Daniel ARNAUD - Tel Archives ouvertes
Parmi les premiers exercices[9] proposés, les étudiants doivent rédiger un
compte rendu critique ... Ainsi l'analyse de leurs réponses m'a-t-elle permis d'
observer si, .... et enchevêtrés maintiennent une ségrégation discriminante entre
les deux ...
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Daniel ARNAUD
LA REPUBLIQUE A-T-ELLE ENCORE UN SENS ? Essai
L'auteur tient à remercier tout particulièrement M. Robert Damien,
avec qui il a commencé la thèse dont est issu ce livre, et qui lui a
notamment suggéré de suivre la piste des socialistes ; M. Fabrice
d'Almeida, pour ces quelques instants de débat et d'échange au Sénat, qui
ont contribué à nourrir sa réflexion ; Mlle Delphine Minoui, rencontrée à
l'occasion d'une projection du film Persépolis, pour sa très communicative
passion de l'Iran ; Mrs Jean-Marie Arrighi et Antoine-Marie Graziani, qui
n'ont pas hésité à l'éclairé sur quelques point essentiels du moment
paolien ; M. Simon Renucci pour son intérêt et ses encouragements ; M.
Edmond Simeoni pour son témoignage soucieux du contrat social ; M. Michel
Barat, co-auteur de cette fin des Lumières qu'il dénonçait par ailleurs,
pour sa participation involontaire ; Mrs Rudy Cara et Jean-Paul Brighelli
pour leurs avis pleins de lucidité concernant la situation de l'école
républicaine ; les élèves qui, par leur implication, lui ont appris à ne
pas désespérer de cette dernière ; et bien sûr M. Louis Ucciani, avec qui
il a mené cette recherche à son terme. AVANT-PROPOS Sous le signe d'une triple ascendance « Reste maintenant à voir quelles doivent être les manières et
façons du Prince envers ses sujets et ses amis. Et comme je sais bien que
plusieurs autres ont écrit de la même matière, je crains que, si moi-même
j'en écris, je sois estimé présomptueux si je m'éloigne, surtout en
traitant cet article, de l'opinion des autres. Mais étant mon intention
d'écrire choses profitables à ceux qui les entendront, il m'a semblé plus
convenable de suivre la vérité effective[1] de la chose que son
imagination. [...] », avertit Machiavel dans un passage clef du Prince[2]. Le Florentin pointe de la sorte un problème récurrent de la pensée
politique, à savoir le décalage qui persisterait entre les textes et le
réel. Tel philosophe concevrait un mode d'organisation idéal de la société,
qui se révèlerait inopérant pour rendre compte des choses de l'Etat ; ou
dont la mise en oeuvre rencontrerait une difficulté qui n'avait pas été
prévue dans la théorie. Toutefois, nous ne souhaitons aucunement verser
dans le lieu commun[3] selon lequel il se peut que ce soit juste en
théorie, mais en pratique, cela ne vaut rien[4]. Comme l'indique Kant[5],
un tel décalage ne tient pas tant au manque de portée de la théorie elle-
même qu'au fait qu'elle resterait à compléter, éventuellement à partir des
leçons de l'expérience. Si nous traiterons dans les pages qui suivent de la
République[6] en fréquentant prioritairement les écrits de ses théoriciens,
il nous arrivera à cet égard de nous intéresser à ce qu'apportent les «
hommes de terrain »[7], dans la mesure où leur pratique pourrait venir
enrichir la réflexion.
L'auteur lui-même, s'il a abondamment fréquenté les bibliothèques,
n'a pas hésité à quitter sa librairie pour produire le travail qu'il a le
plaisir de soumettre au lecteur. Tout en parcourant Condorcet, il s'en est
ainsi allé enseigner les lettres dans des lieux où elles paraissaient
absentes ; tout en découvrant ou redécouvrant Tocqueville, il a visité les
foyers qui ont vu naître la démocratie en Amérique ; habitué à une
tradition laïque bien française, qui met en avant la séparation de l'Eglise
et de l'Etat, il a poussé ses investigations jusqu'en Iran et cherché à
comprendre comment une république pouvait être islamique. Ce faisant, il
espère avoir su lui aussi s'attacher à la verità effetuale de son objet.
La démarche aurait pu strictement relever de l'histoire des idées.
Elle aurait alors pris la forme d'un parcours axé sur les façons de penser
la république depuis l'Antiquité. Elle aurait pu également être historique,
et avoir trait soit à la naissance du régime républicain en France, soit
aux circonstances de son installation à une époque donnée. Elle s'avère
foncièrement philosophique : si nous solliciterons au cours de notre
cheminement les auteurs du passé d'une part, et le travail de l'historien
d'autre part, ce sera uniquement dans le but d'élucider une problématique
contemporaine.
