cahiers n° 13 - Dominicains du Canada

Si celle-ci avait corrige ce qui le méritait dans l'organisation sociale .... La
prétention a pour objectif la justification morale de l'exercice du pouvoir public.
..... elle se trouvait en présence d'une solide organisation politique traditionnelle
...... Le document précise que «le peuple hutu a bien compris le manège quand il
a ...

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C. NO 13 : LE DIALOGUE ENTRE LES HUTU ET LES TUTSI






PRESENTATION DU NUMERO


Par ce numéro13, nous ouvrons le programme de l'année
1999. Il portera sur le thème général du DIALOGUE. Celui
-ci sera établi successivement entre les différentes
composantes de la société rwandaise (N°), les partis
politiques ( N°2), les confessions religieuses et l'Etat (
N°3) pour terminer par un numéro-bilan (N°4).Le dialogue
en question n'est pas une confrontation directe entre deux
en accusation. Ce sera plutôt un examen des griefs
adressés à chaque groupe, tel que le donne à penser
l'opinion générale actuelle, à tort ou à raison. Dans
chaque numéro, on essaiera de savoir qui formule ces
reproches, dans quel intérêt pratique et finalement quel
peut être le fondement réel de ces griefs ? Les auteurs de
ces contributions auront la tâche, combien ardue,
d'inciter les divers groupes en situations divergentes
d'éviter le dialogue de sourds qui ne fait piéger tout le
monde. Le bien de notre nation reste le mobile commun et
impératif.


Tout en ayant un même objectif, chaque numéro aura ses
particularités. Ce premier cible donc les oppositions
entre les diverses composantes de notre société, plus
spécialement la plus importantes, nommée officiellement le
problème Hutu-Tutsi. Le premier article signé par Antoine
MUGESERA présente un dossier assez fouillé des « Griefs
réciproques entre les Hutu et les Tutsi. Le deuxième, de
Bernardin MUZUNGU, essaie d'indiquer les milieux et les
mobiles de ceux qui soutiennent le conflit Hutu-Tutsi.
Dans le troisième article, Octave UGIRASHEBUJA tente de
montrer les « Bases objectives du conflit Hutu-Tutsi ». Le
quatrième et dernier, rédigé par A. d'ARIAN et titré la
déesse démocratie, met à nu la tricherie généralisée des
puissants de ce monde qui manipulent les masses populaires
pour leurs intérêts par le prétexte de la démocratique. Au
Rwanda, ce prétexte a pris le nom de majorité ethnique
(nyamwinshi).


Comme ces aspects du même sujet se touchent de très
près, chaque auteur fera attention pour rester sur le
terrain de sa juridiction, en comptant ainsi sur le
complément des autres contributions. Non multa, sed
multum : ce qu'on sacrifie en étendue, on le gagne en
profondeur.Pour éviter le dialogue de sourds qui
caractérise les uns et les autres, les contributions
s'efforcent de sortir des généralités et des ornières de
l'équilibrisme pour appeler les choses par leurs propres
noms. En face du génocide, avec ses causes et ses effets,
il n'est profitable à personne de pratiquer la politique
de l'autruche. Le but final, toutefois, est que le corps
social de ce pays retrouve la santé, ce qui suppose qu'on
dit tout comme fait le malade devant son médecin.
























GRIEFS RECIPROQUES ENTRE HUTU ET TUTSI


Antoine MUGESERA






0. INTRODUCTION


Dans le cadre d'une étude portant sur le dialogue entre
Rwandais, la revue « Lumière et Société » m'a demandé de
donner une contribution sur les « griefs réciproques entre
Hutu et Tutsi ». Il s'agit de voir s'il y a des reproches,
fondés ou non, que se font réciproquent ces deux
principales composantes de la société rwandaise. L'étude
présente un certain intérêt. Si ces griefs existent et si
l'on parvient à les démontrer, il est clair qu'il serait
alors possible d'y trouver des éléments proches ou
lointains qui ont disposé ou poussé les gens à commettre
le génocide de 1994. Il s'agit de trouver dans le
subconscient de notre peuple des éléments, objectifs ou
non, qui auraient aidé ou facilité le génocide. Existe-il
des griefs antérieurement reconnus, dans notre culture,
portés par le groupe hutu contre le groupe tutsi ?Même si
ces griefs une fois démontrés ne peuvent pas en eux-mêmes
expliquer le génocide, ils peuvent néanmoins contribuer à
mettre à nu l'univers mental dans lequel le génocide a
trouvé un terrain favorable.


