Dix désastres spectaculaires - Manuel J Grotesque

Pour n'importe qui issu de la société moderne et qui aurait un age supérieur à ...
un minimum le confort bourgeois, qui au moins les préserve de la barbarie dans
.... Toute personne qui sait parler (donc quasiment tout le monde) sait donc créer.
.... niveau de l'implication des participants et les résultats ressentis par ceux cis ...

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RECHERCHE CHAOTIQUE DES NOUVEAUX RITUELS LIBRES
Je suis sur la trace du lien avec la réalité. Quand on a la chance de voir
les lois fondamentales de l'illusion se briser, c'est une sensation très
particulière, mélange de fin du monde (pourri) et de renouveau (tant
attendu).
QUELQUE CHOSE peut enfin se passer.
Dix désastres du spectacle
Voici les dix premiers cas de destruction du spectacle qui
me sont venus en tête immédiatement, ce n'est donc pas une liste
très réfléchie.
Nik le spectacle! 1-Bagarre généralisée au cinéma "le Gambetta" (vers 1988?)
C'était à la projection d'un gros film d'action américain
doublé en français, comme ce cinéma du 20ème arrondissement de
Paris les affectionnait avant qu'il ne soit repris par la chaîne de
"super bon goût" MK2.
Je m'aperçus assez vite que deux bandes rivales étaient
présentes dans la salle, l'une à quelques rangs devant moi, et
l'autre juste derrière. Ces garçons semblaient à peine plus jeunes
que moi, mais je n'en connaissais aucun. Je devinais qu'ils
venaient du quartier Saint Blaise situé juste en bas de la rue qui
longeait le cinéma (j'habitais quant à moi tout aussi près mais à
l'opposé, en rejoignant la butte de Ménilmontant).
Insensiblement, par des éclats de voix ou des signes de
main rapides, la tension entre les groupes de devant et derrière
montait. Je pensai un instant à changer de place, mais mon
obsession têtue pour la liberté de choix me l'interdit aussitôt.
Alors que nous n'en étions qu'aux trois quarts du film, après la
sempiternelle petite pause dialoguée qui annonce toujours le grand
chambardement final, un des membres de la bande de devant se tourna
lança quelque chose (du pop corn?) sur ceux de derrière.
Ce fut alors parti d'un coup: la grande accélération
finale allait se produire dans la réalité et non sur la pellicule.
Tous se mirent à bondir sur les sièges, dont certains ne le
supportèrent pas et s'affaissèrent. Dans un chaos digne d'un
accostage de pirates (de nuit), je fus pris à parti par un
énergumène qui m'agrippa par derrière. Me rappelant immédiatement
mes cours de Judo, je fis pivoter le garçon au dessus de moi et il
partit voler sur l'un de "ceux de devant". Déjà en rupture
diplomatique avec les deux camps, je pris quelques coups de poings
et de pieds sur le crâne qui me plongèrent dans un état second,
m'empêchant de renouveler mon acte de panache initial. Tout cela se
termina quand l'exploitant (un grand type très brun, peut-être
d'origine latino américaine ou gitane, qu'on surnommait Jo
l'Indien) interrompit la projection et obtînt immédiatement le
retour à l'ordre en excluant les bagarreurs (il possédait une
certaine autorité naturelle, sans doute due à son physique imposant
et mystérieux).
Evidemment, je ne partageais pas les ronchonnements veules
des autres spectateurs (réfugiés dans le fond de la salle): la fin
du film avait été géniale ainsi. Dans un acte un peu ridicule de
faux poète révolutionnaire (qui s'ignore), je choisissais dignement
de quitter la salle avec les insurgés, ayant peut-être ce jour là
compris pour la première fois la jouissive et urgente nécessité de
détruire le spectacle (on ne lit pas Debord à 12 ans).
2-Mon rêve du "magnifique concert de merde" (vers 92?)
C'est un rêve tout simple qui m'a pourtant énormément
marqué, notamment dans ma propre pratique musicale. A l'époque où
mes amis ne juraient que par Nirvana (ils allaient ensuite virer
fusion avec RATM puis rap avec Cypres Hill), je ne jurais que par
les Talking Heads, groupe new wave fondé en 1976 que tous
s'accordaient à trouver complètement ringard, en tout cas pas assez
"hard" pour les temps qui courraient (ce à quoi je rétorquais
généralement que si je voulais écouter quelque chose de hard, je
mettais un bon Motörhead et pas cette country saturée de Nirvana).
