examinées de plus près qu'on ne le fait ici. Etc. Ce livre ne prétend donc pas renouveler complètement le sujet. Il
reconnaît à diverses reprises sa dette envers ses devanciers, notamment
envers don Ceria, non seulement pour sa biographie, mais pour les Annali de
la Société salésienne dont il fut aussi l'auteur. Le rédacteur de cette
histoire de don Rua avoue regretter de n'avoir pas disposé en plusieurs
endroits des documents de première main qui lui auraient peut-être fait
modifier son récit. C'est surtout une relecture assez libre de la
documentation réunie dans le Fondo Don Rua aux archives centrales
salésiennes de Rome, que, à la fin du vingtième siècle, l'on a eu la bonne
idée de mettre à la disposition des chercheurs en la photographiant sur
microfiches. Mais l'auteur n'a pu bénéficier des recherches en cours à la
veille du centenaire de 2010. Il est probable qu'un successeur apparaîtra
bientôt afin de pourvoir à ses déficiences.
Toulon, le 31 janvier 2009.
ABREVIATIONS Amadei A. Amadei, Il Servo di Dio Michele Rua, Torino, SEI, 1931-1934. Annali E. Ceria, Annali della Società Salesiana, Torino, SEI, 1941-
1951. Auffray A. Auffray, Le premier successeur de Don Bosco, Don Rua (1837-
1910), Lyon-Paris, Vitte, 1932. Ceria, Vita E. Ceria, Vita del Servo di Dio Don Michele Rua, Torino, SEI,
1949. Documenti G. B. Lemoyne, Documenti per scrivere la storia di D. Giovanni
Bosco..., 45 registres, FDB 966 A8 à 1201 A9. Don Bosco en son temps F. Desramaut, Don Bosco en son temps (1815-1888),
Torino, SEI, 1996. Epsitolario Giovanni Bosco, Epsitolario, a cura di Francesco Motto, Roma,
LAS, depuis 1991. Epsitolario Ceria Epsitolario di S. Giovanni Bosco, per cura di D.
Eugenio Ceria, Torino, SEI, 1955-1959. FdB Archivio Salesiano Centrale, Fondo Don Bosco. Microschedatura e
descrizione, Roma, 1980. FdR Archivio Salesiano Centrale, Fondo Don Rua. Microschede e
descrizione, Roma, 1996. Francesia D. Michele Rua, primo successore di Don Bosco. Memorie del Sac.
G.B. Francesia, Torino, Ufficio delle Letture cattoliche,
1911. L.C. Lettere circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, Torino, S.A.I.D.
Buona Stampa, 1910. MB G. B. Lemoyne, A. Amadei, E. Ceria, Memorie biografiche di Don
Giovanni Bosco, San Benigno Canavese et Torino, 1898-1948. Positio 1935 Sacra Rituum Congregatione. Taurinen. Beatificationis ac
Canonizationis Servi Dei Sac. Michaelis Rua. Positio super
introductione Causae, Roma, Guerra et Belli, 1935. Positio 1947 Sacra Rituum Congregatione. Taurinen. Beatificationis et
Canonizationis Servi Dei Michaelis Rua. Positio super
virtutibus, Romae, Guerra et Belli, 1947. RSS Ricerche Storiche Salesiane, Roma, LAS. 1 - L'enfance de Michel Rua
LA VILLE DE TURIN DANS LES ANNÉES 1830 A la différence du campagnard Jean Bosco, qui ne découvrit la ville pour
la première fois qu'à l'âge de quinze ans quand il pénétra dans la cité -
très modeste d'ailleurs - de Chieri, Michel Rua naquit à Turin, capitale
des Etats sardes, où il résidera sa vie durant. Ce fut toujours un citadin,
le citadin d'une ville de la période préindustrielle, qui ne passera que
lentement d'un Ancien Régime où elle se complaisait encore, à une ère plus
libérale de monarchie constitutionnelle. Dans les années 1830, Turin, qui atteignait 100.000 habitants, avait
bonne réputation en Europe.1 Les étrangers louaient «la régularité des
maisons, la largeur et la netteté des rues, la commodité de l'eau appelée
la Dora, les promenades tellement agréables, l'excellente poli