I Forme et projets du discours historique - Tel Archives ouvertes

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Université Paris IV-Sorbonne
Ecole doctorale IV « Civilisations, Cultures, Littératures et Sociétés »
Numéro d'enregistrement :
THESE
pour obtenir le grade de
Docteur de l'Université Paris-Sorbonne (Paris IV)
Discipline : Etudes Romanes (Espagnol)
présentée et soutenue publiquement par
Frédéric ALCHALABI
Le 10 décembre 2 003
Titre : L'écriture de l'Histoire dans les Chroniques de Pierre Ier et de
Pierre III. Directrices de thèse : Mesdames Sylvia ROUBAUD et Marie-Claire ZIMMERMANN
Jury
M.
M.
M.
M.
M.
Remerciements Avant tout, je souhaite exprimer toute ma reconnaissance à mes
directrices de thèse, Marie-Claire Zimmermann et Sylvia Roubaud, pour leur
aide, leur soutien constant ainsi que leur disponibilité. Je tiens à dire
ici que chacune de nos rencontres a constitué un enrichissement personnel
et n'a fait qu'accroître mon admiration, déjà grande, pour elles. Je remercie également tous ceux avec qui je me suis entretenu ou avec
qui j'ai correspondu- Dominique de Courcelles, Josep Maria Pujol, Michel
Zimmermann, entre autres- et qui, sans doute sans le savoir, ont contribué
à me faire avancer dans ma réflexion. Je n'oublie pas non plus Leo
Carruthers, professeur de littérature médiévale anglaise à la Sorbonne qui
m'a initié à la lecture des textes anglais du Moyen Age. Je dédie ce travail à mes proches ainsi qu'à ceux qui sont absents.
J'ai une pensée particulière pour Cécile qui, pendant ces quatre ans, a été
d'une patience infinie et pour Pablo, qui a fait son apparition au beau
milieu de cette thèse, et dont les éclats de rire faisaient disparaître
bien des soucis.
Sommaire Introduction, page 4. Première partie : Approche contextuelle des deux ?uvres et étude de leurs
prologues, page 8. Deuxième partie : Les chroniqueurs face à leurs textes, page 60. Troisième partie : Les personnages et leur(s) discours, page 232. Conclusion, page 372. Liste des abréviations, page 375. Bibliographie, page 376. Annexes, page 414. Index des noms de personnages, d'auteurs, de lieux et des Chroniques
citées, page 475. Table des matières, page 508.
Introduction Aux premiers jours de l'été 1 999, nous réfléchissions à la suite que
nous allions donner à notre mémoire de D.E.A. qui traitait déjà de
l'historiographie catalane. Nous souhaitions alors consacrer notre thèse
non seulement aux Chroniques catalanes, mais aussi à celles écrites en
castillan, en français et en anglais pendant le XIVème siècle. Les raisons
de ce choix étaient multiples. D'une part, c'était pour nous l'occasion de
montrer l'intérêt que nous portons à un siècle et à une période peu connus
à leur juste valeur et fantasmés : nous avons souvenir, au moment des
premières recherches menées afin de préparer le présent travail, de la
réapparition supposée des craintes millénaristes que provoquait le passage
à l'an 2 0001. D'aucuns y voyaient là les résurgence des « terreurs » de
l'An Mil. C'était justement méconnaître le Moyen Age puisqu'alors la notion
du Temps était vague, le simple paysan ne connaissant même pas sa date de
naissance...2 D'autre part, c'était pour nous la possibilité de réunir des
?uvres qui traitaient de l'Histoire souvent commune de ces quatre grands
royaumes. Cependant, pour des raisons de temps, nous n'avons pu mener ce
projet à terme, même si nous ne l'avons pas pour autant abandonné, et,
judicieusement conseillé par nos directrices de thèse, nous avons choisi de
retenir deux ?uvres parmi notre corpus : la Chronique de Pierre III et
celle de Pierre Ier, rédigées, respectivement, en catalan et en castillan3. Le choix de ces deux aires géographiques et de ces deux rois n'est pas
anodin. Ainsi, nous concilions les domaines catalan et castillan, à la fois
semblables et différents, en nous situant résolument dans la perspective de
la Romania : au lieu de s'opposer, les deux cultures se complètent, l'une
offrant ce que l'autre ne possède pas et inversement. Nous souhaitons
montrer ce qui fait la qualité et l'originalité de l'une et de l'autre et
nous ne les opposons qu'à des fins stylistiques ou rhétoriques, c'est-à-
dire quand les oppositions font sens. Un autre type d'approche n'aurait pas
été judicieux. La préférence que nous accordons également à ces deux règnes n'est pas
non plus hasardeuse. En 1 350, l'accession au trône de Pierre Ier dit le
cruel plonge la Castille dans une situation de guerre civile qui ne
s'achève qu'avec la mort du souverain, assassiné par son demi-frère Henri
