Denis DIDEROT - Comptoir Littéraire

D'ailleurs, le plus souvent, Proust se référait à ses intentions initiales où la
structure était binaire : à ''Combray'' ou au ''Temps perdu'' devait s'opposer ou
renvoyer ''Le temps retrouvé'', en une ...... S'imposait à lui l'idée de la survivance
à travers les générations des « cellules morales qui composent un être » (III,
page 944).

Part of the document

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Denis DIDEROT (France) (1713-1784) [pic] Au fil de sa biographie s'inscrivent ses ?uvres
qui sont résumées et commentées
(surtout ''La religieuse'', ''Le neveu de Rameau'',
''Jacques le fataliste et son maître'').
Bonne lecture !
Il naquit le 5 octobre 1713 à Langres dans une famille de riches
couteliers. Son père eut sur lui une influence décisive. Il eut quatre
s?urs dont la plus jeune finira folle dans un couvent et un frère qui
deviendra un prêtre intolérant et buté.
Afin de devenir prêtre (il fut même tonsuré), il fit ses études au collège
des jésuites de Langres qui décelèrent sa vive intelligence. Il entra
ensuite au collège janséniste d'Harcourt à Paris (ou à Louis Le Grand, chez
les jésuites, les avis ici sont divergents). En 1732, il fut reçu maître ès
arts (ce qui correspond à notre baccalauréat). Il commença des études de
droit à la Sorbonne mais les interrompit pour mener une vie de bohème dont
nous ne savons pas grand-chose sinon qu'entre autres métiers, il fut
précepteur. Au cours de cette existence matérielle parfois difficile, son
précoce talent connut une longue période de maturation.
En 1741, il rencontra une marchande de lingerie, Antoinette Champion, qui
était son aînée de trois ans, qui devint sa maîtresse et qu'il voulut
épouser. Mais son père, opposé à ce mariage, le fit enfermer dans un
couvent dont il s'échappa pour l'épouse dans un mariage secret que le père
n'apprit qu'en 1749.
En 1743, il publia sa traduction de "L'histoire de la Grèce" de Temple
Stanyan, et se lia à Rousseau qui lui fit rencontrer Condillac en 1744. En
1745, il publia sa traduction de l'''Essai sur le mérité et la vertu'' de
Shaftesbury.
Son mariage n'était pas heureux car, si l'amante séduisit, l'épouse lassa.
Il la nommait tantôt « Nanette », tantôt « Tonton », ce qui est comique...
mais il a dit aussi, à propos de leur couple, des choses féroces : « Il n'y
a plus personne ici. Nous rôdons, Madame Diderot et moi, l'un autour de
l'autre ; mais nous ne nous sommes rien. » S'il se défendait de jamais
fréquenter les filles publiques, il reconnaissait céder aux charmes
lorsqu'ils se présentaient. C'est ainsi qu'en 1745, il fut l'amant de
Madame de Puisieux. Après trois premiers enfants morts en bas âge, en 1753,
naquit Marie-Angélique dont il tomba prodigieusement amoureux et qui allait
devenir sa biographe.
Sa première création originale, inspirée de Shaftesbury, fut :
____________________________________________________________________________
_____ "Pensées philosophiques"
(1746) Essai Les explications métaphysiques et surtout théologiques sont repoussées :
« La pensée qu'il n'y a point de Dieu n'a jamais effrayé personne. » (IX).
Le recours à l'idée de Dieu est écarté pour deux raisons :
1. L'existence du mal serait incompatible avec l'idée de Dieu.
2. Dieu serait impensable et ses attributs contradictoires.
La croyance en Dieu serait d'ailleurs un obstacle au bonheur, et même un
danger pour la morale : elle risquerait de dénaturer l'être humain. L'idéal
des ''Pensées philosophiques'' est le libre épanouissement de l'être humain
libéré de la crainte de Dieu : « Le beau projet que celui d'un dévot qui se
tourmente comme un forcené pour ne rien désirer, ne rien aimer, ne rien
sentir, et qui finirait par devenir un vrai monstre s'il réussissait ! »
(III).
Donc, pas de métaphysique, mais une morale. Pour fonder cette morale, il
faut savoir ce qu'est l'être humain, et s'il est libre. Commentaire La forme dialoguée de certaines pensées, qui mettaient aux prises chrétiens
et incrédules, apparemment en faveur des premiers, ne trompa personne.
Diderot s'y montrait déiste, mais la fameuse ''Pensée XXI'' qui énonçait
l'hypothèse du jet fortuit des atomes comme origine du monde annonçait son
matérialisme futur.
____________________________________________________________________________
_____ Les ''Pensées philosophiques'' furent aussitôt condamnées par le Parlement
de Paris.
Mais Diderot évolua vers le déisme et la religion naturelle, comme cela
apparut dans :
____________________________________________________________________________
_____ ''La promenade du sceptique ou les allées''
(1747) Nouvelle Homme de guerre retiré de la violence du monde par une blessure qui lui
