géographie socioculturelle - Hal

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Lafaye C., (1996) La sociologie des organisations, Nathan, Coll. ..... et la
coordination de diverses activités sur la base d'une étude précise des ... tâches
correspondantes; 2°) La protection des fonctionnaires dans l'exercice ......
Document n°107.

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Collection Logiques Sociales
Dir. Bruno Péquignot
Géographie socioculturelle
Yves Raibaud
[pic]
Préface de Guy Di Méo
L'Harmattan - 2010
Ce livre résume les trois tomes du mémoire de l'habilitation à diriger
les recherches, soutenue le 3 décembre 2009 à la Maison des Suds, Pessac
(33), sous la présidence de Guy Di Méo, géographe, professeur des
Universités, Bordeaux, et en présence de Jean-Pierre Augustin, géographe,
professeur à l'université de Bordeaux, Sylvette Denèfle, sociologue,
professeure à l'Université de Tours, Louis Dupont, géographe, professeur
à l'Université de Paris Sorbonne, Raymonde Séchet, géographe, professeure
à l'université de Rennes, Alain Vuilbeau, sociologue, professeur à
l'université de Paris Ouest Nanterre La Défense.
Je remercie tout particulièrement Jean-Pierre Augustin pour son écoute
et ses conseils, lui qui a su accompagner mon travail durant ces années
de transition entre une première vie professionnelle et la carrière
universitaire que je mène actuellement.
Crédit photos couverture et 4° de couverture : Yves Raibaud.
Préface
(Guy Di Méo)
Introduction
Géographe, enseignant dans un IUT Carrières sociales de l'Université de
Bordeaux, je me suis souvent demandé si ce que j'y faisais était bien de la
géographie. Certes j'ai obtenu une thèse et une habilitation à diriger des
recherches dans cette discipline. Cependant, à la différence de la plupart
de mes collègues, je ne suis arrivé à la géographie que tard, après un
parcours professionnel varié dans le domaine de la culture (musicien,
directeur d'un centre culturel puis d'une école municipale de musique et de
danse) et du travail social (responsable d'un centre de formation, d'aide à
l'emploi et d'insertion par l'économique). Mes objets de recherche sont
donc apparus dans ma vie longtemps avant la géographie. Cela ne veut pas
dire que je n'utilisais pas déjà, avec mes collègues engagés dans la vie
locale, des références empruntées çà et là au langage de la géographie
humaine, de l'aménagement du territoire ou de l'analyse spatiale. Comment
ne pas parler de géographie lorsqu'on explique la musique irlandaise à un.e
élève violoniste ou le chant gospel à une chorale ? Lorsqu'on essaie de
convaincre les élu.e.s de l'intérêt d'un projet de pays en réinventant
l'histoire régionale? Lorsqu'on travaille sur la mobilité de jeunes du
milieu rural en les envoyant faire des stages professionnels à l'étranger
grâce à des programmes européens?
Le décalage observé entre cette géographie "spontanée" et les
représentations cartographiques sont toujours spectaculaires: la principale
réalité géographique proposée pour l'Entre-deux-Mers bordelais où
j'habitais n'était-elle pas un terroir viticole entre deux fleuves?... Au
coeur d'une région Aquitaine partagée entre ruralité, tourisme et industrie
de pointe ?... Dans une France tempérée, de culture majoritairement
catholique ?... Au sein d'une Europe historique, s'arrêtant pile au
Bosphore mais aux frontières floues du côté des plaines ukrainiennes ?
Comment rendre compte d'un autre "réel" géographique, celui des
associations et des petites entreprises, des migrant.e.s[1], des bals et
des fêtes, de la violence sur les terrains de foot, de la démocratie locale
auquel nous nous confrontions tous les jours ? Tel Google Earth, fondant
sur son objectif par le miracle d'un clic de souris, la toute puissance du
"géographieur" est parfois accablante pour le "géographié", qui peut avoir
le sentiment qu'on lui dénie la capacité de connaître "réellement" son
environnement.
J'hébergeais pour quelques temps un camerounais de Yaoundé venu faire ses
études en France. Ma fille de 7 ans était venue l'interroger un soir, un
livre sur l'Afrique destiné aux enfants à la main. Ce livre finissait par
un "quizz" qu'elle avait décidé de faire passer à notre ami, assurée que la
couleur de sa peau lui vaudrait une performance exceptionnelle. Une des
questions était: "Combien de temps faut-il chaque jour à une femme
africaine pour rapporter l'eau à sa famille ?". Ce à quoi Jean-Marie
répondit que pour avoir l'eau, sa mère tournait le robinet de son évier,
comme le reste de la famille qui, pour cela, n'avait pas besoin d'elle. "
Tu as faux", dit la petite, "c'est 3 heures qu'il fallait répondre". Il est
vrai que Yaoundé n'est pas vraiment l'Afrique, puisqu'il n'y a ni lion, ni
éléphant...
