Personnage mystériux d´Erckmann-Chatrian - IS MU - Masarykova ...

Sans doute, s'il s'agissait d'exécuter un ouvrage qui remplît ces conditions, ce
serait à ceux qui ont acquis, par un long exercice de l'art, une profonde
expérience .... Aussi, dit-il, les parents se tenaient-ils pour déshonorés d'avoir un
enfant sourd-muet ; ils croyaient avoir rempli toute justice à son égard en
pourvoyant à sa ...

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Masarykova univerzita
Filozofická fakulta
Ústav románských jazyk? a literatur L´écriture fantastique
d´Émile et Alexandre Erckmann-Chatrian magisterská diplomová práce
Klára Le?atková Vedoucí práce: prof. PhDr. Ji?í ?rámek, CSc. Brno
2006 Prohla?uji, ?e jsem magisterskou diplomovou práci vypracovala samostatn? a
uvedla v?echnu pou?itou literaturu a prameny.
V Brn? dne 28. dubna 2006
Klára Le?atková Úvodem bych ráda pod?kovala prof. PhDr. Ji?ímu ?rámkovi, CSc.
za odborné vedení mé práce,
Marku Loillierovi a Mgr. Martinu Hromkovi
za ?etné a p?ínosné konzultace
a své mamince Zde?ce Le?atkové
za vytvo?ení fantastických podmínek pro sepsání diplomové práce. AVANT-PROPOS
«Depuis peu [...], avec la vogue croissante du régionalisme et de la
littérature du terroir, on se souvient qu´Erckmann-Chatrian ont été des
auteurs du nord-est de la France et, en Alsace et en Lorraine, leurs
textes sont de nouveau de plus en plus lus et appréciés.»
Jean-Baptiste Baronian[1] Sous les yeux de chacun de nous surgissent des idées différentes en
prononçant le mot «fantastique». Dans la vie quotidienne, il est
abondamment utilisé pour signaler quelque chose de formidable, de génial.
Or, nous trouvons ce terme également dans la littérature pour désigner un
genre à part entière ; l´emploi du terme y dépend de la terminologie. La
littérature fantastique s´est développée en France au XIXème siècle et nous
y découvrons des ?uvres signées par la plume de grands auteurs tels que
Charles Nodier, Gérard de Nerval, Théophile Gautier ou des écrivains
postérieurs comme Prosper Mérimée et Guy de Maupassant. À part ces noms
fameux, les récits fantastiques se voient cultivés par tout un nombre de
conteurs jugés mineurs. Émile Erckmann et Alexandre Chatrian sont
aujourd´hui rangés également parmi eux.
La présente étude prétend analyser leur ?uvre fantastique et, par
conséquent, définir l´originalité de leur écriture. En se préoccupant en
détail des nouvelles qualifiées de fantastiques, elle tâchera de déterminer
les aspects significatifs du style erckmanno-chatriannien et, par là,
l´apport et l´importance de ces deux fantastiqueurs pour la littérature de
ce genre.
Tout d´abord, nous prendrons connaissance des auteurs et de leur
carrière en littérature. Une fois passée à leurs récits fantastiques, nous
délimiterons le corpus des contes à analyser. Afin de justifier le choix
pensé des textes, nous accèderons à une brève approche de la définition du
genre en question. La connaissance de divers points de vue, représentés par
les études de différents critiques littéraires, nous aidera par la suite à
mieux nous plonger dans la matière.
Après avoir achevé la partie théorique initiale, nous nous consacrerons
entièrement à la recherche même. Elle s´opèrera avec l´organisation de tous
les récits en fonction de leur contenu. Alors, au sein de quatre groupes
thématiques, nous chercherons à effectuer une analyse exacte de chacune des
nouvelles du corpus ; tout d´abord isolément, ensuite dans le contexte du
groupe thématique. L´un de nos objectifs sera de découvrir les points
communs des récits fantastiques d´Erckmann et Chatrian.
Finalement, nous avons dans l´intention de synthétiser toutes les
connaissances acquises au cours de l´analyse. Nous quitterons le classement
thématique des contes afin de parler de l´?uvre fantastique d´Erckmann-
Chatrian dans son intégralité. La synthèse finale offrira la réponse à la
question fondamentale de notre étude : «Quelle est l´écriture fantastique
d´Émile et Alexandre Erckmann-Chatrian ?» Nous y définirons les thèmes
favoris de ce duo d´auteurs ainsi que les aspects caractéristiques de leur
littérature fantastique. «[...] un long maigre à lunettes que la typhoïde a rendu chauve,
amical rêveur et philosophe,
Erkcmann,
et son cadet, son mousquetaire, plus sombre et impatient,
avec ses airs de dandy de province à la longue crinière,
Chatrian. Ils signeront ensemble et vivront d´amitié.»
