LMLSDL 204 Linguistique contrastive

La linguistique contrastive est considérée comme une branche de la linguistique
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LINGUISTIQUE CONTRASTIVE
Première partie: Introduction à la linguistique contrastive 0. Préliminaires : Objectif de l'ouvrage
La linguistique contrastive est considérée comme une branche de la
linguistique appliquée, qui travaille sur la comparaison des micro-systèmes
de deux (ou éventuellement de plusieurs) langues afin de faciliter leur
enseignement et leur apprentissage. Le présent ouvrage, contrairement à ce
qui est reconnu comme appartenant à la linguistique contrastive, ne touche
pas aux problèmes didactiques. C'est une approche purement linguistique
destinée à démontrer que toutes les langues ne font pas comme le français.
Une autre différence est que l'on ne confrontera pas deux langues, mais,
pour chaque phénomène abordé, on fera le point sur la solution qu'utilise
le français et on étudiera le même problème dans une autre langue (ou dans
quelques-unes).
1. La linguistique contrastive parmi les autres disciplines
Avant de commencer à travailler, nous définirons d'une manière très simple
notre discipline, pour la placer ensuite dans une perspective plus large.
Dans un premier temps nous pouvons dire que la linguistique contrastive
(désormais LC) est « une branche de la linguistique appliquée dont
l'objectif est la comparaison des systèmes linguistiques de deux ou de
plusieurs langues afin de faciliter leur enseignement et leur
apprentissage ». L'essentiel de la définition réside dans la notion de
« comparaison ». Il existent plusieurs disciplines linguistiques qui
comparent les langues. Dans ce qui suit, nous allons brièvement présenter
ces disciplines, ce qui nous permettra de mieux identifier la LC.
1.1. Linguistique comparée historique
C'est une branche classique de la linguistique, qui propose une approche
diachronique. La linguistique ou avec le terme plus courant la « grammaire
comparée » remonte au 19e siècle. Elle confronte le plus souvent des mots,
mais aussi des structures grammaticales de deux ou de plusieurs langues. On
pose l'hypothèse que les mots (ou éléments) comparés qui se ressemblent (p.
ex. anglais mother, allemand Mutter, ou bien français fait, roumain fapt,
italien fatto) remontent à une forme unique qui a évolué de deux ou de
plusieurs manières différentes. Cet héritage commun peut être démontré en
faisant intervenir les lois phonétiques qui se manifestent en
correspondances régulières. Par exemple, le latin -ct- de factum se
transforme en -ait en français, en -pt en roumain et en -tt en italien, et
non seulement dans ce mot factu>fait, etc. mais aussi en lacte>lait. Le
résultat des recherches comparatives permet d'établir les liens parenté
entre les langues et de les regrouper en « familles de langues ». On peut
profiter de ces résultats dans les analyses contrastives: en principe,
entre deux langues appartenant à la même famille génétique on peut
s'attendre à plus de ressemblances qu'entre deux langues sans aucune
parenté.
1. 2. La typologie des langues
C'est une discipline qui est en relation étroite avec la LC comme nous
allons le démonter dans ce qui suit. La typologie des langues se propose
d'étudier les langues du monde dans leur ensemble, pour mettre en évidence
les propriétés du langage humain, à savoir les traits universaux et les
ressemblances qui peuvent être regroupés en types. La première différence
fondamentale entre typologie et LC est que la typologie s'intéresse, par le
biais d'échantillons représentatifs, à toutes les langues du monde, alors
que la LC confronte deux langues ou quelques-unes selon le choix du
linguiste. L'autre différence est que la LC est considérée comme une
discipline de linguistique appliquée, c'est-à-dire que ses résultats sont
censés soutenir directement la didactique des langues, alors que la
typologie, par sa plus grande envergure, peut être rapprochée à la
linguistique dite générale. 2. La linguistique contrastive dans son évolution
2.1. Les premières approches
Les origines remontent aux années 1950, aux Etats-Unis. Deux ouvrages
peuvent être mentionnés, celui de Weinreich (1953) sur le contact des
langues et celui de Lado (1957) qui est considéré comme l'ouvrage fondateur
de la discipline. Ce dernier propose une approche complète, non seulement
aux problèmes grammaticaux, mais il traite des phénomènes de lexique et de
phonétique aussi, le tout placé dans une approche à la confrontation des
cultures. En ce qui concerne la méthode contrastive, il a été observé dans des
groupes qui apprenaient l'anglais (L2), que les apprenants qui ont des
langues maternelles (L1) différentes, ont de différents problèmes dans
l'apprentissage de la L2. La langue maternelle exerce une influence qu'on
appelle « le transfert négatif » sur l'apprentissage de la langue
étrangère. Le phénomène est aussi appelé « interférence »: un trait de L1
apparaît dans L2, ou un trait de la langue « source » fait son apparition
dans la langue « cible ». Il est simple de reconnaître un accent spécifique
ou un type d'erreur qui caractérise le parler des locuteurs d'une L1
identique. Par exemple, les locuteurs dont la langue maternelle ne dispose
pas de voyelles nasales peuvent connaître des difficultés en apprenant le
français ou le portugais, les locuteurs qui prononcent un R roulé
(hungarophones, entre autres) apprennent plus difficilement le r uvulaire
du français; ceux dont la langue ignore les genres grammaticaux commettent
des erreurs d'accord, et ainsi de suite, on pourrait multiplier les
exemples.
