Sade déf. - Hal
On y trouve des expériences scientifiques ?physique, chimie, mathématique, etc.
..... par les dirigeants de la seconde et troisième républiques, la réduction des
écarts ..... manuel classique porté à l'écran, que l'évaluation des exercices
littéraires ... Le Q.C.M a l'avantage d'être corrigé par plusieurs évaluateurs avec
la même ...
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JUSTINE OU LES BONHEURS DE LA CURIOSITÉ Introduction Les trois versions successives de l'histoire de Justine peuvent être
considérées comme des "curiosa", terme formé au XIXe siècle probablement
comme un neutre pluriel latin, pour désigner "les livres libertins prisés
par les bibliophiles "curieux".[1] Dans une note de LaNouvelleJustine, Sade
estime que La Philosophie dans le boudoir peut "prétendre à l'estime des
curieux."[2]
Les aventures de Justine se développent selon un axiome initial que
Sade définit en ces termes: "Deux s?urs, l'une très libertine vit dans le
bonheur, l'autre extrêmement sage tombe dans mille panneaux qui finissent
enfin par entraîner sa perte." La première version, rédigée en seize jours
à la Bastille en 1787, au moment où Sade écrivait les onze nouvelles qui
formeront le recueil des Crimes de l'amour en 1800, adopte le modèle
générique du conte voltairien. Les notes marginales de ce manuscrit, publié
pour la première fois en 1930 par Maurice Heine, prouvent que Sade l'a
utilisé comme base de son roman[3]. Justine ou les Malheurs de la vertu,
publié en 1791 qui en donne une version plus développée, plus explicite,
plus romantique, dans laquelle l'influence du roman noir se fait sentir, en
particulier par le goût des souterrains, des rêveries et des mises en scène
macabres. Deux fois plus long que le conte initial, le roman apporte des
modifications dans l'ordre des épisodes, ainsi que dans le nom et le statut
de certains personnages -le faux-monnayeur Dalville devient Roland; la
marquise de Bressac n'est plus la mère mais la tante du marquis homosexuel-
de nouveaux personnages sont ajoutées: Saint-Florent qui apprend à Justine
la vanité de la gratitude, le comte de Gernande, amateur de saignées,
l'évêque de Grenoble, Cardoville, un parlementaire qui abuse de Justine
avant de la faire condamner.La Nouvelle Justine ou les Malheurs de la
vertu, roman publié en 1797, est la version la plus longue, la plus
violente, et la plus pornographique, alors que Les Infortunes de la vertu
était un conte érotique "gazé" à la mode libertine. La Nouvelle Justine
prend la forme d'une épopée du mal où sont enchâssées deux histoires
(Jérôme et l'Italie; Séraphine et l'Espagne). Le libertinage atteint son
comble: "les scélérats deviennent à ce point maîtres du corps de leur
victime qu'ils lui révèlent la jouissance bien malgré elle."[4] Selon
l'hypothèse de Georges Bataille, Sade aurait entrepris la troisième version
"scandaleuse" de l'histoire de Justine, en lui donnant comme suite
l'histoire de Juliette, à cause de la perte des Cent Vingt Journées: "ne
disposant plus du témoignage essentiel qu'il avait voulu donner, il devait
songer à lui substituer quelque ouvrage aussi complet."[5]
Un rapide résumé de l'intrigue, repris de celui qu'en propose Michel
Delon, permettra de comprendre dans quel cadre narratif s'inscrit la
curiosité, et donc sous quel angle nous voulons l'aborder. Deux s?urs
issues de la grande bourgeoisie se retrouvent à la rue, après la ruine et
la mort de leurs parents. Tandis que Juliette se jette sans hésiter dans la
prostitution, puis la haute courtisanerie, Justine s'enferme dans la
fidélité à la morale qui lui a été inculquée. Ses échecs ne lui apprennent
rien, elle s'obstine dans une vertu que l'expérience condamne. Chaque
épisode illustre une vertu, pratiquée par Justine, et payée de nouveaux
malheurs.[6] La jeune fille cherche du secours auprès de sa couturière, qui
la chasse, puis du curé de sa paroisse qui veut abuser d'elle. Elle
s'engage alors comme servante auprès d'un avare qui l'accuse du vol qu'elle
n'a justement pas voulu commettre. Arrêtée, elle s'enfuit de prison avec la
Dubois qui l'entraîne dans une troupe de brigands; leur faussant compagnie
pour ne pas devenir leur proie, elle séjourne successivement chez un jeune
aristocrate homosexuel, le marquis de Bressac, qui veut la forcer à
empoisonner sa mère, chez un chirurgien, Rodin, amateur de vivisections
humaines, au couvent de Sainte-Marie-des-Bois, où les moines, quatre
libertins sans scrupules, entretiennent un sérail de victimes, et enfin
chez Dalville, un faux-monnayeur caché dans la montagne. Malmenée,
fouettée, violée, soumise aux pires sévices, la pauvre Justine se voit non
moins obstinément accusée de crimes qu'elle n'a pas commis et condamnée à
la place de ceux qui sont réellement coupables. Lors d'un transfert entre
deux procès, elle est remarquée par une grande dame qui se révèle être sa
s?ur et qui lui fait raconter son histoire. Recueillie par Juliette,
Justine meurt, peu après, foudroyée dans un orage.
