Résolution du cas pratique n° 1

solution d'un cas pratique ... le contentieux de l'annulation et de la réformation
des actes pris dans l'exercice de leurs prérogatives de puissance publique par ...

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Résolution d'un cas pratique

faisant apparaître la succession des étapes du syllogisme juridique






violet : rappel de la règle de droit pertinente
rose : rappel des faits pertinents
bleu : application de la règle de droit pertinente aux faits pertinents


« Depuis de longues années, la quiétude des habitants de la petite
commune rurale de Tule-sur-bar est troublée par la divagation de divers
animaux errants que les éleveurs propriétaires laissent paître librement
sur les pâturages entourant le village. Outre les dégâts que ces animaux
causent à certaines propriétés privées, plusieurs accidents se sont
produits lorsque des promeneurs ont eu le malheur de croiser la route de
certains d'entre eux d'humeur chagrine voire massacrante.
Le maire de la commune de Tule-sur-bar a certes pris des arrêtés
interdisant la divagation des animaux errants mais, faute pour la commune
de disposer d'un local adapté, il n'a pas désigné le lieu de dépôt où les
animaux errants pourraient être conduits, comme le prévoit l'article L. 211-
1 du code rural. Ces arrêtés sont donc restés dépourvus d'effets et
quelques habitants, après avoir réussi à attirer l'attention des médias
locaux sur la situation, n'ont pas hésité à saisir le préfet. Ce dernier a
alors adressé au maire de Tule-sur-bar une lettre par laquelle il lui a
rappelé les textes en vigueur. Peine perdue...
Devant l'inertie du maire, ces habitants envisagent désormais d'engager les
actions contentieuses nécessaires et souhaitent être conseillés à ce
sujet. »


Les habitants de la commune de Tule-sur-bar peuvent poursuivre divers
objectifs : d'une part, obtenir que le maire de leur commune prenne une
décision administrative par laquelle il désignerait enfin un local adapté
au dépôt des animaux errants sur le territoire de sa commune, d'autre part,
obtenir que le préfet se substitue au maire pour prendre la décision
administrative adaptée à la situation et enfin, obtenir réparation pour les
dommages que les animaux errants sur le territoire de cette commune leur
ont infligés.
Les éventuels recours administratifs que les habitants de cette commune
auraient pu former ne seront pas nécessairement envisagés, dans la mesure
où il nous est uniquement demandé de conseiller ces habitants sur les
possibilités d'actions contentieuses qui s'offrent à eux.

I Actions dirigées contre le maire de Tule-sur-bar


A) Action tendant à faire édicter la mesure nécessaire (Recours pour excès
de pouvoir)

Initialement, un recours pour excès de pouvoir ne permettait d'obtenir
du juge que l'annulation d'une décision administrative ; en aucun cas
l'édiction d'une nouvelle décision. On pouvait alors considérer, dans une
situation analogue à celle dans laquelle se trouvent aujourd'hui les
habitants de Tule-sur-bar, qu'un tel recours montrait un intérêt limité :
la décision par laquelle le maire refuse de désigner un local adaptée
annulée, rien ne l'aurait obligé à prendre une décision en sens contraire.
Aujourd'hui cependant, le juge de l'excès de pouvoir a la possibilité
d'enjoindre à une autorité administrative de prendre une nouvelle décision
administrative lorsque le respect de l'annulation contentieuse prononcée
conduit nécessairement à prendre une nouvelle décision dans un sens
déterminé (cf. infra). Il en résulte que les habitants pourraient
avantageusement former un tel recours.

1- Compétence juridictionnelle


a) Détermination de l'ordre juridictionnel auquel appartient la
juridiction compétente

En vertu du Principe fondamental reconnu par les lois de la
République dégagé par le Conseil constitutionnel le 23 janvier 1987
(Conseil de la concurrence), le contentieux de l'annulation et de
la réformation des actes pris dans l'exercice de leurs prérogatives
de puissance publique par les autorités administratives relève en
principe de la compétence des juridictions de l'ordre
administratif. En l'espèce, les requérants cherchent à obtenir
l'annulation d'un acte administratif unilatéral (refus de désigner
un local adapté au dépôt des animaux errants sur le territoire de
la commune de Tule-sur-bar). Il en résulte que la juridiction
compétente pour statuer sur le recours pour excès de pouvoir qui
serait formé par les habitants de Tule-sur-bar ne peut être qu'une
juridiction administrative.

