SYSTEMIQUE ou SCIENCE des SYSTEMES

74. 2. 3 Les outils numériques dans l'enseignement des Arts appliqués & cultures
artistiques. Francis COUNIL, IA-IPR. Charly PENAUD, IEN-ET. 80. Annexes .....
Estimant que chacun a déjà une connaissance fine du programme pubié au B.O.
32 du 28 août 2008, Pierre Baqué envisage d'en examiner l' esprit plutôt que
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SYSTEMIQUE et SCIENCE des SYSTEMES
Quelques repères historiques par Gérard Donnadieu
Secrétaire général de l'Association Française de Systémique (AFSCET)
Ancien professeur à l'Institut d'Administration des Entreprises (Université
Paris 1 - Sorbonne)
Professeur de théologie des religions à l'Ecole Cathédrale (Paris)
Dans l'histoire de la pensée systémique[1], une large part du débat relatif
à sa naissance et à ses sources tourne autour de son rapport au
positivisme. Si l'on veut comprendre les évènements survenus dans le champ
des sciences au cours du dernier demi-siècle et qui ont contribué à
l'apparition de la systémique en tant que nouveau paradigme scientifique,
il faut donc remonter beaucoup plus avant dans l'histoire des sciences.
Depuis le 17ème siècle, grâce pour partie à Descartes, le positivisme était
devenu l'épistémologie de référence de la science. Le fantastique essor
des sciences de la matière puis des sciences du vivant s'est déroulé sous
son égide. Le 19ème siècle et la première moitié du 20ème siècle en furent
sans doute l'âge d'or. C'est alors que du développement même des sciences
sont apparues les premières remises en cause, autour notamment de la notion
de complexité.
C'est cette histoire que je me propose d'éclairer, d'abord en remontant aux
origines du positivisme, puis en suivant dans le cheminement des
principales sciences les différents moments de son interpellation et la
construction du nouveau paradigme. 1 - Aux origines du positivisme Ce n'est qu'au travers d'une longue gestation débouchant sur la rupture
culturelle du 17ème siècle, que le positivisme s'est constitué comme
épistémologie dominante de la rationalité moderne. Avec Auguste Comte (1798-
1857), le positivisme trouvera sa version la plus achevée. Mais avant de la
présenter, il n'est pas inutile de remonter à ses lointains prédécesseurs.
Précisons toutefois que dans cet article, qui ne vise pas à faire ?uvre
d'érudition, il ne sera question que d'un rapide survol. 1) Les sources philosophiques La naissance du positivisme ne peut se comprendre que si on la situe dans
l'interminable débat qui ne cesse d'opposer depuis les origines de la
philosophie grecque, les deux grands génies que sont Platon et Aristote. Platon met l'accent sur l'idéation ; pour lui les réalités intelligibles,
auxquelles l'homme peut avoir directement accès par la pensée, sont plus
"vraies" que les réalités sensibles qui n'en sont que des images dégradées
(parabole de la caverne). La démarche d'Aristote part, au contraire, de
l'observation des faits, de l'expérience sensible. Il cherche, par
abstraction, à découvrir au-delà de l'apparence des choses une réalité
première, cachée mais essentielle, une forme qui donne sens aux
observables. Des notions ou concepts sont élaborés, qu'un raisonnement
logique, appuyé sur la logique formelle, cherche ensuite à articuler en
théorie cohérente et globale. La science ainsi édifiée se doit d'être
universelle et nécessaire. Dans l'Occident chrétien du premier millénaire, le platonisme avait paru
triompher. Sous l'influence de théologiens éminents, comme Augustin, il
avait réussi à configurer le discours chrétien. C'est alors que, véhiculé
par ses commentateurs arabes ou lu directement à partir d'?uvres grecques
ramenées des croisades, Aristote fut redécouvert au 12ème siècle par
l'Occident. L'impact intellectuel fut considérable et de grands théologiens
comme Albert le Grand et Thomas d'Aquin attachèrent leur nom à une lecture
chrétienne d'Aristote.
Dans l'histoire de la théologie, mais aussi de la philosophie, la synthèse
thomiste fut un extraordinaire moment d'équilibre entre raison et foi,
observation et spéculation. Synthèse fragile néanmoins car elle devait
entrer en crise dès le 14èmesiècle, à propos de la querelle dite des
universaux. Duns Scot (1266-1308) et Guillaume d'Ockham (1300-1348)
récusèrent l'équilibre que saint Thomas avait essayé d'établir entre raison
et foi. L'un comme l'autre estimaient qu'il s'agissait là d'une mise en
cause de l'absolue liberté divine ; mais ils en tirèrent des conséquences
opposées. Pour Scot, retrouvant en cela des positions platoniciennes,
l'homme accède à la connaissance par les essences intelligibles, les idées,
dont la réalité procède de l'illumination de notre esprit par la grâce
divine (même si cette illumination n'a laissé en nous que des traces ténues
obligeant notre volonté à lutter sans cesse pour nous laisser informer par
la grâce). Pour Ockham en revanche, il n'existe pas de réalités
intelligibles en soi ; les idées ou les essences ne sont que des mots, des
noms donnés aux choses que nous observons par expérience sensible, si
trompeuse soit cette dernière. D'où l'importance de l'observation et de
l'étude, et en premier lieu de la Bible qui constitue la seule source de ce
que nous pouvons savoir de Dieu. A Duns Scot, pour qui les idées ont une existence ontologique, Ockham
oppose le nominalisme qui ne confère aux idées qu'une simple existence
linguistique. Mais au-delà de cette opposition, les deux théologiens
insistent sur le problème de la connaissance ; ce sont des épistémologues.