La République a-t-elle encore un sens ? La question, posée en ces
termes, suggère qu'elle en aurait eu un auparavant, mais qu'elle l'aurait
peut-être perdu, ou qu'elle serait en passe de le perdre. Aussi devrions-
nous mettre au jour ce qu'il était, et ce qui le conduirait à disparaître.
Encore faudrait-il que nous nous entendions sur le sens du mot
« sens »[8]... Téléologique ? Nous nous demanderions si la République
poursuivrait une certaine évolution ou, au contraire, si elle déboucherait
sur une impasse. Sémiologique ? Nous nous intéresserions, après l'avoir
définie[9], à la pertinence de sa signification. Axiologique ? Nous nous
arrêterions sur sa validité en tant que modèle politique[10]. C'est ce
dernier sens que notre questionnement nous incitera plutôt à retenir, même
s'il sera en réalité impossible de le séparer complètement des deux autres.
En effet, déterminer si la République demeure opératoire implique d'abord
d'interroger ce qu'elle signifie (pour savoir de quoi, au juste, nous
parlons), et rejoint ensuite l'enjeu de la direction (parce que si elle
était dépassée, elle n'irait plus nulle part et devrait céder la place à
autre chose). En France, depuis la Révolution, toute enquête menant sur les
traces de l'idée républicaine rencontre du reste, en raison de
l'appropriation dont elle fait l'objet, une difficulté d'ordre idéologique.
« La République »[11], réduite à sa version hexagonale, jouirait d'une
exclusivité conceptuelle, avec un contenu allant de soi[12]. Comme si,
coupée d'autres traditions, elle s'était auto-engendrée : il s'agirait en
somme d'une espèce endémique. D'où une matière souvent traitée en vase
clos, dont on ne sait plus très bien si les éléments renvoient à un
invariant républicain ou à une spécificité française. Nous avons fait le
choix d'en finir avec un tel endémisme, et de refuser le vase clos[13].
Tout en nous concentrant sur le cas français, nous n'hésiterons pas, dans
une telle optique, à le désingulariser afin de mieux démêler ce qui lui
serait propre de ce qu'il partagerait avec d'autres modèles. Nous verrons
notamment comment le situer par rapport à la querelle entre les Anciens et
les Modernes, ce qu'il doit aux Lumières, ou encore à la tradition
machiavélienne. Un tel exercice d'identification influerait directement sur
la question du sens. Si l'essence de la république se trouvait mise en
cause, alors le devenir du concept lui-même serait en jeu ; s'il n'était
question que d'un caractère optionnel, alors la République changerait peut-
être simplement de cap, sans forcément renoncer à elle-même.
La matière étant particulièrement riche, nous ne pouvions prétendre
à l'exhaustivité, et les auteurs rencontrés font d'abord l'objet d'un
positionnement relatif à notre sujet. A cet égard, nous privilégions les
éditions les plus accessibles, ainsi que les anthologies[14]. Dans le même
esprit, nous incluons la majeure partie de la bibliographie dans les notes
de bas de page, de manière à ce que le lecteur puisse immédiatement mettre
en relation un ouvrage avec un thème, une trame ou une controverse. D'un
point de vue historique, nous nous réservons enfin la possibilité de passer
aisément d'une période à une autre, ou au contraire de nous attarder sur un
moment donné, puisque notre démarche vise des concepts, non la restitution
d'une chronologie. INTRODUCTION Un objet philosophique non identifié ? Il semblerait que le terme de « république », pendant longtemps,
n'ait pas, ou plus, fait l'objet d'un problème philosophique déterminé. Les
dictionnaires spécialisés, s'ils possèdent une entrée correspondante, ne
font que reproduire les définitions couramment admises, qui sont au nombre
de deux : d'abord synonyme d'« Etat », quel qu'il soit, ensuite « tout Etat
qui n'est pas monarchique ». Précisons d'emblée qu'il désigne le plus
souvent un régime représentatif, dans lequel la souveraineté se voit
détenue par des représentants élus au suffrage universel, ce qui assure sa
proximité sémantique avec la démocratie[15]. Il renverrait dès lors
uniquement à une forme de gouvernement, qu'il permettrait de qualifier.
Concernant la France, il est notamment employé par l'historien pour nommer
les périodes au cours desquelles le pays a cessé d'avoir à sa tête un
pouvoir héréditaire : la « République », en 1792, a remplacé la Monarchie
constitutionnelle, qui avait elle-même succédé à la Monarchie absolue de
droit divin. En tant que nom propre, le mot s'écrit cette fois avec une
majuscule[16].
Ce travail est motivé par deux constats.
Le premier, c'est la résurgence d'un débat, dans les dernières
années du vingtième siècle, autour du devenir de la République elle-même.
Serge Audier, dans Les Théories de la République[17], en pose très bien les
termes :
« Une des mutations intellectuelles des dernières décennies du XXe
siècle aura été le retour en force de l'idée républicaine. Si cette idée
n'a jamais déserté