Jacques PERRET - Comptoir Littéraire

Dans l'intervalle de ces captures, le croc palanqué avait mission d'amener à bord
toutes sortes d'épaves telles que baril, coffre, balle d'indigo, caisse d'épices,
cochenille en poudingue, vieille peau de sirène en mue, ...... Mais, que souffle
une petite brise, et il renonça aux exercices de terre ferme pour hisser la grand-
voile.

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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Jacques PERRET (France) (1901-1992) [pic] Au fil de sa biographie s'inscrivent ses ?uvres
qui sont résumées et commentées
(surtout ''Le caporal épinglé'' et ''Rôle de plaisance'').
Bonne lecture ! Né le 8 septembre 1901 à Trappes (Yvelines), dans une famille de
respectable bourgeoisie, ce «Gaulois de noble origine» (selon Pol
Vandromme) était le second fils de Thérèse Roque et de Marc Perret,
rédacteur principal à la préfecture de la Seine, qui l'éleva dans le
respect des valeurs patriotiques et l'espoir d'une revanche sur
l'Allemagne. Il allait toujours se faire une certaine idée de la France,
monarchique, catholique, volontiers rurale, essentiellement populaire. Son
enfance fut marquée par la Première Guerre mondiale au cours de laquelle
son frère, Louis, fut tué.
Il fit de bonnes études à Paris, aux lycées Montaigne et Louis-le-Grand. Il
se destinait à l'École Navale mais, inapte aux mathématiques, il prépara
plutôt, en Sorbonne, les licences d'histoire et de philosophie, obtint
aussi un diplôme d'études supérieures. Mais, comme il tenait de son grand-
père l'art du dessin, ce fut donc tout d'abord comme illustrateur qu'il
gagna sa vie.
Très vite, cependant, il céda à l'appel du voyage. D'abord, plutôt que de
s'ennuyer en France dans une garnison de province, il demanda de faire, de
1921 à 1923, son service militaire au Maroc, dans le 29e régiment de
tirailleurs algériens avec le grade de caporal, bataillant alors, dans les
djebels de Taza, contre les Chleuhs. S'il fut représentant chez Belin puis
brièvement professeur de français en classe de troisième, il opta vite pour
le journalisme, faisant ses débuts au ''Rappel'' et au ''Journal'', partant
en reportage en Amérique : au Honduras, où il fut pêcheur de bonites,
trafiqua la nacre et le coprah, et participa à la tentative révolutionnaire
malheureuse du général Pedro Sandrino ; au Nicaragua, où il chargea des
bateaux bananiers ; à Vera Cruz, au Mexique, où il fut docker ; aux États-
Unis ; au Canada (où il fut bûcheron et travailleur saisonnier au Manitoba,
pêcha le saumon) ; aux Antilles.
Surtout, en 1931, il entreprit une expédition en Guyane, pour le compte du
Musée de l'Homme et du Muséum national d'histoire naturelle, pour l'aspect
ethnographique, et des industriels Monteux et Richard pour l'aspect
prospection d'or (il se donnera, dans ''Le caporal épinglé'', parmi
plusieurs professions, celle de «prospecteur-géologue») ; sa découverte du
pays le marqua profondément et (légende ou réalité?) on raconta qu'il avait
à l'occasion agrandi le territoire français en déplaçant les bornes
frontières aux dépens du Brésil. L'orpailleur revint sans or, mais
l'ethnologue riche de renseignements sur les Indiens Émerillons. Il se
souviendra, dans ''Le caporal épinglé'', des «divines journées distillées
chez les Indiens au doux roulis du hamac, au plus profond des bois déserts,
au plus creux de la plus inaccessible retraite», il évoqua «les rapides,
les moustiques, la fièvre, les crocodiles et tout l'imposant attirail de la
sauvage nature». En 1932, une exposition fut consacrée à cette expédition.
Le 31 octobre 1931, il se maria avec Alice Thiétry, professeur de français
à l'Alliance Française. En 1932, naquit leur fille, Jacqueline. En 1934, il
cultiva la terre à Chissay-en-Touraine, dans le Loir-et-Cher (il se
donnera, dans ''Le caporal épinglé'', parmi plusieurs professions, celle de
«viticulteur-oenologue»), mais l'entreprise se solda par un échec. Il fut
alors courtier en librairie, graveur, hôtelier, dessinateur en Suède,
répétiteur au Danemark, bûcheron en Laponie. De retour à Paris en 1936, il
emménagea rue de la Clef, dans le Ve arrondissement, et poursuivit sa
carrière de journaliste, suivant alors la guerre d'Espagne du côté
franquiste, car il était ami d'Alphonse XIII ; se rendant, en 1937, en
Albanie sous occupation italienne, dans les Sudètes où des Allemands
réclamaient leur rattachement à l'Allemagne.
Mais il écrivit deux romans qui reflétèrent son goût de l'aventure.