Plus qu'une autre façon de représenter l'espace, c'est donc d'une autre
manière de faire la géographie qu'il s'agit. Peut-être cela commence-t-il
par un soupçon: à qui profite la géographie ? Le monde qu'elle prétend
décrire ne serait-il pas le monde qu'elle entend construire ? Bien sûr il
ne faut pas abuser du complot, mais un peu de critique est toujours
salutaire...
Avant de proposer quelques pistes de réflexion sur le projet de
"géographie socioculturelle", finalité de ce livre, il sera nécessaire de
faire un retour sur l'histoire récente de la géographie. Alors qu'elle
était en plein développement dans les années 1980, la géographie sociale
(l'aile gauche de la géographie française de l'après 1968, adversaire
autant d'une géographie "régionale" d'inspiration vidalienne que d'une
modélisation excessive dans l'analyse spatiale des grands ensembles
politiques et économiques) semble aujourd'hui marquer le pas. Victime de
son succès, dû en grande partie aux nouveaux objets qu'elle y avait
introduits (la pauvreté, l'école, les élections, les déchets), se serait-
elle dissoute dans la géographie ? Aurait-elle été victime d'un "tournant
culturel" de celle-ci ? Mais peut-être est-ce le monde qui change et pas
seulement la façon de faire la géographie ?
Je me propose donc d'interroger ces courants dominants de la géographie
française et étrangère (en particulier anglosaxonne) à partir de thèmes de
recherche qui m'ont accompagné dans ma transition professionnelle vers
l'université : la musique, le genre (les rapports de sexe), l'ethnicité.
Ces sujets ne semblent pas relever d'emblée du domaine de la géographie,
même sociale. Il est pourtant aisé de comprendre le rapport entre la
production musicale de masse et la mondialisation ou entre le flamenco et
les projets de développement local en Andalousie. Il n'est pas impossible
d'imaginer une carte du monde des législations plus ou moins tolérantes à
l'égard du mariage homosexuel ou l'avortement; de concevoir que la couleur
de la peau, la barbe ou le voile continuent de créer des frontières au
coeur des villes du XXIème siècle. Mais ces sujets ont aussi l'avantage
d'introduire une autre façon d'aborder la géographie, celle qui s'intéresse
aux sens, à l'émotion, à l'intime, à l'identité. Les trajectoires des
individus dans l'espace et les places qu'ils occupent sont orientées par
des affects autant que par des contraintes extérieures, sociales,
culturelles ou économiques. Quels sont les rêves des migrants qui
s'embarquent vers l'Europe sur de fragiles embarcations ? Quelles peurs
empêchent les femmes de circuler à partir d'une certaine heure dans les
rues des grandes villes? Quels désirs poussent les vacanciers vers les
plages, les jeunes mélomanes vers les festivals d'été ?
Redonner sa place à la "personne" dans ce projet géographique ne signifie
pas refuser de comprendre comment les individus s'agrègent pour faire
société et occuper collectivement l'espace. C'est donner acte à chacun de
sa capacité à ressentir, comprendre et parfois choisir sa place dans le
monde. C'est aussi instruire le procès d'une géographie surplombante et
déterministe qui naturalise l'organisation de l'espace et ne considère
l'individu que comme le produit du contexte et de l'environnement au sein
desquels il évolue.
N'oublions pas le lourd passif de la géographie: science des conquêtes
militaires, de la colonisation, de la mondialisation des modèles
économiques, de l'aménagement du territoire "par le haut". Introduire de
nouveaux objets dans la logique d'une science sérieuse, cartésienne,
dominatrice, dont les objets centraux ont été et sont encore les grandes
zones industrielles, la géopolitique, le climat, la démographie, participe
du principe de sérendipité (Merton, 1949) : il s'agit de stimuler la
créativité en poursuivant des objectifs qui semblent étrangers au champ
scientifique initial. Cela permet tout d'abord de discuter le tri qui
écarte de la recherche universitaire certains objets au profit d'autres qui
apparaissent plus importants. Mais c'est se donner également la possibilité
de revenir à ces objets "importants", "sérieux" avec d'autres modèles. La
gigantesque réalité économique de la fête de Noël (des millions de sapin
coupés, de dindes sacrifiées, des usines de jouets fonctionnant nuit et
jour en Chine, des contrats de travail pour des milliers de pères Noëls
intermittents du spectacle) ne peut pas faire l'économie de la légende qui
la précède: un Saint Nicolas barbu qui apportait des friandises aux petits
bavarois du 19° siècle, devenu plus tard un père Noël américain a