Cours III - ArtSites

... dont on parle du dessein général et la méthode descriptive-historique plutôt
que ...... de la philosophie allemande moderne"[30]- corrige le défaut du
spinozisme, ...... Il n'y a pas de voie royale [impériale] vers la géométrie [qui mène
au temple ...... cheminement (gr. meta : vers et odos : chemin) et non exercice
préliminaire.

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HEGEL : Commentaire de la Préface de la Phénoménologie de l'Esprit


Revenant au titre initial de l'entreprise hégélienne, Le Système de la
Science, éclairons-en la logique / structure, telle que l'expose l'auteur
dans son Avant-propos, plus connu sous le nom de Préface à La
Phénoménologie de l'esprit et intitulé De la (re)connaissance scientifique.
On commentera ici pas à pas ce texte philosophique capital et difficile
voire parfois illisible, exception faite des paragraphes qui confèrent à La
Phénoménologie de l'esprit, appelée alors la " première partie " du
Système, la signification d'une introduction à ce dernier. Dans la
structure finale de son ?uvre, celle de L'Encyclopédie des sciences
philosophiques, Hegel contestera en effet la valeur propédeutique de son
ouvrage de jeunesse et intégrera ses différents chapitres à l'intérieur du
système. Le fait qu'il ait envisagé à la fin de sa vie une réédition en
l'état de celui-là -désigné néanmoins clairement comme un " en préalable
(Voraus) [en-avant ou en-dehors], à la Science "- ne change rien à
l'affaire mais prouve qu'il ne le jugeait pas indigne. A l'instar des
grandes ?uvres passées, il témoigne d'une tentative éminemment respectable
de l'élaboration de la Philosophie, même si son auteur dénoncera "l'absolu
abstrait [qui] dominait alors" dans la Préface[1] -ce qui justifie d'autant
la nécessité d'une explication ou explicitation de celle-ci. On laissera
également de côté le long passage polémique, dirigé contre Schelling,
passablement vieilli aujourd'hui.

A. « Préface »

En philosophie, comme en toute autre discipline, il faut bien commencer,
étant entendu qu'on ne la possède pas d'emblée ou immédiatement. C'est même
la chose la plus importante, dans la mesure où elle prédétermine le cours
du reste.
" Le commencement est en toute ?uvre ce qui importe le plus " (Platon[2]).
En tant que telle elle risque d'apparaître comme la plus difficile ou
problématique, pré-supposant la connaissance de toutes les autres.
" La dernière chose qu'on trouve en faisant un ouvrage, est de savoir celle
qu'il faut mettre la première."


(Pascal[3])
Aussi convient-il de s'assurer que le dit commencement soit un « bon »
commencement et qu'il ne se limite pas, comme c'est le cas dans une préface
ordinaire, à des considérations préliminaires générales ou vagues sur le
but poursuivi, les circonstances de la naissance du livre et le rapport
qu'il entretient avec d'autres livres similaires.

Pris tels quels, sans leur justification -pourquoi ce but et pas un
autre ? à quoi tiennent les circonstances invoquées ? quelle est la
nécessité des autres ?uvres ?-, ces préalables s'avèrent gratuits ou
inutiles et par là-même inadéquats à la chose philosophique.
" L'élucidation, préalable à son ?uvre, que donne ordinairement l'auteur
dans une préface -sur le but qu'il s'est proposé, autant que sur les
circonstances et le rapport que lui paraît soutenir son ?uvre à l'égard des
traités autres ou contemporains sur le sujet- paraît, dans le cas d'une
?uvre philosophique, non seulement superflue, mais encore en raison de la
nature de la chose même, impropre et inadaptée."
De telles considérations débouchant sur " un aperçu historique ... une
enfilade d'assertions et de convictions éparses sur le Vrai " qui ne
correspondent point au " genre et mode de présentation de la vérité
philosophique " ou, plus généralement, de la vérité tout court qui se doit
de tout démontrer.

Sous prétexte que celle-ci vise une vérité universelle qui englobe
forcément les vérités particulières, on finit par s'imaginer qu'il suffit
d'exprimer sa fin ou ses derniers résultats pour disposer de celle-là, sans
qu'on se mette en peine de l'articuler dans son détail.
" En outre puisque la philosophie est essentiellement dans l'élément de
l'universalité qui inclut en soi le particulier, il peut sembler qu'en elle
plus que dans les autre sciences, la chose même, et dans la perfection de
son essence, se trouverait exprimée dans le but ou les derniers résultats,
en regard de quoi l'exposé serait proprement l'inessentiel."
En philosophie on pourrait se contenter de vérité(s) ultime(s) sans être
tenu à la spécification, contrairement aux sciences positives où compterait
voire primerait la connaissance du particulier, hors de laquelle on aurait
l'impression d'être en présence de généralités vides.
Au contraire dans la représentation générale de ce qu'est par exemple
l'anatomie, à savoir la connaissance des parties du corps considérées en
dehors de leur être-là vital, on est convaincu qu'on ne possède pas encore
la chose même, le contenu de cette science ; mais qu'il faut en outre
prendre en considération attentive le particulier."

