Correction du commentaire composé
Correction du commentaire composé. Emile Zola, Thérèse Raquin (la scène du
meurtre). Chef de file du mouvement naturaliste, Emile Zola est un romancier
majeur de la seconde moitié du XIXème siècle. Avant d'entreprendre la rédaction
des Rougon-Macquart, saga qui compte vingt titres, il publie Thérèse Raquin en
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Alors Laurent se leva et prit Camille à bras-le corps.
Le commis éclata de rire.
- Ah ! non, tu me chatouilles, dit-il, pas de ces plai-
santeries-là... Voyons, finis : tu vas me faire tomber.
Laurent serra plus fort, donna une secousse. Camille
se tourna et vit la figure effrayante de son ami, toute
convulsionnée. Il ne comprit pas ; une épouvante vague
le saisit. Il voulut crier, et sentit une main rude qui le
serrait à la gorge. Avec l'instinct d'une bête qui se
défend, il se dressa sur les genoux, se cramponnant au
bord de la barque. Il lutta ainsi pendant quelques
secondes.
-Thérèse ! Thérèse ! appela-t-il d'une voix étouffée
et sifflante.
La jeune femme regardait, se tenant des deux mains à
un banc du canot qui craquait et dansait sur la rivière.
Elle ne pouvait fermer les yeux ; une effrayante contrac-
tion les tenait grands ouverts, fixés sur le spectacle horri-
ble de la lutte. Elle était rigide, muette.
-Thérèse ! Thérèse ! appela de nouveau le malheu-
reux qui râlait.
A ce dernier appel, Thérèse éclata en sanglots. Ses
nerfs se détendaient. La crise qu'elle redoutait la jeta
toute frémissante au fond de la barque. Elle y resta pliée,
pâmée, morte.
Laurent secouait toujours Camille, en le serrant d'une
main à la gorge. Il finit par l'arracher de la barque à
l'aide de son autre main. Il le tenait en l'air, ainsi qu'un
enfant, au bout de ses bras vigoureux. Comme il pen-
chait la tête, découvrant le cou, sa victime, folle de rage
et d'épouvante, se tordit, avança les dents et les enfonça
dans ce cou. Et lorsque le meurtrier, retenant un cri de
souffrance, lança brusquement le commis à la rivière, les
dents de celui-ci lui emportèrent un morceau de chair.
Camille tomba en poussant un hurlement. Il revint
deux ou trois fois sur l'eau, jetant des cris de plus en
plus sourds.
Laurent ne perdit pas une seconde. Il releva le collet
de son paletot pour cacher sa blessure. Puis il saisit
entre ses bras Thérèse évanouie, fit chavirer le canot
d'un coup de pied, et se laissa tomber dans la Seine
en tenant sa maîtresse.
Emile Zola, Thérèse Raquin, 1867. Correction du commentaire composé
Emile Zola, Thérèse Raquin (la scène du meurtre)
Chef de file du mouvement naturaliste, Emile Zola est un
romancier majeur de la seconde moitié du XIXème siècle. Avant
d'entreprendre la rédaction des Rougon-Macquart, saga qui compte vingt
titres, il publie Thérèse Raquin en 1867, un roman qui met en scène
des amants meurtriers, Thérèse et Laurent, qui seront emportés peu à
peu dans la spirale infernale de la culpabilité. C'est précisément le
passage du meurtre que nous allons étudier. A Saint-Ouen, un dimanche,
Laurent, avec la complicité passive de sa maîtresse, précipite Camille
à l'eau et simule un accident. Afin de mettre en relief cette
péripétie essentielle, Zola enchaîne les actions et multiplie les
détails réalistes. La scène se déroule sur un rythme tendu, et offre
des rebondissements qui permettent de découvrir la face cachée des
personnages. Pour étudier ce texte et analyser son fonctionnement,
nous verrons d'abord qu'il s'agit d'un épisode dramatique, d'une
violence intense. Puis nous commenterons les réactions contrastées des
trois protagonistes.
Tout d'abord, on note que les actions s'enchaînent dans le
texte, créant un effet de tension dramatique. La première attaque de
Laurent, lorsqu'il prend Camille « à bras-le-corps » constitue une
surprise, tant pour la victime que pour le lecteur lui-même ; il
s'agit d'un passage à l'acte rapide, inattendu. Lors du combat, la
passivité de Thérèse, longuement décrite des lignes 15 à 19 apparaît
aussi comme un événement imprévisible. Ensuite, intervient un
renversement dans le rapport de force : Camille passe de la situation
de dominé à celle de dominant à travers l'acte de morsure. Ce
rebondissement est décrit dans un groupement ternaire de verbes au
passé simple : « se tordit, avança les dents et les enfonça dans le
cou ». Enfin, les dernières lignes du texte sont consacrées à la
péripétie finale, la simulation du meurtre en accident, exprimée dans
une phrase longue, rythmée par trois virgules : « Puis, il saisit
entre ses bras (...) en tenant sa maîtresse ». C'est donc une scène
qui progresse en intensité.
