Concours de nouvelles - La Gribouille

Trente minutes plus tard, il arrivait au sixième virage, le dernier avant la Pierre
Percée. ...... Ma vie, je l'ai vécue comme une traversée, sans voir les années
défiler. .... Nous révisions nos exercices ensemble, et au bout de quelques mois
à ...... Le médecin, dans un anglais hésitant, m'expliqua qu'on m'avait retrouvé
sur le ...

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Concours de nouvelles
2011
L'Université Inter-Âge du Dauphiné de La Mure, la librairie
Gribouille de La Mure, le réseau Matacena, composé de la médiathèque de La
Mure et des bibliothèques de la Matheysine (La Motte-d'Aveillans, Pays-de-
Vaux, Susville), la Bibliothèque Abbaye les Bains à Grenoble et la MJC
Abbaye de Grenoble, organisent un concours de nouvelles ouvert à tous, à
partir de 15 ans, sur le thème : Traversée
-La nouvelle étant un genre littéraire, une narration brève
comportant peu de personnages, autour d'un temps fort.- Elle devra contenir obligatoirement les 12 mots suivants, répartis
dans le texte, dans n'importe quel ordre, au singulier ou au pluriel :
Quarante, dédale, quai, poing, élan, mue, chinois, lien, appareil,
clou, trois cents, escalier. La participation est gratuite. La nouvelle de 2500 mots maximum - une seule nouvelle individuelle
par concurrent- comportera un titre et sera adressée sous forme d'un
dossier informatique Word (police : Times New Roman / corps 14) à l'adresse
e-mail suivante : 2011.nouvelles@gmail.com Avant le dimanche 8 Mai 2011 à minuit,
Afin de préserver l'anonymat des auteurs, il sera demandé un second
dossier informatique envoyé à la même adresse e-mail, mentionnant le nom et
l'adresse de l'auteur, ainsi que le titre de la nouvelle.
Le mercredi 15 Juin 2011 à 19 heures, les prix seront remis à la
médiathèque La Matacena, à La Mure (14 Rue Bon Repos), lors d'une lecture-
spectacle animée par Charles Tordjman, comédien et lecteur à voix haute
professionnel, qui lira les trois nouvelle primées.
1er prix: une sélection de livres 2eme prix : adhésion à une activité à la MJC de l'Abbaye de Grenoble
ou à un cours (au choix : Philosophie, Littérature française, ou Histoire
et cinéma) de l'UIAD de La Mure. 3eme prix : adhésion au réseau des bibliothèques municipales de
Grenoble ou de La Mure Tous les participants sont d'ores et déjà invités; ce règlement
tenant lieu d'invitation.
Les gagnants ne seront pas avertis à l'avance. Renseignements : josette.trierweiler@wanadoo.fr
La participation au concours implique l'acceptation de ce règlement
1er Prix
Frédéric Carle
La traversée Nous étions ce soir-là réunis chez Jean-Jacques, un ami qui
réside depuis toujours dans le centre de Grenoble. Il était environ 23
heures et, le repas achevé, nous nous étions installés sur les canapés où
une superbe Chartreuse jaune nous avait été servie. L'alcool aidant, l'un
d'entre nous, Bertrand, s'était mis à nous parler de sa "traversée du
désert", la perte de son fils unique, puis, comme pour ne pas le laisser
seul avec ses idées noires, chacun se mit à évoquer une période sombre de
sa vie. Luc bien sûr se mit à raconter ses deux ans de chômage, Karine son
divorce, Myriam son cancer du sein. Autant d'histoires que nous
connaissions déjà. Seul Jean-Jacques n'avait encore rien dit. Mais lorsque
Bertrand lui demanda d'évoquer les pires jours de son existence, celui-ci
se retourna vers moi et me demanda de devancer son récit. Surpris, je ne
sus tout d'abord rien dire. En fait je ne voyais aucune anecdote, aucune
histoire digne de captiver l'attention de mes amis. Je réfléchis quelques
instants puis je leur répondis :
- Je crois bien être l'homme le plus heureux de la terre et je n'ai
heureusement vécu aucune traversée du désert...
- Tu plaisantes, me coupa Luc, on a tous été malheureux un jour !
- Laisse-moi finir... Moi comme ça à brûle-pourpoint je ne vois pas
quoi vous dire. Mais j'ai un ami qui m'a un jour raconté une histoire qui
je crois pourrait compléter les vôtres. C'est disons une sorte de
traversée...
- On le connaît cet ami ? demanda Myriam.
- Je ne crois pas. Il s'agit d'un ami d'enfance, Pierre. Aujourd'hui
il habite dans le Vaucluse, près de Carpentras, mais à l'époque il était
pharmacien à La Motte d'Aveillans. Vous savez tous où se situe ce gros
village ? Bon. Cette petite aventure s'est déroulée en 2001. Facile de se
souvenir avec les attentats du 11 septembre. C'est l'hiver qui a suivi ce
drame. Pierre venait d'avoir quarante-quatre ans. Il était marié à Méline,
une femme belle et vraiment charmante qui était institutrice. Ensemble ils
avaient eu deux enfants, deux garçons dont l'un vivait encore chez eux.