dicte une retraite salutaire, Ariste est harassé d'importunes visites
mondaines. Une seule lui manque, celle de son ami, Cléobule, qui est trop
respectueux de sa convalescence pour le harceler de la sorte. À la
recherche de la seule personne sensée dans ce monde de vanités, Ariste rend
donc visite à Cléobule, qui vit à l'écart, retiré du monde et de ses modes
capricieuses, au plus près d'une nature qu'il a soin de ne pas violenter,
mais tout au contraire de laisser à son désordre naturel.
Cléobule lui raconte que, sous la transparence de la voûte étoilée que ne
masquait aucun nuage, près de la limpidité cristalline de l'eau d'une
fontaine, dans un lieu que ne contrariait aucun vent, il a fait la
rencontre d'Athéos qui cherche à le convaincre que c'est la preuve que le
monde se suffit à lui-même.
Puis il a traversé trois lieux :
- La douloureuse « allée des épines » par laquelle on ne fait que passer
pour aller au-delà.
- « L'allée des marronniers » où discutent de Philoxène et Oribaze qui
prétendent chacun expliquer le monde, mais sont perturbés par une rivière
qui, venant barrer le cours de leur promenade, les contraint, à leur corps
défendant, de changer le cours de leur progression, et par un nuage qui
vient troubler leur vision.
- « L'allée des fleurs » où se goûtent les plaisirs et les mondanités. Commentaire Plus prudent, Diderot usa du déguisement de la fable et de l'allégorie pour
attaquer le christianisme et exalter la religion naturelle. ''La promenade
du sceptique'' est en effet un apologue où Diderot voulut arracher le
bandeau immémorial de la foi, où il marqua son attachement à la recherche
d'une forme/fonction de la pensée qui reproduirait, ainsi qu'une randonnée
parfois chaotique à travers champs, le cheminement singulier d'une
réflexion poétique poursuivie au gré des méandres d'une conversation
intérieure : davantage par association et bifurcation que par syllogismes.
Le lieu où Cléobule rencontra Athéos, le bien-nommé, dit l'homogénéité du
système, sa performativité, sa clôture maîtrisée, la netteté de ses
contours, la stabilité de son équilibre. Le déiste Cléobule tente de le
convaincre qu'une telle mécanique ne saurait exister, qu'un Grand Horloger
ne l'eût conçue.
Mais l'arrogante philosophie est ramenée à la réalité « désordonnée » des
différentes allées qui sont autant d'interprétations du monde et de la
place qu'y tient l'être humain.
« L'allée des épines » dit l'austérité d'une religion qui, se réservant
exclusivement pour l'au-delà, nie la réalité du monde et de ses plaisirs.
« L'allée des maronniers » est le théâtre d'un affrontement doctrinal entre
ces créateurs de systèmes qui cherchent à donner sens au monde dans lequel
ils vivent, mais sont souvent coupables ou victimes de sectarisme. Mais un
« météore » survient, qui interrompt l'équilibre qui jusqu'alors régnait,
renvoyant dos à dos les orateurs et, ce faisant, différant indéfiniment la
solution de ce qui ne peut manquer, posé en ces termes, de passer pour un
problème insoluble. Ils sont rappelés au désordre, à l'imprévisibilité, du
monde.
« L'allée des fleurs » montre la frivolité d'un « ethos » mondain préoccupé
du seul instant et de ses jouissances.
Les « allées » apprennent que désordre et savoir ne sont pas incompatibles,
qu'il y aurait même un savoir du « désordre », qu'il faut acquérir la vertu
de l'abandon, se laisser aller à sa liberté naturelle, au mouvemant du
monde pour mieux le comprendre. Sur les traces d'Épicure, de Lucrèce et de
Montaigne, Cléobule nous enseigne que « physis » et « ethos » doivent se
retrouver dans une philosophie qui est d'abord art de vivre. Promeneur dans
le labyrinthe du monde, spectateur attentif et sensible d'une nature
multiforme, le philosophe est immergé dans cela même qu'il observe, dont il
participe, et qui lui dicte, en une fructueuse analogie où l'observation se
fait interprétation, ses moindres réflexions.
Finalement, Diderot-Ariste, méfiance vis-à-vis des systèmes, malgré une
sympathie affirmée pour Cléobule, semble balancer entre déisme et
matérialisme, tous deux présentés ici comme autant de systèmes à la
conquête de la nature.
Classique dans sa facture, la nouvelle suscite notre intérêt.
Elle fut publiée anonymement en 1747 et sous le nom de Diderot seulement en
1830.
____________________________________________________________________________
_____ Le curé de Saint-Médard dénonça ''La promenade du sceptique'' comme un
« ouvrage dangereux contre la religion » à la police qui était déjà avertie
que Diderot était « un homme très dangereux ».
Dès 1747, d'Alembert et Diderot se virent confier la direction de
l'''Encyclopédie'', aventure qui devait durer vingt-deux ans, entreprise
énorme où il se dépensa sans co