de Transtamare, le futur Henri II, à Montiel, en 1 369. Quant à lui, durant
les cinquante et une années de son règne- de 1 336 à 1 387-, Pierre III
doit faire face aux frondes répétées de la noblesse aragonaise et
valencienne avide de pouvoir, aux traîtrises des alliés d'autrefois ainsi
qu' à l'attaque de la puissante Castille voisine, qui sont autant de
combats desquels le roi cérémonieux sort toujours vainqueur. L'Histoire des
deux royaumes, en cette moitié du XIVème siècle, est donc particulièrement
troublée et, très rapidement, la nécessité d'écrire sur ce passé douloureux
se fait sentir. Deux hommes se chargent de ce travail de mémoire : d'une
part, Pero López de Ayala pour le règne de Pierre Ier et, d'autre part,
Pierre III, aidé par d'autres intervenants, pour le sien4. Les Chroniques
de ces deux rois se présentent donc, avant tout, comme des ?uvres
politiques. L'une- celle de Pierre III- vise à justifier l'action du
souverain et l'autre- celle de Pierre Ier-, à l'inverse, à la blâmer et à
rendre légitime l'accession d'Henri II sur le trône. Dans ce contexte, l'écrit revêt une importance capitale car c'est à
travers lui que le lecteur- médiéval ou non- porte un jugement sur les
événements et sur les personnes. Cependant, avant d'atteindre ce but, un
travail sur l'activité même d'écriture doit être effectué. Ainsi, il
convient de s'interroger sur sa finalité et de réfléchir sur sa portée afin
d'indiquer ce à quoi elle doit tendre. L'enjeu est donc de taille car il
consiste à définir ce que signifie l'expression « écrire l'Histoire », en
cette fin du Moyen Age, afin de dégager le sens que les deux auteurs
accordent à ce concept et de le mettre en relation avec la production
historiographique précédente. C'est ensuite, répondant à la question des
moyens, qu'une stratégie d'écriture, s'appuyant sur une maîtrise absolue de
la stylistique et de la rhétorique, peut être mise en place afin de mener
ce projet à terme. Il nous faut donc nous livrer à un travail de réflexion
autour de l'écriture de l'Histoire et de son sens. Pour ce faire, nous adoptons la progression suivante. Tout d'abord, la
première partie revient sur la forme des deux Chroniques ainsi que sur
leurs prologues puisque c'est là que les auteurs exposent leurs projets
d'écriture respectifs. Puis, au moment d'aborder la question de la
narration et donc des moyens rhétoriques et stylistiques mis en ?uvre afin
de convaincre le lecteur, il nous a semblé opportun d'opérer une
distinction entre les chroniqueurs et les personnages. Ainsi, nous avons
choisi de distinguer, selon l'ordre d'importance, le chroniqueur qui est le
narrateur principal, objet de notre deuxième partie, mais aussi les
personnages que nous nommons personnages-narrateurs, puisqu'ils
participent, eux aussi, à la narration et dont l'étude constitue la
troisième partie de ce travail. Cette double distinction ne doit pas
surprendre. En effet, les deux Chroniques font ressortir une étonnante et
remarquable polyphonie les transformant alors en véritables récits de
paroles5. Il y a donc, selon nous, deux types de narration : une narration
principale, celle des chroniqueurs et une narration qu'il est difficile
d'appeler secondaire et qu'il conviendrait peut-être de nommer narration
bis, prise en charge par les chroniqueurs mais dont les mots sont placés
dans la bouche des personnages. De là, l'idée d'un récit totalement assumé
par les chroniqueurs qui laissent, habilement, la parole, quand ils en
ressentent le besoin, à leurs personnages. Deux voix se dégagent alors des
deux ?uvres : d'une part, celles des narrateurs et, d'autre part, cette
même voix mais travestie, les chroniqueurs transformant leurs timbres et
imitant une intonation au moment de faire parler leurs personnages.
Première partie : Approche contextuelle des deux ?uvres et étude de leurs
prologues L'écriture de l'Histoire dans la Chronique de Pierre Ier et dans celle
de Pierre III : au-delà des questions que pose l'intitulé de notre
travail et auxquelles nous répondrons plus en détail, apparaissent deux
termes presque antagoniques, nous le verrons, et qui méritent quelques
éclaircissements de notre part. De même que dans notre introduction nous nous étions situé dans la
Romania, il faut à présent dire que notre intention est d'étudier la part
du littéraire dans l'écriture de ces Chroniques en plus de leur aspect
événementiel que l'on ne peut éluder. Cependant, même si notre goût pour
l'Histoire- et, en particulier, pour le Moyen Age- est