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journal créé quelques jours après la publication du J'accuse d'E.Zola en janvier ...

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Un exercice proposé en classe de Terminale : la conception d'une étude de
documents type bac et sa correction par les élèves
Sophie Gaujal, professeur d'histoire géographie, lycée jacques Prévert,
Boulogne Billancourt. L'exercice proposé ci-dessous a consisté à proposer à des élèves de
Terminale de réaliser un contrôle type bac sur une étude de deux documents.
Nous présenterons successivement le contexte dans lequel a été réalisé cet
exercice, les objectifs qui ont présidé à sa mise en ?uvre, et enfin les
propositions faites par les élèves. I/ Le contexte dans lequel a été réalisé l'exercice : l'étude de l'Affaire
Dreyfus Cet exercice a été réalisé dans le cadre du chapitre de terminale sur « les
médias et l'opinion publique dans les grandes crises politiques en France
depuis l'Affaire Dreyfus », au début du chapitre, lors de la leçon sur
l'Affaire Dreyfus. Après avoir présenté la montée en puissance de la presse
écrite dans la première partie de la leçon, puis dans une deuxième partie
comment elle a contribué à créer l'évènement de l'Affaire Dreyfus, nous
avons consacré la troisième partie à étudier comment la presse écrit
contribue à cristalliser la division de l'opinion publique.
A cette occasion, deux documents ont été étudiés, l'un extraite de
Psst... ! et l'autre du Sifflet, et dont le site
http://www.caricaturesetcaricature.com/article-12664537.html propose une
reproduction et une analyse, dont nous avons repris certains arguments. Les
documents sont également présentés dans le manuel Hatier, p.121, docs 5 et
6.
Le premier document est un document antidreyfusard émanant de Psst... !,
journal créé quelques jours après la publication du J'accuse d'E.Zola en
janvier 1898, et dirigé par Forain et Caran d'Ache. A la Une de ce journal,
publiée le 23 juillet 1898, une caricature, intitulée « l'Affaire
Dreyfus », montre un groupe de trois personnes, que l'on peut identifier
comme un prussien (grâce à son casque à pointe), un juif (identifiable par
un certain nombre de stéréotypes) et E.Zola, présenté sous la forme d'une
marionnette, et manipulé par les deux autres. L'objectif de l'auteur,
Forain, est donc d'utiliser une figure de rhétorique bien connue des
lecteurs de l'époque, celle d'un complot « judéo-prussien », dans lequel
les intellectuels français seraient de simples marionnettes, manipulées par
l'étranger.
Le deuxième document est un extrait d'un journal dreyfusard, le Sifflet,
publié le 11 novembre 1898, soit quelques mois après que l'innocence de
Dreyfus ait été mise en évidence. La caricature met en scène 5 ministres de
la guerre qui écrivent chacun sur le dos du précédent « Dreyfus est
coupable ». Un dernier personnage, représentant de la loi, écrit alors :
« Dreyfus est innocent, vous êtes cinq menteurs ». L'auteur met ainsi en
évidence le triomphe de la justice sur la raison d'Etat. Le procédé
iconographique est emprunté à la publicité pour la peinture Ripolin, parue
l'année précédente, et donc bien connue des contemporains.
La confrontation des deux documents a ensuite permis de montrer la violence
de l'affrontement que se livre la presse écrite à la fin du XIXème s. Les
moyens utilisés ici sont analogues, ceux de la caricature, qui présente
l'avantage de frapper les esprits, bien plus qu'un long discours.
Cependant, la deuxième caricature se situe bien en deçà de la première dans
le degré de violence : alors que Forain utilise le stéréotype juif et la
thèse du complot de l'étranger, Couturier se contente de faire appel à des
références iconographiques appartenant au domaine de la publicité
(Ripolin), ou, pour d'autres caricatures, à celui de l'art (il utilise
ainsi dans une autre caricature la référence au Radeau de la méduse de
Géricault).
C'est donc à partir de ces deux documents qui avaient été étudiés en classe
qu'il a été demandé aux élèves, en classe collectivement d'abord puis à la
maison individuellement ensuite, de concevoir une évaluation type bac, et
d'en proposer ensuite une correction. II/ Les objectifs de l'exercice L'objectif était d'expliciter la méthodologie du commentaire de documents,
dans le cadre d'une pédagogie « visible », ce que le didacticien de
l'histoire D.Cariou appelle dans son dernier ouvrage publié à l'automne
2012 « vendre la mèche »[1]. L'étude précédente de documents réalisée en
histoire lors du contrôle commun avait mis en évidence la difficulté des
élèves à mener cette analyse : leurs introductions ne faisaient aucune
mention des documents, leur plan se réduisait, quand les documents étaient
utilisés, à l'étude successive des deux documents sans que l'idée sous-
jacente ne soit explicitée ni que les informations apportées par les
documents ne soient croisées. C'est donc pour remédier à ces difficultés,
qui témoignent souvent d'une grande opacité des attendus de la discipline,
que nous avons proposé aux élèves de devenir eux-mêmes les concepteurs
d'une évaluation. III/ La mise en ?uvre de l'exercice et les propositions des élèves En classe, nous avons réfléchi « ensemble » (sous la forme d'un cours
dialogué) à la conception de l'évaluation. Plusieurs étapes ont été
déterminées. Cet exercice a été suivi d'un devoir à faire à la maison, dont
la consigne était de formaliser le travail réalisé en classe. Nous
présenterons alternativement ces étapes telles qu'elles ont été définies en
classe, et les réponses apportées par les élèves à ces questions dans leurs
devoirs. Etape 1 : le choix des documents.