J'étais donc fan d'un groupe qui avait un petit son et arrivait
manifestement en bout de course. Le rêve suivant allait traduire
cette impression et la transcender, en gravant mes nouvelles tables
de la loi, une apologie du désastre tranquille qui m'obsède encore
aujourd'hui:
Je me tiens assis dans une salle de concert classique (la
salle Pleyel?), pour assister à ce qui est peut être le dernier
concert d'un groupe qui pourrait être les Talking Heads (comme dans
tous rêves, impossible d'appeler un chat un chat, ça sera un
mélange de chat et de singe avec un peu de rat). Le groupe arrive
sur scène, en pleine lumière comme s'il s'agissait effectivement
d'un concert classique. Sans entrain, comme on va au boulot, ils
branchent leurs instruments.
S'ensuivent quelques problèmes techniques: larsen, guitare
mal accordée... Le public, atterré, fait des "non" de la tête,
pousse des soupirs, claque ses langues à l'intérieur de la bouche
-existe-t-il un nom pour ce signe de désapprobation typiquement
français? "Décidément, c'est vraiment la fin" lâche l'un des
spectateurs, dépité. Je le regarde bien: c'est un mélange entre
Marcel Gotlib et le libraire d'à côté de chez moi (d'ailleurs
Gotlib habite aussi à côté de chez moi mais cela n'a aucune
importance ici). Le chanteur du groupe entend la réflexion du
Gotlib libraire, mais il ne s'en émeut pas, il semble même
d'accord.
Le groupe commence alors à jouer, livrant un concert sans
énergie qui traduit leur malaise diffus. Suis-je le seul dans la
salle à me rendre compte que quelque chose de profond se dégage de
cette musique? C'est le chant de tristesse d'amis qui ne se
supportent plus, qui ne peuvent plus continuer le cirque du
rock'n'roll. La réalité a triomphé sur le cirque pop, et à cet
instant la musique atteint une dimension spirituelle inégalée, une
émotion beaucoup plus réelle. Par la suite quand j'ai voulu faire
moi-même partie d'un groupe, j'ai toujours gardé en tête la teneur
de cette émotion réelle, ancrée dans la vie des musiciens, bien
plus forte que tous les artifices. Même en jouant par la suite du
théâtre, la révélation de ce rêve m'a beaucoup servie, puisque les
émotions de l'acteur doivent également puiser dans sa personnalité
réelle, son vécu.
3-Effondrement de la rampe d'éclairages sur Uruseï Yatsura
au festival de Benicassim (vers 1998?)
Le spectacle le plus marquant de ma vie n'en fut pas un.
Mais je ne le savais pas jusqu'à une date assez récente. Je m'étais
rendu dans un festival de Rock (un des plus gros d'Europe avec
celui de Reading) situé en Espagne, au nord de Valence. Je dormais
dans un camping, il faisait une chaleur incroyable (l'eau de la mer
ressemblait à une grande marmite de soupe).
Au deuxième jour du festival, après un concert
apocalyptique de Dinosaur Jr, une pluie commence à tomber très dru.
Le groupe Urusei Yatsura, sympathique plagiat de Pavement ou des
Pixies pour retardataires, commence à jouer. Je suis au premier
rang, sautant en rythme avec les autres même si la musique
m'indiffère un peu, la pluie redouble et de la boue commence à se
former. Le guitariste blond semble en train de prendre une douche,
des filets d'eau torrentielle lui fouettent les bras et le visage.
Il commence "Siamese", leur chanson la plus rapide, celle de la
vidéo, parfaite pour le pogo. Je ne vois plus grand-chose, mais il
me semble que désormais une partie du son est coupée, ils jouent
Siamese à moitié en play-back ou quelque chose comme ça... Là-haut,
sur le toit de tôle, je me rends compte que s'amasse une quantité
d'eau impressionnante.
Et voilà, ça lâche, ça se casse la gueule. C'est comme
dans cette scène des Aristochats où le groupe de jazz descend un
immeuble en défonçant les planchers de tous les étages successifs
par la seule puissance de la musique, sauf qu'ici c'est le plafond
qui va les écraser. La lourde armature de métal qui supporte les
éclairages ainsi que le reste du toit s'écrase sur le groupe, on
dirait que ça se passe au ralentit. La foule a un mouvement de
recul, je "dézoome" soudainement de la scène, porté par la masse.
Et ça percute, dans ce rugissement métallique contenant assez
d'énergie sexuelle pour une vingtaine de vies bien remplies. Un tel
fracas tellurique, j'en ai entendu un similaire -mais bien moindre-
en me tenant à côté de deux voitures qui s'entrechoquèrent
violemment, un jour que je marchais dans la rue. Adieu les groupes
pour adolescents, c'est le