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J'veux dire, dans le temps, y avait des vrais mages, pas toutes ces histoires d'
niveaux. ...... Sa clientèle, en admettant qu'elle se corrige, soigne sa tenue et d'
une manière ...... Les phalanges de Cardant blanchirent, mais il haussa les
épaules. ...... dont la rumeur disait qu'il pratiquait des exercices de pensée
positive.
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Terry Pratchett
LES ANNALES DU DISQUE-MONDE-05 [pic]
SOURCELLERIE Traduit de l'anglais
par Patrick Couton [pic] L'ATALANTE
Nantes Illustration de couverture : Josh Kirby
SOURCERY
1ère publication : Victor Gollanez Ltd, Londres
© Terry & Lyn Pratchett, 1988
© Librairie l'Atalante. 1995, pour la traduction française
ISBN 978-2-84172-000-2 Dédicace
Il y a bien des années de cela, à Bath, j'ai vu une grosse
Américaine remorquer à toute vapeur une énorme valise en tissu
écossais montée sur des petites roues grinçantes qui se prenaient
dans les fissures du trottoir et donnaient à l'objet un semblant de
vie propre. Dès lors le Bagage était né. Mille mercis à cette dame
et à tous les habitants de villes telles que Cablectric dans le
Nebraska, qu'on n'encouragera jamais assez.
Le présent ouvrage ne contient pas de carte. Ne vous gênez
pas pour dresser la vôtre. Il était une fois un homme qui avait huit fils. Par ailleurs, il ne
représentait rien de plus qu'une virgule sur la page de l'Histoire. Triste
constat ; c'est hélas tout ce qu'on trouve à dire sur certains individus.
Mais le huitième fils grandit, se maria et engendra huit fils ; et parce
qu'il n'existe qu'une seule profession idoine pour un huitième fils de
huitième fils, son cadet devint mage. Il devint aussi sage et puissant -
puissant, en tout cas -, porta un chapeau pointu et on en serait resté
là...
Resté là...
Mais en dépit de la Tradition de la Magie et certainement contre toute
raison - excepté les raisons du c?ur qui sont enflammées, embrouillées et,
disons-le, déraisonnables -, il déserta les écoles de magie, tomba amoureux
et se maria, pas nécessairement dans cet ordre-là.
Et il eut sept fils, chacun d'eux au moins aussi puissant dès le berceau
que n'importe quel mage au monde.
Puis il en eut un huitième...
Un mage au carré. Une source de magie.
Un sourcelier.
*
L'orage d'été grondait tout autour des falaises sableuses. Loin en
contrebas, la mer suçotait les galets comme un vieillard pourvu d'une seule
dent à qui on a donné un bonbon acidulé. Des mouettes se laissaient
paresseusement porter au gré des courants ascendants, dans l'attente qu'il
se passe quelque chose.
Et le doyen des mages, assis parmi les arméries maritimes et les ruppies
bruyantes au bord de la falaise, berçait l'enfant dans ses bras, le regard
fixé sur l'océan.
Un nuage noir bouillonnait tout là-bas, il venait vers la terre, et la
lumière qu'il poussait devant lui avait cette consistance épaisse de sirop
annonciatrice de tempête franchement sérieuse.
Un silence soudain dans son dos le fit se retourner, et il leva des yeux
rougis de larmes vers une haute silhouette encapuchonnée vêtue d'une robe
noire.
« IPSLORE LE ROUGE ? » s'enquit la silhouette. La voix était aussi
caverneuse qu'une grotte, aussi dense qu'une étoile à neutrons.
Ipslore se fendit du sourire affreux de qui succombe brusquement à la
folie et offrit l'enfant à l'examen de la Mort.
« Mon fils, dit-il. Je vais l'appeler Thune.
- UN NOM QUI EN VAUT UN AUTRE », fit poliment la Mort. Ses orbites vides
se baissèrent sur un petit visage rond nimbé de sommeil. Quoi qu'en dise la
rumeur, la Mort n'est pas cruel[1] seulement très, très efficace dans son
travail.
« Vous avez pris sa mère », dit Ipslore. Une simple constatation, sans
ranc?ur visible. Dans la vallée derrière les falaises, la demeure d'Ipslore
n'était plus qu'une ruine fumante, et le vent qui se levait éparpillait
déjà les cendres fragiles parmi les dunes chuintantes.
« C'EST UNE CRISE CARDIAQUE QUI L'A TUÉE, fit la Mort. IL Y A DE PIRES
FAÇONS DE MOURIR. Moi, JE TE LE DIS. »
Ipslore tourna un regard aigri vers la mer. « Toute ma magie n'a rien pu
faire pour la sauver, dit-il.
- IL EST DES DOMAINES OU MÊME LA MAGIE NE PEUT AGIR.
- Et maintenant vous venez pour l'enfant ?
- NON. L'ENFANT À SA PROPRE DESTINÉE. JE SUIS VENU POUR TOI.
- Ah. » Le mage se mit debout, étendit délicatement le bébé sur l'herbe
clairsemée et ramassa un long bourdon qui attendait là. L'objet était fait
de métal noir, couvert d'un réseau de sculptures d'or et d'argent qui
témoignaient d'un manque de goût aussi onéreux que sinistre ; le métal,
c'était de l'octefer, intrinsèquement magique.
« C'est moi qui l'ai fait, vous savez. Ils disaient tous qu'on ne
pouvait pas faire un bourdon en métal, qu'il fallait du bois, mais ils
avaient tort. J'ai mis beaucoup de moi-même dedans. Je le lui donnerai. »
Il fit amoureusement courir ses mains sur son ?uvre qui émit une
modulation légère.
Il répéta, presque pour lui seul : « J'ai mis beaucoup de moi-même
dedans.