b) Détermination de la catégorie de juridictions administratives
à laquelle appartient la juridiction compétente

L'article L. 211-1 du Code de justice administrative dispose à
cet égard que les tribunaux administratifs sont, sauf disposition
législative ou réglementaire contraire, compétents en premier
ressort pour statuer sur les recours juridictionnels portés devant
les juridictions administratives. Dans la mesure où aucun élément
de fait ne justifie qu'il soit dérogé aux dispositions de l'article
L. 211-1 du Code de justice administrative et où nous
supposons que les habitants décident effectivement de former un
recours pour excès de pouvoir devant les juridictions
administratives, c'est bien le tribunal administratif
territorialement compétent qui sera compétent en premier ressort
pour statuer sur ce recours.

c) Détermination de la juridiction compétente

La compétence territoriale des tribunaux administratifs est
régie principalement par l'article R. 312-1 du Code de justice
administrative, qui précise que « lorsqu'il n'en est pas disposé
autrement par les dispositions de la section II du présent chapitre
ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement
compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège
l'autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par
délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat
litigieux ». Aucun élément de fait ne justifiant qu'il soit dérogé
aux dispositions de cet article, les requérants devront former leur
recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif dans
le ressort duquel se trouve l'hôtel de ville de Tule-sur-bar.

2- Recevabilité du recours


a) Recevabilité ratione materiae

En premier lieu, un recours pour excès de pouvoir ne peut, en
principe, être formé que contre une décision administrative en
vertu de la règle de la décision préalable (article R. 421-1 du
Code de justice administrative), ce qui implique de vérifier que
les requérants sont déjà en possession d'une telle décision. A
défaut, ils doivent la provoquer en saisissant l'autorité
administrative compétente d'une demande en ce sens. La
jurisprudence exigeant, en outre, que cette décision administrative
présente le caractère d'acte faisant grief, il convient de vérifier
que cette condition est également remplie. En l'espèce, le maire de
la commune concernée a pris des arrêtés interdisant la divagation
des animaux errants sans toutefois désigner le lieu de dépôt où ils
pourraient être conduits. S'ils ne sont pas forclos (ce que
l'énoncé de la situation de fait ne permet pas de déterminer) les
habitants de Tule-sur-bar pourront donc former un recours pour
excès de pouvoir contre le dernier arrêté par lequel le maire de la
commune a interdit la divagation des animaux errants.
Mais se pose alors la question de savoir si, dans l'hypothèse
où cet arrêté serait effectivement jugé illégal et annulé par le
juge de l'excès de pouvoir, ce dernier accepterait de prononcer une
injonction tendant à ce que le maire concerné prenne un arrêté par
lequel il désignerait un local adapté. En d'autres termes, se pose
la question de savoir si l'édiction de ce nouvel arrêté serait
considéré par le juge comme la conséquence nécessaire du respect de
la décision par lequel lui-même aurait annulé l'arrêté municipal
attaqué. Ce point sera tranché plus loin à l'occasion de l'examen
de la légalité de cet arrêté.
Dans tous les cas, que les habitants soient forclos pour
attaquer par la voie du recours pour excès de pouvoir cet arrêté ou
qu'ils doutent d'obtenir du juge une injonction concomitamment à
son annulation, nous leur conseillons de saisir le maire de la
commune de Tule-sur-bar d'une demande visant précisément à ce que
celui-ci désigne un lieu de dépôt des animaux errants. Il s'agit
d'une demande d'exercice du pouvoir de police administrative
municipale (à propos d'un trouble à la sécurité publique)
provoquant l'apparition d'un acte administratif unilatéral
explicite ou implicite[1], susceptible de faire l'objet d'un
recours pour excès de pouvoir. L'éventuelle décision de refus du
maire constituera en effet un acte juridique impératif et
affectant suffisamment la situation juridique et matérielle des
requérants et donc une décision administrative faisant grief. Il ne
fait, cette fois, pas de doute que son annulation pourra être
assortie de l'injonction recherchée.

b) Recevabilité rati