2.1. La marche aléatoire chez Bachelier - R -libre

On en déduit que la variable X qui compte le nombre de roulements utilisables suit la loi binomiale de paramètres n=10 et p=0,97 : . b) Quelle est la probabilité ...

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Le modèle de marche aléatoire
dans l'économie financière de 1863 à 1976

Franck Jovanovic#

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L'objectif de cet article est de montrer comment l'utilisation du modèle de
marche aléatoire pour représenter les variations boursières a été
progressivement incorporée dans la théorie économique, faisant de ce modèle
la représentation de l'évolution dynamique des prix d'équilibre d'un marché
financier de libre concurrence. Depuis les travaux de Fama, le lien entre
efficience informationnelle et caractère aléatoire des variations
boursières est accepté comme une évidence. Cet article défend la thèse
selon laquelle l'explication théorique du caractère aléatoire des
variations boursières proposée par la théorie de l'efficience
informationnelle n'est pas robuste, car elle a été plaquée sur un modèle
sans être démontrée. Nous exposons ici les principales étapes de cette
histoire qui commence en 1863 lorsque Regnault découvre que les variations
boursières peuvent être représentées par un modèle de marche aléatoire, et
qui s'achève en 1976 lorsque Fama, en créant la théorie de l'efficience
informationnelle, l'introduit dans le champ de l'économie.



The aim of this article is to show how the use of the random walk model to
represent stock price fluctuations has been gradually included in economic
theory. Since Fama's works, the link between the efficiency theory and the
random character of stock price variations is considered as obvious. This
article defends that the theoretical explanation given by this theory is
not strong, because it has not been demonstrated. I will expose the main
steps of this history to show how the foundations given to this model has
changed until it has been representing the dynamic of the prices on a
competing market, which is always in equilibrium. This history starts in
1863 when Regnault discovered that stock price fluctuations can be
represented by a random walk model. This history finishes in 1976 when
Fama, creating the efficient market theory, included this model in the
economic field.



Classification JEL : B.0, G.14.

Mots-clés : théorie financière, histoire de la pensée, marche aléatoire.
Keywords: financial theory, history of economic thought, random walk.


Le modèle de marche aléatoire est utilisé en économie financière[1] pour
représenter les variations boursières. Une marche aléatoire, [pic], est un
processus stochastique à accroissements indépendants et stationnaires en
temps discret tel que [pic]et [pic], où les Xt sont indépendants et
équidistribués. On a entre autres [pic] et [pic]. Il s'agit donc d'une
suite de variables aléatoires indexées par t, qui, pour les cours
boursiers, représente le temps. Selon ce processus, l'évolution du prix
d'un actif, Pt est de la forme [pic], où [pic] est un bruit blanc. On
connaît plus généralement la version en temps continu de la marche
aléatoire, le mouvement brownien -ou processus de Wiener- qui est un
processus à trajectoires continues, à accroissements indépendants et
stationnaires, tel que [pic], où [pic] est un mouvement brownien standard,
avec [pic], [pic] et[2] [pic]. Ce modèle occupe une place essentielle dans
l'histoire de l'économie financière pour deux raisons. Premièrement, et
nous le préciserons, il a donné naissance aux premiers travaux théoriques
de cette discipline, travaux qui émergent à partir de 1863. Deuxièmement,
il constitue une des clefs de voûte des travaux théoriques actuels, car il
est constitutif de la théorie de l'efficience informationnelle élaborée
entre 1965 et 1976 par Eugène Fama. Cette théorie est supposée donner au
modèle de marche aléatoire le contenu théorique qu'on lui connaît
généralement aujourd'hui. Elle attribue à ce modèle la représentation de
l'évolution dynamique des prix d'équilibre d'un marché de libre
concurrence. Cette théorie est importante pour l'économiste, car elle est
considérée par certains auteurs comme le pendant de l'équilibre économique
de libre concurrence pour les marchés financiers. A ce titre, le modèle de
marche aléatoire, qui est à l'origine de la théorie de l'efficience
informationnelle, a joué un rôle de premier plan dans la création de
l'économie financière en tant que discipline scientifique.
Depuis les travaux de Fama (1965a, 1970), le lien entre efficience
informationnelle et caractère aléatoire des variations boursières est
accepté comme une évidence. Cet article défend la thèse selon laquelle
l'explication théorique du caractère aléatoire des variations boursières
proposée par la théorie de l'efficience informationnelle n'est pas robuste,
car elle a été plaquée sur un modèle mathématique sans que le lien entre ce
modèle et cette théorie soit clairement démontré. Cet article propose donc
de revenir sur la manière dont ce lien aurait été établi. Il examine
comment l'utilisation du modèle de marche aléatoire pour représenter les
variations boursières a été progressivement incorporée dans la science
économique, faisant de ce modèle la représentation de l'évolution dynamique
des prix d'équilibre d'un marché de libre concurrence. La construction de
l'économie financière en tant que discipline scientifique a été un
processus long qui s'est déroulé en plusieurs étapes mises en évidence par
Jovanovic (2002). Elle conduit ici à dissocier le lien entre histoire du
modèle de marche aléatoire et histoire de l'efficience informationnelle, un
lien qui a été établi lors de la construction du canon de l'économie
financière dans les années 1960[3]. Elle rompt ainsi avec la présentation
traditionnelle, héritée des débats théoriques des années 1960 et 1970 et
qui se retrouve dans quasiment tous les travaux qui ont présenté et enrichi
l'histoire canonique de cette discipline. En dissociant cette théorie de
son support mathématique, on est conduit à une réflexion théorique quant à
la pertinence du lien entre théorie de l'efficience et modèle de marche
aléatoire.
Cet article revient sur les principales étapes de cette histoire qui
débute en 1863 lorsque Jules Regnault introduisit ce modèle pour
représenter les variations boursières. Il fut ensuite formalisé en 1900 par
Louis Bachelier. Les travaux de ces deux auteurs n'ont pas directement
ouvert la voie à une dynamique recherche. Il fallut attendre les années
1930, aux Etats-Unis, pour que le modèle de marche aléatoire puisse
bénéficier d'une telle dynamique grâce, en partie, à l'émergence de
l'économétrie. Puis, à partir des années 1960, l'institutionnalisation et
l'organisation de l'économie financière aux Etats-Unis permirent d'amorcer
un rapprochement progressif du modèle de marche aléatoire avec la théorie
économique qui a conduit à l'élaboration, pendant cette décennie, de la
théorie de l'efficience informationnelle. Celle-ci a donné au modèle de
marche aléatoire son contenu théorique actuel, sans pour autant fournir une
démonstration robuste.