Eric était collégien. Jules était lycéen dans un internat de la région
grenobloise. La pharmacie était paisible, prospère. Le travail ne manquait
pas dans ce pays encore pauvre où la santé des gens reflétait leur niveau
social. Et la parapharmacie commençait à se développer. Le bonheur
bourgeois, quoi...
C'était un samedi du mois de décembre. Ce matin-là, son commerce
était resté ouvert et Pierre avait travaillé normalement. Le temps était
exécrable pourtant. Un vrai temps de Matheysine, comme on dit par là-haut,
avec la bise, la neige et une bonne température de -10° -12°. L'hiver comme
on en rêve. À midi, Pierre était rentré chez lui pour déjeuner. Il habitait
à environ un kilomètre de la pharmacie. Comme il ne faisait pas beau, il
n'avait pas pris sa voiture et était rentré à pied. Il avait mangé
tranquillement avec les siens. Comme d'habitude, Jules, son fils aîné,
était venu passer la fin de semaine en famille. Le repas terminé - ils
avaient mangé vaguement « chinois », des nems et autres denrées exotiques -
Pierre but son café et dit à sa femme et à ses fils :
- Je vais faire un tour à la Pierre Percée, qui vient avec moi ?
- Avec ce temps ? T'es malade !
Le cri avait été unanime et l'on n'aurait pas pu désigner
l'auteur de cette exclamation.
- Bon, c'est quand même pas le Pôle Nord ! Un anorak et des raquettes
aux pieds et puis c'est marre. Alors, personne ?
- Vas-y seul, lui répondit sa femme. Je reste au chaud.
- Et toi, Juju, un peu de sport, non ?
- Tu sais je me suis couché tard cette nuit, et puis je suis nase, un
début de crève, je crois.
- Moi j'ai des devoirs ! rigola Eric, le plus jeune.
- Tu parles ! Eh bien comme dit Poil de Carotte à sa famille : « Tant
pire pour vous ! ».
Là-dessus Pierre était allé se préparer, avait descendu les escaliers
qui menaient au garage pour prendre ses raquettes à neige et son sac, et il
était sorti, prêt à affronter le froid. Il adorait ces conditions
climatiques. Et surtout aller à « La Pierre » par ce temps. Comme
d'habitude, il coupa par la gare dont il longea l'unique quai avant de
rejoindre la rue principale, puis marcha en direction de la Festinière et
tourna à gauche pour rejoindre le lieu-dit La Roche Corbeyre où il enfila
ses raquettes. La route s'arrêtait là. Et là commençait le chemin, la
partie la plus difficile, assez pénible même avec cette neige qui mesurait
bien déjà trente centimètres et ce vent qui soufflait du Nord. Il l'avait
de pleine face dans sa progression et peinait à ouvrir les yeux. C'est ce
qu'il préférait pourtant, sentir les grains de neige comme mille petits
clous qui tentaient de lui transpercer la peau du visage.
Trente minutes plus tard, il arrivait au sixième virage, le dernier
avant la Pierre Percée. Mais le brouillard et la neige qui tombait à
l'horizontal ne lui permirent pas de l'apercevoir. Il restait environ dix
ou douze minutes de marche, dans la pente la plus raide du parcours,
toujours face au vent. Ses doigts étaient un peu gelés mais Pierre était
radieux, heureux une fois de plus de se croire au sommet du Mont Blanc ou
de l'Everest. Il n'avait jamais fait de hautes montagnes et était persuadé
de ne jamais en faire. Ce n'était pas dans sa culture et il était bien trop
peureux pour ça. Alors il se contentait de ce succédané, de ces grimpettes
hivernales vers « La Pierre », trois cents mètres de dénivelé jusqu'à 1230
mètres d'altitude, avec vue panoramique sur la Matheysine, le massif du
Dévoluy et la barre du Vercors qu'aujourd'hui bien sûr il ne verrait pas
parce qu'on n'y voyait pas à quinze mètres. Il marcha donc, le souffle
court à cause du vent, et dans un dernier élan il courut quelques secondes
pour enfin apercevoir ce drôle de rocher troué en son milieu qui semblait
toujours un peu irréel, monstre posé là sur cette colline pelée par les
rafales. Pierre avança encore jusqu'à toucher le tuf sur lequel la neige
s'accrochait, pénétrant la moindre anfractuosité. Il resta ainsi, abrité
par l'imposante roche qui le protégeait un peu des bourrasques, puis ôta
l'un de ses gants et sortit son petit Kodak. Il repartit alors, marcha
quinze pas et se retourna pour photographier cet être minéral noyé sous la
tempête de neige. Le vent, dans son dos, le traversait littéralement. Ses
doigts étaient déjà gelés et vite il rangea l'appareil, remit son gant et
sa main dans sa poche, poing fermé pour retrouver un peu de chaleur perdue.
Il se demandait toujours quel était ce lien mystérieux qui l'attirait dans
ce lieu certes unique mais pas grandiose non plus. Dans le dédale
inextricable de toutes les explications possibles, la plus solide, d'après
lui, restait son attachement à ses ancêtres. Ses arrière-grands-parents
avaient joué sur ces pentes, avaient comme lui touché cette pierre, avaient
joué à escalader ses flancs calcaires, et lui, aujourd'hui, continuait
cette tradition, comme un prolongement de ces hommes et de ces femmes