Retour sur trois ans d'évaluation diagnostique

Il a été mis en place au cours de l'année 2004 ? 2005 et fonctionne donc depuis
3 ans. ... surtout il ne s'agit pas d'un enseignant d'Histoire ? Géographie (mais de
SVT). ... Certes, les évaluations nationales dans le premier (CE2) et dans le
second ... Même si le travail sur des exercices du type Bac ou Brevet repose sur
un ...

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Que nous apprend l'évaluation diagnostique
sur notre métier et nos pratiques d'enseignant ?
Le groupe de l'académie de Dijon qui travaille sur l'évaluation
diagnostique est composé d'enseignants du premier et du second degré,
d'inspecteurs (IPR et IEN) et d'un accompagnateur (enseignant du second
degré). Ce groupe s'inscrit dans un cadre national, celui de la Banqoutils
(Banque d´outils d´aide à l´évaluation diagnostique qui dépend de la
Direction de l'évaluation et de la prospective du Ministère de l'Education
Nationale). Il a été mis en place au cours de l'année 2004 - 2005 et
fonctionne donc depuis 3 ans.
Le travail du groupe a été marqué par une phase de « tâtonnements »,
d'échecs se traduisant (de façon schématique) par l'absence de mise en
ligne d'outil sur le site Banqoutils. Pourtant la méthode d'élaboration des
outils est un processus rigoureux, cadré précisément dans un cahier des
charges précis. Cependant son assimilation a été assez lente, faute d'une
lecture attentive peut-être, mais aussi sans doute en raison d'un
encadrement assez « lâche » de l'équipe nationale. Ces difficultés ont pu
entraîné un certain découragement, en particulier au début de la 3ème année
de fonctionnement du groupe.
Le groupe a aussi évolué dans sa composition, par la suite de
départs, d'abandons mais aussi de l'arrivée de nouveaux membres,
enseignants, et d'un accompagnateur dont le rôle a sans doute été décisif.
Cet accompagnateur est une personne « extérieure » au groupe : sa présence
n'est pas systématique et surtout il ne s'agit pas d'un enseignant
d'Histoire - Géographie (mais de SVT).
L'année 2006 - 2007 a-t-elle été le moment du « déblocage » ? En tous
cas, le groupe a réussi à produire un outil, à l'expérimenter et à le
valider : l'outil est en ligne sur le site national Banqoutils
(http://www.banqoutils.education.gouv.fr/). La démarche semble donc
désormais mieux comprise, assimilée même si une phase cruciale pose encore
problème : la définition d'une capacité précise et la formulation des
hypothèses d'erreurs des élèves.
A ce point, il n'est peut-être pas inutile d'effectuer un retour sur
ces années de travail et sur son intérêt...
Que nous apprend l'évaluation diagnostique sur notre métier et nos
pratiques d'enseignant ? 1. Un retour sur l'évaluation. Parmi les différents types d'évaluation (sommative / formative /
diagnostique), l'évaluation diagnostique est relativement peu pratiquée.
Elle peut prendre la forme de l'interrogation orale en début de classe,
assez fréquente. Cependant, l'évaluation diagnostique reste peu mise en
?uvre de manière rigoureuse, normée et écrite.
Certes, les évaluations nationales dans le premier (CE2) et dans le
second (6ème) degrés mettent en ?uvre des outils d'évaluation diagnostique.
Cependant, en 6ème notamment, le français et les mathématiques sont les
seules disciplines d'évaluation. Et le bilan tiré de ces évaluations ne
semble guère toucher les autres disciplines...
La pratique de l'évaluation diagnostique dans le cadre de la
Banqoutils a le grand mérite de mettre l'accent sur les capacités par
rapport aux connaissances, sur les savoir-faire par rapport aux savoirs. La réflexion sur les capacités montre leur grande complexité en
Histoire - Géographie.
Nos disciplines sont de façon presque inextricable liées à la
maîtrise de la langue française. En effet, très souvent la langue entre en
jeu pour la compréhension des documents, pour l'expression, pour la
construction du raisonnement, l'argumentation.
D'autre part, il est difficile d'isoler des capacités « simples » en
Histoire - Géographie. Dans les domaines de la réalisation (choisir,
concevoir, exécuter, apprécier), les capacités sont complexes, mettent
souvent en ?uvre d'autres capacités « intermédiaires » : prélever des
informations, organiser ces informations, etc.
Il s'agit d'un obstacle majeur à la réalisation d'outils d'évaluation
diagnostique mais une prise de conscience nécessaire et riche pour la
pratique de nos disciplines.
Notre expérience depuis trois ans souligne l'apport théorique
nécessaire à notre métier en général et à l'évaluation diagnostique en
particulier. En effet, pour évaluer une capacité il faut concevoir
(théoriser ?) les opérations mentales en jeu chez les élèves. Ces processus
cognitifs nous sont malheureusement peu familiers.