Ils posent tous deux la question de la méthode censée permettre de déjouer
les illusions des sens. D'où l'importance que vont prendre la logique, les
mathématiques, la physique à partir du 15ème siècle, riche terreau sur
lequel le développement de la science moderne va pouvoir se faire à partir
du 17ème siècle. Parallèlement à ce débat épistémologique, la redécouverte d'Aristote devait
s'avérer particulièrement stimulante pour l'Occident chrétien qui
connaissait entre le 11ème et le 14ème siècles une extraordinaire
transformation technique et économique que des historiens ont pu qualifier
de première révolution industrielle[2]. Par son insistance sur le primat de
l'observation et de l'expérience, l'aristotélisme donne en effet un cadre
de légitimité aux travaux des nombreux chercheurs "technologues" qui se
manifestent alors. Dans la foulée des réflexions de Robert Grosseteste
(Oxford, 1175-1253) et de Roger Bacon (Oxford, 1214-1294), une notion
claire du rapport entre la théorie et l'observation est élaborée. Ceux qui
seront connus plus tard sous le nom de mécaniciens, d'astronomes, de
chimistes, osent exploiter l'empirisme des arts et des métiers au service
de la connaissance. Les méthodes inductives sont utilisées pour édifier des
théories et les soumettre à des tests expérimentaux de vérification dont on
commence à préciser les étapes et les conditions. Là où faute d'instruments
techniques assez développés et précis, de formalisme mathématique suffisant
pour permettre la quantification, de protocoles expérimentaux détaillés,
Aristote s'avérait impuissant à mener à terme sa démarche d'observation,
les observateurs technologues de la Renaissance vont faire merveille. C'est par le développement de l'astronomie que l'on peut montrer le mieux
la naissance de cette démarche scientifique "moderne", s'appuyant sur des
techniques expérimentales et des appareils de plus en plus puissants et
perfectionnés. En moins de trois siècles apparaissent successivement ou
simultanément, pour les questions qui intéressent à la fois l'usage de
nouvelles techniques d'observations et du formalisme mathématique, une
succession de grands découvreurs :
- Copernic, polonais (1473-1543).
- Tycho-Brahé, danois (1546-1601).
- Malherbe, français (1556-1628).
- Képler, allemand (1571-1630) qui fut le véritable fondateur de la
nouvelle astronomie.
- Galilée, italien (1564-1642). Ce qui frappe, dans cette histoire, est l'extraordinaire bouillonnement,
pour ne pas dire confusion, des idées et des références philosophiques des
divers protagonistes. Spéculation et action ne sont pas séparées mais
intimement liées comme chez Léonard de Vinci ; arguments tirés de
l'expérience et de la révélation biblique peuvent être mis sur le même pied
comme avec Képler et Galilée ; la même observation peut recevoir, suivant
le cas, une explication dans un cadre platonicien ou nominaliste ; Aristote
peut être appelé au renfort aussi bien pour défendre un point de vue que
son contraire. C'est de cette situation de confusion, riche cependant de
potentialités, que Descartes (1596-1650) va essayer de sortir la pensée
occidentale. Ses travaux et son célèbre Discours de la méthode inaugurent
véritablement la science "classique". 2) L'âge d'or de la rationalité scientifique Le 17ème siècle va voir, en quelques décennies, la constitution d'une
nouvelle conception du monde qui non seulement accompagnera la naissance de
ce que nous appelons maintenant la mécanique classique mais permettra
l'essor de la science moderne dans sa conquête intellectuelle et technique
d'une réalité extérieure à l'homme. Si le Discours de la méthode (1637)
constitue son acte de naissance, les Philosophiae Naturalis Principia
Mathematica d'Isaac Newton (1687) en sont incontestablement le point
d'orgue. Newton (1642-1727) a véritablement fondé la mécanique classique,
laquelle n'atteindra son plein développement qu'avec Lagrange (1736-1813),
Laplace (1749-1827) et Hamilton (1805-1865), cela grâce au calcul
différentiel créé par Leibniz (1646-1716). Par ses travaux sur la lumière,
il est également à l'origine de la physique dite classique dont Maxwell
(1831-1879), unifiant mécanique, optique et électricité, sera le