En fait dans de telles disciplines, où le détail (particulier) n'est pas
déduit du général (universel) et qui, pour cette raison, ne sont pas
proprement scientifiques, il y a congruence entre la manière non
systématique dont on parle du dessein général et la méthode descriptive-
historique plutôt que rationnelle dont on traite le contenu. Une préface ou
des préambules non justifiés n'y sauraient donc choquer. Rien par contre de
plus inadéquat qu'une telle démarche dans une matière qui ambitionne la
saisie d'une vérité absolue : systématique ou totale.
" De plus, dans un tel agrégat de connaissances qui n'a pas droit au nom de
science, une causerie sur le but et des généralités de cet ordre n'est pas
ordinairement différente du mode historique et non conceptuel, selon lequel
aussi on parle du contenu lui-même, ces nerfs, ces muscles, etc. Mais dans
le cas de la philosophie, l'inadéquation résulterait de l'usage d'un tel
procédé, dont la philosophie elle-même montrerait qu'il est incapable de
saisir la vérité."

Présupposant de surcroît, dans sa comparaison entre son ?uvre et les
traités autres, une rigide " opposition du vrai et du faux ", cette façon
de procéder postule une incompatibilité des systèmes philosophiques, ne
voulant voir dans la diversité que la contradiction, en lieu et place d'une
éventuelle progression.
" Elle ne conçoit pas la diversité des systèmes philosophiques comme le
développement progressif de la vérité, mais dans la diversité elle voit
seulement la contradiction."
Ne croyant pas, par avance, à l'existence voire à la possibilité même de la
philosophie, qu'elle assimile à une juxtaposition de doctrines, elle ne
saurait a fortiori y introduire valablement.

La « nature » nous montre pourtant déjà que la diversité n'est pas
fatalement exclusive de l'unité, ou que la contradiction n'est pas purement
et simplement synonyme d'annulation, ainsi dans l'exemple, fût-il
approximatif, de la plante et de son développement[4], où l'on voit que
différentes formes, tout en se refoulant les unes les autres, n'en
constituent pas moins toutes les étapes, chacune indispensable, d'un seul
et même processus.
" Le bouton disparaît dans l'éclosion de la fleur, et on pourrait dire que
le bouton est réfuté par la fleur ; de même par le fruit la fleur est
dénoncée comme un faux être-là de la plante ; et le fruit prend la place de
la fleur comme sa vérité. Ces formes ne sont pas seulement différentes,
mais encore elles se refoulent comme mutuellement incompatibles. Mais leur
nature fluide en fait en même temps des moments de l'unité organique dans
laquelle l'une est aussi nécessaire que l'autre et cette égale nécessité
constitue seule la vie du Tout."
Similairement on pensera les philosophies comme les moments d'une unique
Philosophie, dans laquelle on n'entre pas par effraction de l'extérieur,
mais qui ouvre d'elle-même sa propre possibilité, sans travaux
d'aménagement préalables.

Car un véritable dé-but ou une vraie intro-duction - préface ne devrait
rien présupposer mais justifier ce qu'il pose, à commencer par le but même
qu'il s'assigne. L'affirmation d'un projet, fût-il commun, de la
philosophie ne suffit point en effet à déterminer la nature de celle-ci et
à en exhiber la validité. Tant que l'on n'indiquera pas le chemin -méthode
ou moyen- qui conduit à sa réalisation, ce dernier demeurera un but
seulement déclaré, autant dire une prétention vide. Un but authentique
aurait-il un sens disjoint du moyen rendant possible son accomplissement,
c'est-à-dire la transformation d'un dessein envisagé en résultat effectif ?
Et pour que ce résultat ne se résume point à son tour en de simples
assertions, il importe que lui-même ne soit pas séparé du cheminement, id
est de la démonstration qui l'a permis.
" Ce n'est pas dans son but en effet que la chose est épuisée, mais dans
son exécution. Le résultat non plus n'est pas le tout effectif, il ne l'est
que quand il est pris avec son devenir : le but pour soi est l'universel
sans vie, de même que l'impulsion qui manque encore de son effectivité, et
le résultat nu est le cadavre qui a laissé l'élan derrière lui."
Correctement appréhendé, le commencement et/ou le but est inséparable du
moyen et de la fin ou résultat : le contenu de la connaissance fait un avec
sa forme ou, ce qui revient au même, le vrai, but même de la connaissance,
est intérieur au savoir ou à la méthode qui le démontre.

Partant la Chose philosophique ne peut se concevoir que sous la forme
d'un système. Son but ou objet, la connaissance du Vrai, étant
indissociable du savoir qui le vérifie, il se confond nécessairement avec
son procès même, sous réserve qu'il s'agisse d'un procès systématique, soit
total ou véritable, qui épuise l'intégralité du pensable. Ce