Grâce à la recommandation d'André Malraux, il put d'abord publier :
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_____ "Roucou"
(1936) Roman En Guyane française, Martin, Philis et Bret partent de Saint-Laurent-du-
Maroni pour tenter leur chance dans les bois. Martin est un prospecteur
consciencieux, méthodique, sans passion, pour qui l'or serait le moyen de
se retirer en France et y mener une existence à son goût. Philis est un
obsédé qui nourrit depuis de longues années un délire de l'or, tyrannique,
irréductible. Bret est un sédentaire parisien en fugue, travaillé par un
bouillonnement d'instincts confus. Cette singulière équipe est condamnée à
la faillite. Abandonné par ses compagnons, Martin s'en va seul poursuivre
jusqu'à la mort l'or insaisissable, tandis que Philis est la proie de
créoles aigrefins et que Bret, séduit par la société indienne, achève d'y
perdre la raison et couronne sa fugue par une sorte de bouffonnerie épique.
Commentaire La Guyane fut le second pays de Jacques Perret, le pays de sa seconde
naissance. Mais il n'en donna pas de descriptions : le saut Poligoudou,
avec ses trois terribles chutes, n'appela qu'une brève énumération ; une
averse équatoriale fut moins décrite que vue à travers les yeux de Jean
Bret. Quant au «roucou», c'est la teinture écarlate dont les Indiens
s'oignent le corps ; son parfum lourd et tenace invite au hamac et incite à
la sieste ; pour le Blanc civilisé friand de rêverie, c'est un stimulant
magnifique : tout le mystère indien s'exhale dans une bouffée de «roucou».
Le roman est avant tout la trajectoire du faux aventurier qu'est Bret, un
homme déplacé dans l'espace mais qui a emporté avec lui ses lectures et
surtout ses rêves de lycéen. C'est plus encore un homme décalé dans le
temps puisqu'à chaque instant le passé glorieux des Isles, de la Guyane
d'avant le bagne, reflue dans son esprit et s'affirme comme en
surimpression sur le paysage traversé, puisqu'il projette sur le cadre
guyanais ses lectures d'adolescents : les Indiens qu'il voit lui rappellent
Sitting Bull et Chactas ; il se revoit jeune Sioux évoluant dans le parc
Montsouris. Et il débite volontiers des citations latines
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_____ "Ernest le rebelle"
(1937) Roman La sagesse conseillant de joindre autant que faire se peut l'utile à
l'agréable, Ernest Pic, musicien besogneux, décide de combiner ses loisirs
estivaux de violoniste avec les plaisirs laborieux d'une tournée, sous
l'égide du vieux M. Duplat et de son orchestre, à bord du paquebot
"Flandre" qui vogue vers l'Amérique du Sud. Il subit, à tort, une sévère
correction de la part d'un mari jaloux, Gringue. Au cours de l'escale de La
Havane, il se laisse griser par l'odeur des cigares et succombe au charme
d'une jolie créole qui lui vole tout son argent. Ahuri, il laisse partir le
paquebot, et se retrouve seul sur le quai, sans montre ni portefeuille, sa
boîte à violon sous le bras qu'un faux mouvement précipite à l'eau. Il
éclate en sanglots que couvre alors un gros rire : à ces accents sonores
entre dans sa vie Tom l'Américain qui l'embarque avec un passeport (faux),
nanti d'argent (volé), sur un navire en partance pour Puerto Felipe, port
de l'État sud-américain imaginaire du Cerro Dorado. Le capitaine Tonio lui
trouve un travail sur son navire en partance pour Mariposa, autre pays
imaginaire. Là, il est embauché dans une plantation de bananes dirigée par
un véritable esclavagiste. Mêlé malgré lui à un coup d'État, le paisible
violoniste se transforme en guérillero et, devenu Don Ernesto Pico de Oro,
attaque des trains au galop et se couvre de gloire (ou de poussière) sous
l'influence du mauvais génie dénommé Tom, courant, nouvel Ulysse aux
aventures drolatiques, avant de revenir, «plein d'usage et raison vivre
chez lui le reste de son âge». Commentaire Dans ce roman aussi, Jacques Perret ne se livra pas à la description : la
vue d'un cocotier à travers un hublot n'éveille chez son personnage qu'une
seule réaction, une seule réflexion : «Ce cocotier m'écoeura.» Mais il lui
accorda une bonne culture de lycéen. On y lit cette phrase définitive : «Je
voulais cracher à cinq mètres et j'éclaboussais mes pieds.» En 1938, le roman fut adapté par Jacques Prévert et Jean Manse pour un film
de Christian-Jaque, avec Fernandel, Pierre Alcover et Robert Le Vigan, le
cadre exotique de cette pochade ayant été reconstitué dans les studios de
la Victorine à Nice. L'adaptation fut très libre ; qu'on en juge :
À bord d'un paquebot voguant vers l'Amérique du Sud, Ernest Pic joue de
l'accordéon. Ses mimiques, causées par le mal de mer, sont prises pour des
signes d'intérêt par une riche passagère, Suzanne Gringue, d'où une
altercation avec le mari de la dame. Lors d'une escale, une belle indigène
«plume» Ernest et le bateau repart sans lui. Désespéré,