De plus, pour renforcer cet aspect dramatique, Zola inscrit le
meurtre dans sa durée. Les indicateurs temporels sont nombreux :
« pendant quelques secondes », « de nouveau », « dernier appel »,
« secouait toujours », « deux ou trois fois ». Ce champ lexical montre
la longueur de la scène, d'autant que la modalité du crime - la noyade-
implique en elle-même une certaine lenteur. A cet égard, il faut
noter la phrase « Il revint deux ou trois fois sur l'eau », qui
renforce l'idée de l'agonie de Camille. Ses appels au secours sont
répétés: l'exclamation « Thérèse ! » apparaît à quatre reprises et
ponctue la scène à un rythme régulier. La mort n'est donc pas
immédiate, c'est une mort lente qui devient un spectacle pour Thérèse
comme pour le lecteur. On remarque une occurrence de ce mot à la ligne
18 : « le spectacle horrible de la lutte » ; ce terme donne à la scène
une dimension théâtrale, et renforce aussi sa durée.
Enfin, de nombreux éléments sont réunis pour exprimer la
violence du crime. On peut parler d'un véritable acharnement du
meurtrier, souligné par un champ lexical de la violence : « serra plus
fort », « serrait à la gorge », « secouait toujours », « il finit par
l'arracher de la barque », « lança brusquement le commis ». Les
adverbes relevés ici contribuent à renforcer la brutalité de
l'attaque. Le lexique du corps domine dans l'extrait, qu'il s'agisse
de celui du meurtrier « figure », « main rude », « bras vigoureux »,
« le cou »... ou de celui de la victime « les genoux », « les dents ».
Le combat est donc physiquement intense, et particulièrement violent.
Seule la voix de la victime se fait entendre à travers des appels au
secours pathétiques. Ils apparaissent au discours direct « Thérèse ! »
ou encore appuyés par une locution adverbiale : « des cris de plus en
plus sourds ». Les cris de Camille, opposés au silence des deux
comparses, amplifient le climat de terreur.
La scène est donc dramatique et violente ; mais elle permet
aussi de mettre en évidence les réactions opposées des personnages.
Il apparaît intéressant d'étudier pour commencer le comportement
de Camille. Sa faiblesse, voire sa naïveté sont mises en relief dès le
début de l'extrait. Le quiproquo initial ( il prend l'attaque pour un
jeu) révèle une certaine candeur. La phrase courte : « Le commis
éclata de rire », suivie d'une intervention au discours direct « Ah
non, tu me chatouilles » peuvent connoter le caractère infantile du
personnage. Cette idée est confirmée à la ligne 29, à travers la
comparaison « ainsi qu'un enfant ». Le mot renvoie à la faiblesse
physique de Camille, mais aussi à sa simplicité, à son incapacité à
parer à la traîtrise dont il est la victime. Mais le personnage est
double dans la scène. A son aspect fragile s'oppose une puissance
intérieure. Zola utilise le procédé de l'animalisation pour décrire
l'instinct de survie de Camille : « instinct d'une bête qui se
défend » ou encore « les dents de celui-ci emportèrent un morceau de
chair ». On peut donc dire qu'au moment du meurtre, Camille révèle une
face cachée, une certaine férocité animale.
Laurent, quant à lui, est à la fois l'acteur et le metteur en
scène du meurtre. Tout au long de la scène, il déploie sa force
physique, mise en valeur à travers des adjectifs mélioratifs « fort »,
« rude », « vigoureux », mais il manifeste aussi son sang-froid. On
n'entre à aucun moment dans sa subjectivité, peut-être parce que le
personnage n'a ici aucune pensée, aucune moralité. Il est
intégralement dans son acte. L'absence de doute est révélée à la fin
du texte par la tournure « ne perdit pas une seconde ». Laurent
s'applique à camoufler le meurtre avec une maîtrise hors du commun, ce
qui est exprimé par une suite de verbes d'action au passé simple :
« releva », « saisit », « fit chavirer », « se laissa tomber », « il
la soutint ». Le rythme est très rapide, puisque les actions se
succèdent, séparées par des virgules ou des connecteurs simples
« puis », « et ». L'idée de simulation est traduite par la tournure
« d'une voix lamentable », qui renvoie au jeu d'un acteur.
Mais si Laurent est le héros de cette pièce sinistre, Thérèse,
elle, est réduite au statut de spectatrice. Pour la décrire, Zola
utilise des imparfaits à valeur durative : « regardait », « ne
pouvait », « elle était ». Elle est dans une posture mutique, celle de
la simple observatrice, de la complice passive, comme en témoigne le
champ lexical du regard : « regardait », « yeux », « grands ouverts »,
« fixés ». Mais cette paralysie révèle un état de sidération : elle
est victime d'une crise de nerfs, amorcée à la ligne 22, et dont la
brutalité est exprimée par des verbes au pass