On cherchera à montrer comment la curiosité sous-tend structurellement
le récit dans son alternance très nettement repérable entre les scènes
érotiques, suscitées par le désir de voir de Justine ou par le désir
d'avoir des libertins, et les dissertations théoriques qu'entraîne le désir
de savoir de Justine. Les bourgeonnements narratifs greffés sur le tronc
initial dans les versions suivantes, et en particulier les deux récits
enchâssés dans la Nouvelle Justine, pourraient également s'expliquer par le
désir de récit, perçu à la fois comme excitation et incitation, que
manifestent les deux auditeurs de l'héroïne. Le récit génère le récit, de
la même façon que, dans "l'écriture de l'orgie", le désir engendre le
désir, et le désir est aussi désir du récit. C'est pourquoi Justine doit
être sa propre "historienne". Cette importance structurelle, et cette
instance de légitimation du récit, intégrée dans la trame narrative,
implique une posture particulière pour le destinataire: la lecture est un
voyeurisme tranquille. Cependant, le propre de la curiosité est de
s'exercer toujours sur l'extérieur, au détriment de la connaissance de soi.
Justine manifeste sa "volonté de (sa)voir", sans la possibilité de se voir.
Cette incapacité est révélatrice de l'absence chez elle du "souci de soi".
Cette étude portera plus spécifiquement sur la deuxième version du
récit[7], en privilégiant l'analyse lexicologique: grâce au logiciel
Frantext, on a pu rechercher systématiquement tous les termes concernant la
curiosité dans Justine ou les Malheurs de la vertu. Nous mettrons ce relevé
en regard avec l'histoire de la notion de curiosité, telle que la retrace
Alain Rey dans l'histoire du mot[8]. En abordant cette notion sous l'angle
de la psychanalyse, de la narratologie, de l'histoire des idées et des
théories de la réception, on s'intéressa à la spécificité de sa mise en
forme -et en question- dans et par le roman. Un principe d'engendrement textuel et de légitimation narrative.
-Un cadre narratif curieux.
Portrait du lecteur en auditeur curieux.
Dans les Infortunes, comme dans les Malheurs, la narration est mise
en scène, selon un procédé traditionnel et efficace, hérité des structures
et des thèmes du roman picaresque: la rencontre dans une auberge (p.21-23),
qui trouvera son pendant à la fin dans une conventionnelle scène de
reconnaissance. L'ouverture du roman et l'accès au récit se font en trois
temps: 1) axiome initial, projet philosophique (dans les Malheurs, Sade a
ajouté une lettre liminaire de Justine à Constance)[9]; 2) Justine et
Juliette restent seules à la mort de leurs parents. L'une choisit la voie
de la vertu, l'autre celle du vice. Débute alors le récit des déboires de
Justine, à la troisième personne, interrompu par le récit-sommaire de la
fulgurante carrière de Juliette[10]; 3) Madame de Lorsange et M. de
Corville, dans une auberge près de Montargis, assiste à l'arrivée du
"carrosse de Lyon", dont il regarde descendre les voyageurs avec une
curiosité amusée:
C'est un amusement assez naturel que de regarder une descente de
coche; on peut parier pour le genre des personnages qui s'y
trouvent (...) on est presque toujours sûrs de gagner.[11]
Une misérable jeune fille "de vingt-six à vingt-sept ans" est descendue
par des gardes, qui expliquent aux deux spectateurs que l'inconnue est
accusée de trois crimes, ce qui suscite immédiatement la curiosité du
couple. L'arrivée de Justine (que Juliette mettra, contre toute
vraisemblance, quatre-cents pages à reconnaître pour sa s?ur!) est
théâtralisée, organisée comme une scène ou un tableau énigmatiques, dont
Madame de Lorsange et M. de Corville demandent à entendre la légende (i. e.
le titre et "ce qui doit être lu").
Les spectateurs veulent donc devenir des auditeurs. Justine sera
l'historienne de sa propre histoire, à la première personne cette fois. Le
récit naît donc de la curiosité d'un couple, symbolisant la demande et
l'attente du lecteur. Cet épisode, encodé par la tradition romanesque,
légitime, sur le plan de l'anecdote, le choix d'une nouvelle voix
narrative. De ce point de vue, Justine est comparable aux "historiennes"
qui occupent une partie du temps des libertins du château de Silling, dans
les Cent Vingt Journées.
Mme de Lorsange, qui s'était approchée, qui entendait ce récit,
témoigna bas à M. de Corville l'envie qu'elle aurait d'apprendre de
la bouche de cette fille même, l'histoire de ses malheurs, et M. de
Corville, qui formait aussi le même désir, en fit part aux deux
gardes en se nommant à eux.[12]
Le discours de la curiosité est immédiatement aussi un discours de la
libido et du désir. La curiosité des personnages, qui figurent ici celle du
lecteur pourrait être définie comme