Jean-Pierre Rioux[2]
L´AUTEUR ET LE GENRE Le duo mystérieux Erckmann-Chatrian
«Parmi les écrivains français publiés sous le Second Empire, Erckmann-
Chatrian est sans doute, avec Zola, l´auteur qui connut le plus gros
succès de librairie. Des millions d´écoliers, enchantés, ont ouvert ses
gros livres cartonnés de rouge et dorés sur tranche que Hetzel édita et
qui pesaient lourd à la distribution des prix. Il fut lu aussi par
d´autres millions d´adultes, dans les gares et les cafés, à la
campagne, à l´atelier, en fascicules et en éditions populaires, fut
emprunté inlassablement en bibliothèque. Mais peu nombreux sont ceux
qui, aujourd´hui, connaissent encore ce nom. Plus rares encore ceux qui
savent qu´ils étaient deux à le partager.» Jean-Pierre Rioux[3]
Les mots d´un des grands spécialistes de l´?uvre d´Erckmann-Chatrian,
Jean-Pierre Rioux, nous plongent à merveille dans le sujet, en reflétant
parfaitement la reconnaissance générale de cet «auteur» auprès du public
contemporain. Car, si les ouvrages signés par ce nom ont souvent cueilli
des lauriers à l´époque, au XIXème siècle, ils ont pourtant failli tomber
dans l´oubli au cours du siècle suivant.
«Erckmann-Chatrian» n´est en réalité qu´un pseudonyme qui recèle le
travail de deux écrivains : Émile Erckmann (1822-1899) et Gratien Alexandre
Chatrian (1826-1890). Le trait d´union inseré entre leurs noms ne renvoie
pas uniquement à une collaboration efficace, purement professionnelle ; il
traduit également une amitié profonde entre deux hommes.
Tous deux provenaient de l´Alsace-Lorraine. Ils se sont rencontrés pour
la première fois en 1847, à Phalsbourg, la ville natale d´Erckmann, où
Chatrian travaillait au collège. Rêvant ensemble de gloire, ils partent
pour la capitale deux ans plus tard en envisageant de publier leurs
premières tentatives littéraires dans les journaux parisiens.
Le duo de futurs romanciers débute par des contes qui sont
caractéristiques de l´expression hoffmannesque.[4] Parmi ces réalisations
initiales nous trouvons également les récits fantastiques qui constitueront
l´objet de notre étude. L´écriture de nouvelles ne représente qu´un passage
dans la production commune d´Erckmann et Chatrian, pendant laquelle les
deux jeunes auteurs sont à la quête d´un style propre à leur nature et à
leur diction. Cependant, leur ?uvre ultérieure se caractérisera d´une
remarquable inspiration populaire - et n´est-ce pas justement le folklore
qui fournit également la littérature fantastique de bien des thèmes
intéressants ?
Or, ce n´est qu´avec les «romans nationaux» qu´ils atteignent un succès
énorme.[5] Le roman national, devenu un genre à part entière, passe pour
être de leur propre invention. Dans ce «fait divers de l´épopée»[6],
Erckmann et Chatrian font revivre sous les yeux du public leur chère région
natale. Fécondes, les années 1860 voient sortir leurs romans les plus
réussis tels que Madame Thérèse (1863), Histoire d´un conscrit de 1813
(1864), sa suite Waterloo (1865) et Histoire d´un paysan (1869). Quelques-
uns restent encore réédités de nos jours. À part les romans nationaux, ils
composent des romans et contes populaires, dont L´illustre docteur
Mathésius (1859) et L´ami Fritz (1864).
L´écriture erckmanno-chatriannienne ne correspond pas à l´esthétique de
l´époque qui est celle du naturalisme. Leurs ?uvres contrastent avec les
romans expérimentaux forgés par leur contemporain Émile Zola. En quoi
consiste donc leur originalité ? Elle réside dans l´intérêt porté à
l´histoire et au peuple, dans l´intention de l´amuser et de l´instruire
tout à la fois. Ils se distinguent finalement par leur origine non-
parisienne, provinciale, qui les rapproche évidemment de ce peuple et
conduit à l´introduction de nombreux éléments folkloriques dont leur ?uvre
se montre assez riche, surtout dans les récits populaires. Bref, «Erckmann
et Chatrian ont délibérément écrit pour le peuple»[7], pense Marcel
Schneider. Leurs romans jouissaient d´un entrain général, les 1 500 000
livres vendus en août 1866 en témoignent suffisamment.[8]
Et quelle était la collaboration artistique des deux hommes en
pratique ? Jean-Pierre Rioux allègue qu´ils savaient très bien partager
leur métier : «Erckmann rédige le jour, avant d´être rejoint par Chatrian à
cinq heures de l´après-midi. Commence alors l´alchimie : sans complaisance
aucune, les deux amis reprennent quotidiennement la prose du jour. Chatrian
est un auditeur exigeant : il corrige, aide à trouver la meilleure formule,
soupèse l´architecture d´ensemble du récit. Enfin, la dernière rature faite
et l´encre à peine sèche, Erckmann saute dans le train de la dél