1. 1863, l'introduction du modèle de marche aléatoire dans l'économie
financière par Jules Regnault


L'utilisation du modèle de marche aléatoire pour représenter les variations
boursières a été proposée pour la première fois en 1863 par un employé
d'agent de change, Jules Regnault[4]. Le seul ouvrage qu'il ait publié,
Calcul des chances et philosophie de la bourse, constitue le premier
travail théorique connu d'économie financière. Son objectif consiste à
déterminer les lois de la nature qui régissent les fluctuations boursières
et que le calcul statistique permet d'approcher. Cet objectif est par
ailleurs conforme à l'utilisation jointe de la statistique et de
raisonnements mathématiques que l'on trouve chez les « natural
econometricians » (Le Gall 2007). Pour ce faire, Regnault dissocie les
variations de long terme des variations de court terme auxquelles le modèle
marche aléatoire est associé.


1.1. Le contexte comme raison à l'utilisation du modèle de marche
aléatoire


Après avoir été critiqué et boudé, le marché boursier parisien attira, à
partir du milieu du 19ème siècle, les investisseurs et les entreprises
privées[5]. Son développement s'adossa à la forte croissance économique du
Second Empire. A cette époque, l'évolution et l'appréciation du rôle
économique de la bourse furent accompagnées de débats sur l'utilité des
marchés financiers[6], débats qui devaient permettre de décider de laisser
les marchés financiers se développer ou non. C'est en partie pour répondre
à ces débats que Regnault publia son ouvrage. Cet auteur utilisa le modèle
de marche aléatoire pour démontrer que la bourse est juste et équitable au
regard des critères de l'époque, et par conséquent que son développement
était acceptable. Selon l'auteur, l'équité de la Bourse provient de
l'égalité des intervenants face aux lois de la nature qui régissent les
variations boursières, autrement dit, tous les intervenants se trouvent
dans des conditions identiques. La justice est, quant à elle, relative à
l'espérance de gain des différents intervenants. Les joueurs[7] qui
spéculent sur les écarts, et dont les opérations financières ne participent
pas au développement économique, sont inévitablement ruinés parce qu'ils
enfreignent les règles morales dictées par les lois de la nature. En
revanche, les spéculateurs, en se conformant