On a donc supposé qu'une comparaison détaillée des deux langues concernées
peut révéler les difficultés que les apprenants de L1 vont avoir au cours
de l'apprentissage de L2: c'est-à-dire que l'on tentait de prédire les
fautes que commettront les apprenants. On a supposé que les plus grosses
difficultés se présenteront là où les différences sont les plus grandes.
2.2. Les critiques Cette première approche a suscité des critiques. On s'est rapidement aperçu
d'un problème qui n'est même pas résolu jusqu'à nos jours, malgré les
efforts constants des typologues, et c'est la comparabilité des catégories
linguistiques. Toutes les langues ne peuvent pas être décrites à l'aide de
la terminologie et des concepts qui ont été élaborés à partir des langues
indo-européennes. Même au sein des langues indo-européennes, toutes les
langues ne se prêtent pas à une description grammaticale qui emprunte le
système des grammaires du latin. Rappelons qu'il n'y a pas très longtemps
encore, dans les grammaires françaises destinées aux étrangers, on avait
présenté des tableaux de déclinaison du nom où figurait »datif » pour au
père et « génitif » pour du père, alors qu'en français il ne s'agit pas
d'une variation morphologique du nom qui justifierait ce traitement[1].
Pour rester au problème des cas, les six cas du latin sont insuffisants
pour décrire le système casuel de langues qui en connaissant beaucoup plus,
soit 18 en hongrois: il fallait inventer des termes (latif-elatif-illatif,
etc.). Et même lorsque quelques parallélismes formels se présentent, il
n'est pas possible de comparer directement le « present perfect » anglais
et le « passé composé » du français. Ces problèmes sont encore plus graves
lorsqu'il s'agit de langues dont le système est tellement différent de
celui des langues indo-européennes que même les notions les plus banales
doivent être réévaluées. Tel est le cas du sujet. Dans les langues qui nous
sont plutôt familières, le sujet d'un verbe transitif et d'un verbe
intransitif sont traités de manière identique et il s'oppose à l'objet.
Dans d'autres langues (basque, langues du Caucase), un traitement
morphologique identique se présente pour le sujet de l'intransitif et de
l'objet. La deuxième objection portait sur la valeur prédictive des analyses
contrastives. En effet, il a été observé que toutes les erreurs ne sont pas
dues à l'interférence et que les difficultés ne se présentent pas là où les
différences sont les plus grandes. Voici l'une des mes propres expériences.
La langue hongroise présente une double conjugaison du verbe selon le
caractère défini ou indéfini du verbe: Dans un énoncé qui correspond à
j'écris une lettre la forme du verbe est différente par rapport à j'écris
la lettre. J'ai consulté un grand nombre de copies d'étudiants du hongrois
qui avaient comme langue maternelle une langue romane où cette double
conjugaison n'existe pas. Je m'attendais à y rencontrer beaucoup d'erreurs.
Or, ce n'était pas le cas, puisque les contextes du défini et de l'indéfini
peuvent être cernés facilement, leur description figure dans toutes les
grammaires hongroises destinées aux étrangers, il s'agit donc simplement de
quelques règles qu'il faut apprendre et maîtriser. Finalement, ces analyses contrastives précoces insistaient fondamentalement
sur les différences, mais les similitudes ont été négligées, bien qu'elles
soient tout aussi importantes dans les comparaisons. Notons que certains
linguistes distinguent l'approche « contrastive » qui met l'accent sur les
différences et « confrontative » qui inclut différences et ressemblances en
même temps.
2.3. Les développements Dans les années 70, surtout en Europe, la LC connut un nouvel essor. Toutes
les nouvelles théories ont été utilisées dans les analyses de micro-
systèmes. Les langues de grande diffusion, comme l'anglais, le français,
l'allemand, l'italien ont été confrontées entre elles, et aussi chacune
avec les langues comme le hongrois ou