Dans l'exercice présenté ici, le choix des documents n'avait pas été confié
aux élèves. En effet, le cours sur les médias venait juste d'être entamé,
et c'était donc au professeur de prendre en main cet élément de l'activité
qui outrepassait les compétences de ses élèves. Cette première étape
pourrait être confiée à des élèves à la fin du chapitre, à l'occasion d'une
évaluation. Plusieurs documents pourraient alors être proposés, à charge
pour eux d'en choisir un ou deux, et de motiver leur choix. Etape 2 : choix du paratexte avec lequel vont être présentés les documents.
Par « paratexte » nous entendons les informations qui accompagnent chaque
document. Ce choix est primordial, car c'est à ce moment-là que le
professeur décide du nombre d'indices qu'il va livrer à ses élèves. Dans le
manuel Hatier où se trouvaient les deux documents, l'auteur du chapitre
proposait ainsi un titre pour le document 1 (la une de Psst ... !):
« Dreyfus, agent de l'étranger ». Voilà un indice de lecture qu'on pouvait
choisir de donner ou non. Il était possible également d'expliciter dans le
premier document le casque à pointe, la représentation stéréotypée d'un
juif ou encore le masque de Zola. Impossible en effet pour des élèves, sans
ces signifiants, de comprendre les signifiés qui leur correspondent.
Dans leur devoir, les élèves ont donc proposé différents paratextes,
variant les niveaux de difficultés : certains se sont contentés d'indiquer
l'auteur, la source et la date de la caricature, d'autres sont allés plus
loin. Ainsi, cet élève, D., propose d'identifier le casque prussien, la
caricature stéréotypée du juif, et le masque d'un auteur français - sans
préciser qu'il s'agit de Zola - :
[pic] C. va plus loin encore en proposant de mettre en relation la caricature
avec le J'accuse d'E.Zola, permettant, outre de resituer la caricature dans
son contexte, de remarquer l'analogie formelle entre le titre de Psst... !
et le J'accuse ... ! : Psst... ! reprend en effet les trois points de
suspension terminées par un point d'exclamation de l'article d'E.Zola. Cet
indice invite alors à comparer les moyens utilisés par le dessinateur et
par l'écrivain pour convaincre : alors que Zola fait le choix d'un texte
dense et argumenté, qui nécessite une lecture longue et attentive, les
auteurs de Psst... !, Caran d'Ache et Forain font le choix de présenter des
caricatures, au message simpliste et immédiat. [pic]
C. et D. utilisent ensuite la même démarche pour le doc 2 :
[pic] [pic] Là encore, on remarque que C. donne davantage d'indices concernant le
contexte dans lequel a été réalisée le dessin. Etape 3 : définir la consigne
Dans cette étape, il s'agissait de définir une consigne à donner aux
élèves. Trouver la « bonne consigne » est d'autant plus important qu'avec
la nouvelle épreuve du bac, les élèves ne disposent plus de questions sur
les documents, qui leur servaient auparavant de guide. Ainsi, jusqu'à
l'année dernière, 4 à 5 questions étaient posées aux élèves : la première
question suggérait à l'élève de présenter le document (il n'y en avait
alors qu'un) et de donner des éléments du contexte, ce qui revenait à faire
une introduction. Les questions 2, 3, éventuellement 4 permettaient
d'étudier le/les documents en fonction de deux ou trois axes, elles leur
donnaient donc le plan. La cinquième question invitait les élèves à
indiquer l'intérêt du document et ses limites, et donc à conclure. Ce guide
présentait des défauts, ne serait-ce qu'à cause de son caractère
contraignant. De plus, sa fonction de guide était souvent mal comprise par
les élèves, qui se contentaient alors de répondre aux questions de manière
lapidaire (pour caricaturer, par « oui » ou par « non ») ou en faisant des
phrases qui commençaient par « parce que ». Mais ce guide était très utile
aux élèves en difficulté. Depuis cette année, la consigne doit être
d'autant plus explicite qu'il n'y a plus de guide.
Plusieurs consignes ont ainsi été proposées en cla