- C'EST UN BON BOURDON », dit la Mort.
Ipslore le brandit en l'air et baissa les yeux sur son huitième fils qui
gazouilla.
« Elle voulait une fille », dit-il.
La Mort haussa les épaules. Ipslore lui lança un regard où se mêlaient
l'ahurissement et la rage.
« Qu'est-ce qu'il a de spécial ?
- C'EST LE HUITIÈME FILS D'UN HUITIÈME FILS D'UN HUITIÈME FILS »,
répondit inutilement la Mort. Le vent faisait claquer sa robe, poussait les
nuages noirs dans le ciel.
« C'est-à-dire ?
- UN SOURCELIER, TU LE SAIS BIEN. »
Le tonnerre gronda, comme pour lui donner la réplique.
« C'est quoi, sa destinée ? » cria Ipslore par-dessus la tempête qui se
levait.
La Mort haussa encore les épaules. Un mouvement qu'il exécutait bien.
« LES SOURCELIERS FORGENT LEUR PROPRE DESTINÉE. ILS TOUCHENT À PEINE
TERRE, ILS L'EFFLEURENT. »
Ipslore s'appuya sur le bourdon, tambourina des doigts dessus, comme
perdu dans le dédale de ses pensées. Son sourcil gauche se contracta.
« Non, dit-il doucement, non. C'est moi qui vais la lui forger, sa
destinée.
- JE TE LE DÉCONSEILLE.
- Taisez-vous ! Et écoutez ce que je vous dis : ils m'ont chassé, avec
leurs livres, leurs rituels et leur Tradition ! Ils se prétendaient mages,
et ils avaient moins de magie dans tout leur corps plein de graisse que moi
dans mon petit doigt ! Banni ! Moi ! Pour avoir montré que j'étais humain !
Qu'est-ce qu'ils seraient, les humains, sans amour ?
- UNE ESPÈCE RARE, dit la Mort. MAIS QUAND MÊME...
- Écoutez ! Ils nous ont repoussés jusqu'ici, au bout du monde, et c'est
ça qui l'a tuée, ma femme ! Ils ont voulu me confisquer mon bourdon ! »
Ipslore hurlait par-dessus les sifflements du vent.
« Mais il me reste encore du pouvoir, grogna-t-il. Et moi, je dis que
mon fils ira à l'Université Invisible, qu'il portera le chapeau
d'Archichancelier et que tous les mages du monde s'inclineront devant lui !
Et il leur montrera ce qu'ils ont au fond de leurs c?urs. Leurs c?urs de
lâches, de rapaces. Il montrera au monde sa vraie destinée, et il n'y aura
pas de magie plus grande que la sienne.
- NON. » Par un étrange phénomène, le mot, lâché calmement, avait
retenti plus fort que les rugissements de la tempête. D'un coup, il ramena
momentanément Ipslore à la raison.
Le mage se balança d'avant en arrière, indécis. « Quoi ? fit-il.
- J'AI DIT : NON. RIEN N'EST DÉFINITIF. RIEN N'EST ABSOLU. SAUF MOI,
ÉVIDEMMENT. JOUER COMME ÇA AVEC LE SORT RISQUERAIT DE CONDUIRE LE MONDE À
SA PERTE. IL FAUT LAISSER UNE CHANCE, MÊME PETITE. LES JURISTES DU DESTIN
EXIGENT UNE ÉCHAPPATOIRE DANS CHAQUE PROPHÉTIE. »
Ipslore fixa le visage implacable de la Mort.
« Faut que je leur donne une chance ?
- Oui. »
Tap, tap, tap, firent les doigts d'Ipslore sur le métal du bourdon.
« Alors ils auront leur chance, dit-il, le jour où il gèlera en enfer.
- NON. JE NE SUIS PAS AUTORISÉ À T'ÉCLAIRER, MÊME INDIRECTEMENT, SUR LES
TEMPÉRATURES QUI ONT COURS DANS L'AUTRE MONDE.
- Alors... - Ipslore hésita - alors ils auront leur chance le jour où
mon fils se débarrassera de son bourdon.
- AUCUN MAGE NE SE DÉBARRASSERAIT DE SON BOURDON, dit la Mort. LE LIEN
EST TROP FORT.
- Mais c'est possible, vous devez le reconnaître. »
La Mort réfléchit. Devoir n'était pas un mot qu'il avait l'habitude
d'entendre, mais il parut se ranger à l'argument.
« JE LE RECONNAIS, dit-il.
- C'est une chance assez petite, pour vous ?
- SUFFISAMMENT MOLÉCULAIRE. »
Ipslore se détendit un peu. D'une voix quasi normale il reprit : « Je ne
regrette rien, vous savez. Je recommencerais pareil, s'il fallait. Les
enfants, c'est l'espoir pour l'avenir.
- IL N'Y A PAS D'ESPOIR POUR L'AVENIR, dit la Mort.
- Il y a quoi, alors ?
- Moi.
- À part vous, je veux dire ! »
La Mort lui jeta un regard étonné. « JE TE DEMANDE PARDON ? »
Les hurlements de la tempête atteignirent leur paroxysme au-dessus
d'eux. Une mouette passa en marche arrière.
« Je voulais savoir, fit amèrement Ipslore : qu'est-ce qu'il y a en ce
monde qui donne son prix à la vie ? »
La Mort examina la question.
« LES CHATS, dit-il enfin. C'EST BIEN, LES CHATS.
- Je vous maudis !
- Tu N'ES PAS LE PREMIER, fit la Mort d'un ton égal.
- Combien de temps il me reste ? »
La Mort sortit un gros sablier des replis secrets de sa robe. Des
barreaux