Si ces griefs existent, et cela en permanence, ils
constituent sans aucun doute un champ favorable à toute
sorte de violences dont aucun doute un champ favorable à
toute sorte de violence dont le génocide n'est que l'un
des aspects les plus horribles. A proprement parler, cette
étude ne cherche pas à expliquer, encore moins à
comprendre le génocide, elle a l'ambition de voir si on
peut trouver l'imaginaire collectif de notre peuple des
éléments d'antagonismes ou de haines entre Hutu et Tutsi,
sur lesquels s'est greffé l'univers génocidaire, ce
dernier étant essentiellement une affaire politique. Bien
entendu le terrain mental n'est pas en lui-même la cause
directe du génocide. Néanmoins, c'est lui qui a fécondé sa
naissance et soutenu sa croissance par le développement
des antagonismes qui ont abouti au paroxysme génocidaire.


Dans cette tentative de classification des griefs, des
difficultés ne manquent pas.


-La première réside dans la définition des concepts hutu
et tutsi. Le sens de ces termes a varié dans le temps. Il
est important de savoir celui qui est visé dans cette
réflexion.


-10 Est-ce désigne la grande division de l'espèce humaine
en Jaunes. Noirs et Blancs ou leurs subdivisions
générales. Nos trois groupes sociaux ne sont sûrement pas
à ce niveau. Hutu, Tutsi et Twa sont des Noirs, Africains
et Rwandais. Ils sont de la même race.


20 Est-ce des ethnies ?


Larousse définit ce terme comme un groupement humain
qui possède structure familiale, économique et sociale
homogène et dont l'unité repose sur une communauté de
langue et de culture. Compris dans ce sens, Hutu et Tutsi
sont de la même ethnie, car ils ont en communs ces
différents traits ethniques.






30 Est-ce des catégories sociales ?


Par élimination des stades plus vastes, il ne reste
plus que ce niveau de signification du classement
conceptuel. Ayant en commun la langue, l'habitat, la
religion, l'histoire, les intermariages, etc., Hutu, Tutsi
et Twa sont manifestement des catégories sociales. Leurs
différences reposent essentiellement sur le rang social
lié à la richesse et au pouvoir exercé dans la société, et
partiellement sur le mode de vie (agriculture, élevage).
Celui-ci ne distingue pas des articles définis des
articles indéfinis ou partitifs. Ces articles qui, par
exemple en français, placés devant les noms servent à
marquer leur degré de précision ou d'imprécision
n'existent pas en Kinyarwanda. Lorsqu'il est question des
Abatutsi ou Abahutu, on ne sait pas s'il s'agit de
quelques individus de ces groupes ou s'il s'agit de
quelques individus de ces groupes ou s'il s'agit de la
totalité du groupe. Ce langage contient donc une
imprécision qui entraîne le danger de globalisation.


-La troisième difficulté est de savoir jusqu'où on doit
remonter dans le temps pour essayer de recenser les
reproches ou griefs éventuels. La raison est que si ces
reproches existent, il faut absolument les placer dans
leur contexte historique. En effet, une des règles de
l'herméneutique stipule que chaque texte doit être compris
dans son contexte naturel. En d'autres termes, un trait
culturel, un fait historique, une coutume isolée, pour
être bien compris, doivent être replacés dans le contexte
global de la culture du pays concerné.


Après cette démarche d'approche, voici les étapes que
va suivre le présent propos. L'analyse portera d'abord sur
l'un des mythes fondateurs de notre société : le mythe de
Gihanga et sur ses nombreuses variantes. Elle portera
ensuite sur l'univers mental populaire des légendes et
récits, sur des rites, des proverbes et des devinettes. Il
ya là un large champ à explorer pour découvrir
l'imaginaire populaire c'est-à-dire l'âme profonde de
notre peuple. Peut -on trouver dans cet imaginaire
collectif des traces de griefs ou d'antagonismes entre
Hutu et Tutsi ?


L'époque coloniale et postcoloniale regorge de ces
griefs : des stéréotypes et des préjugés inventés et
cultivés par la colonisation d'abord, et ensuite des
reproches à caractère politique que la génération des
jeunes rwandais scolarisés a appris à l'école coloniale,
intégré dans son schème de pensée et reproduit dans les
slogans politiques. Nous essayerons d'en faire un survol.
Puis viendra la conclusion.




I. DU MYTHE DE GIHANGA




Nous allons aborder ici époque délicate : l'époque que
nous connaissons à travers les récits mythiques. Or les
faits reportés par les mythes ne sont pas historiques.
Ils sont essen