Il nous semble que cela soulève une limite de la formation
professionnelle des enseignants, un apport théorique insuffisant dans le
domaine de la psychologie cognitive et des apprentissages des élèves. Nous
ressentons donc le besoin par un détour, ou un retour à la « théorie »,
pour mieux comprendre et appréhender le « terrain ». 2. Un retour sur nos pratiques. Le travail du groupe est un miroir particulièrement efficace de nos
pratiques professionnelles.
Par exemple, nous avons pris conscience que la lecture rapide des
documents et la recherche rapide d'informations sont privilégiées et
valorisées. Un texte par exemple est rarement lu jusqu'au bout par les
élèves, et presque jamais dans le détail. Dans le cadre du cours dialogué
par exemple, la réponse rapide (et la bonne réponse) est valorisée au
détriment de l'analyse fouillée, approfondie du texte. De même, les
questions suivent très souvent, presque systématiquement, l'ordre du texte.
A l'inverse, la démarche de l'évaluation diagnostique débouche sur un
travail minutieux du document, sur une lecture très attentive du texte par
exemple, car on recherche alors l'erreur de l'élève pour mieux apprécier
ses capacités. Dans les pratiques de classe, on s'intéresse peu au sens général du
document. De plus, pour faire « avancer » le cours, il est nécessaire au
professeur qu'un élève trouve la bonne réponse et nous travaillons donc peu
sur les erreurs des élèves. La correction des évaluations en donne un bon
exemple : le plus souvent les élèves qui ont réussi redonnent leurs bonnes
réponses. Il nous semble aussi que les documents sont souvent étudiés un par
un. Même si le travail sur des exercices du type Bac ou Brevet repose sur
un ensemble documentaire, la conduite du cours « classique » repose
davantage sur l'examen de documents successifs (un document puis une trace
écrite, etc.). Le statut du document soulève ici de multiples enjeux :
- comment apprendre à raisonner ? A mettre en relation ? A justifier ? A
argumenter ? A généraliser voire à théoriser ? Il s'agit d'objectifs
majeurs de nos disciplines.
- Comment évaluer et comment corriger (pour que la correction est un sens
et soit utile aux élèves « en difficulté ») ?
- Quelle est la place du document dans notre enseignement et dans nos
pratiques ? Le document est un « angle d'attaque » efficace, révélateur de toutes
sortes de pratiques. Le document peut servir d'illustration pour appuyer le
raisonnement mené par l'enseignant. Il peut au contraire être travaillé par
les élèves eux-mêmes. Le document peut être examiné seul ou en relation
avec d'autres documents. Il permet de dégager des idées, souvent
généralisées dans une trace écrite. Il est rarement le moyen d'amener les
élèves à émettre des hypothèses. Plus souvent, l'enseignant montre aux
élèves que des connaissances doivent être apportées pour comprendre le
document, l'éclairer, le critiquer. Bref, s'intéresser au statut du
document dans nos pratiques professionnelles, c'est bien souvent interroger
l'ensemble de ces pratiques : situations d'apprentissage, activités des
élèves, élaboration de la trace écrite, etc.
3. Un retour sur un continent inconnu : la « tête » des élèves. L'élaboration d'outils d'évaluation diagnostique nous oblige à
réfléchir aux opérations mentales de nos élèves, au cheminement, au
raisonnement demandé pour, par exemple, mettre en relation deux
informations.
Cette réflexion montre la très grande complexité de cette capacité :
maîtrise de la langue souvent nécessaire, grand nombre d'opérations
mentales en jeu (lire et analyser deux ou plusieurs documents, prélever des
informations, traiter ces informations pour pouvoir les mettre en
relation). La pratique de ce type d'exercice nous permet d'approcher les
processus intellectuels à l'?uvre chez nos élèves et d'émettre des
hypothèses quant à leurs erreurs.
Par exemple la mise en relation est rarement pour eux
l' « identité », le rapprochement de deux éléments identiques (deux dates
qui concordent, une date qui est incluse dans une période par exemple). Les
élèves se contentent le plus souvent d'une approximation, d'une chance de
réussite, d'un au moins 50% de « commun » entre des éléments proches. Cette
« proximité » est parfois étonnante, déroutante. Parfois une information
est proche (au sens spatial) dans le document : une expression dans la même
phrase, une période à côté d'une date (avant ou après une date limite, peu
importe). Dans ce sens, 1791 est proche de 1792 même si une frise fait
correspondre ces deux dates à deux régimes politiques différents. Des mots
inconnus des élèves peuvent relever de même « proximité » : tous ces mots
sont difficiles et donc doivent relever à peu près du même champ lexical,
donc du même sens, alors qu'il s'agit de termes aussi éloignés que
« vicaire » et « diplomate ». L'expérience nous montre donc le très grand intérêt d'