Chapitre 7 : Du rôle dans la décision à la place dans l'institution
1.1.1. La médiation comme technique de règlement des conflits ... concerne les
procédures d'information du public, les lieux de réalisation de la médiation, ... L'
institutionnalisation et la professionnalisation d'une part, l'exercice par des
citoyens .... Des auteurs comme Michèle Guillaume-Hofnung[36] ou Jean-
François Six ...
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La médiation familiale : entre Institutionnalisation et recherche de son
public
Laurence Dumoulin
Nombreux sont les auteurs qui notent le recul d'un droit matériel
imposé au profit d'un droit procédural négocié[1]. Au contenu serait
substituée la forme, comme en attesteraient le développement et
l'institutionnalisation des pratiques transactionnelles telles que la
médiation, la conciliation ou l'arbitrage. S'agissant du champ judiciaire,
différentes formes de justice négociée, faisant intervenir des acteurs
spécifiques, sont apparues depuis les années 1980. La médiation familiale,
en particulier, a été mise en ?uvre dans les situations de rupture
conjugale pour promouvoir l'élaboration conjointe et non conflictuelle
d'une solution aux crises conjugales. Or, plus de vingt ans après son
introduction en France et dans la continuité de sa reconnaissance légale
par l'instauration de médiations judiciaires[2], ce mode alternatif de
règlement des conflits est engagé dans une phase de reconnaissance
institutionnelle. C'est parce qu'elle se présente comme un mode de gestion
de la rupture et de préparation de l'après-rupture susceptible de maintenir
le lien familial, de permettre la survie du couple parental au couple
conjugal qu'elle a été incluse dans les réflexions sur le droit de la
famille.
Un rapport prospectif sur la médiation familiale, présentant un
certain nombre de propositions relatives à l'organisation de cette activité
a fourni le canevas des mesures adoptées afin de promouvoir la médiation
familiale. C'est le processus préalable à la rédaction du rapport qu'il
nous a été donné d'observer en assistant aux auditions de personnalités
compétentes, aux débats avec les principales associations de promotion de
la médiation familiale, avec les partenaires institutionnels qui
soutiennent déjà ce type d'activités (Caisse nationale des allocations
familiales...) et aux réunions plénières du groupe de travail installé pour
accompagner la réalisation du rapport[3].
La consultation des différents acteurs et praticiens a donné à voir
leurs positionnements, les avis divers voire contradictoires exprimés à
propos de la possible structuration de l'activité et de son rapprochement
de l'institution judiciaire. C'est autour de ces positions contrastées et
des enjeux qui les motivent que nous souhaiterions avancer quelques
réflexions.
Sont en effet apparues, au fil du processus de consultation,
d'importantes lignes de fractures, des sous-ensembles plus ou moins
homogènes qui méritent d'être explicités parce qu'ils structurent
profondément le champ. Différentes définitions de ses fondements
conceptuels et de son utilité sociale coexistent à l'intérieur de la
communauté des praticiens. Elles dessinent des scénarios divergents pour
l'avenir de cette activité et de ceux qui la mettent en ?uvre (1). Mais en
dépit de cette hétérogénéité, l'ensemble du discours interne sur la
médiation familiale alimente une même vision - à la fois enchantée et
normative - du conflit et de la famille. Cette foisonnance du discours sur
la médiation familiale contraste avec la place encore réduite de ce mode de
règlement des conflits dans les pratiques concrètes. On voudrait dès lors
souligner la singularité de cet objet. La médiation familiale, activement
promue par ses praticiens, progressivement institutionnalisée par les
pouvoirs publics, ne touche en fait qu'un public quantitativement restreint
et sociologiquement étroit (2). I / Les enjeux de la définition d'une pratique La médiation familiale, comme les autres formes de médiation, est
écartelée entre différentes visions de ce qu'elle doit être, de ce à quoi
elle peut servir et de comment elle doit évoluer. Aussi nous attarderons-
nous d'abord sur les différentes représentations de la médiation familiale,
telles qu'elles peuvent apparaître dans les auditions et documents produits
dans le cadre du groupe de travail mais aussi dans la littérature
disponible. Mais son positionnement par rapport à l'objet et au champ de la
famille est également l'objet de débats et de divergences sur lesquels on
reviendra. 1.1. La médiation familiale, entre technique et philosophie En grossissant le trait, on peut repérer trois grandes visions de la
médiation. On aura bien soin de garder à l'esprit qu'il s'agit là d'une
typologie forcément réductrice puisqu'elle souligne les caractéristiques de
chaque catégorie créée. Le point commun entre tous semble se résumer à
l'existence d'un tiers entre les personnes, en l'occurrence le médiateur,
invariablement présenté comme neutre et impartial, indispensable pour
mettre en ?uvre la médiation. En revanche, la question du déroulement
concret, des fonctions et du rôle de la médiation fait l'objet
d'appréciations et de pratiques contrastées. Par ailleurs, ces conceptions
sont plus ou moins finalisées vers une pratique et une utilisation sociale
concrète. Assez logiquement, c'est la conception la plus directive, celle
qui est le plus directement en prise sur un objectif concret et
immédiatement parlant, qui est aussi la plus communément développée parmi
les praticiens et au-delà dans la "société civile" (médias, grand
public...). C'est par elle, la plus "évidente" et la plus courante, que
nous commencerons. 1.1.1. La médiation comme technique de règlement des conflits De nombreux auteurs et praticiens se reconnaissent dans une conception
pratique, concrète de la médiation : c'est un mode de règlement des
conflits qui permet de faire émerger des solutions à des situations de
désaccord, de tension, voire d'affrontement entre des personnes, plus ou
moins finalisé vers un objectif concret de réorganisation de la vie
familiale. « La médiation est une méthode pour mieux gérer les
conflits. »[4]. Elle « requiert des techniques grâce auxquelles le
médiateur va aider les parties à traiter le conflit qui les oppose » [5]
La médiation peut intervenir de façon autonome à l'initiative des
individus et en dehors de toute procédure judiciaire lorsqu'ils sentent
émerger des difficultés. Elle se distingue du mode judiciaire d'une triple
façon : d'une part, en ce qu'elle implique un tiers neutre, ne disposant
pas de pouvoir sur ceux qui le sollicitent ; d'autre part en ce qu'elle
traite le conflit à la racine et non seulement dans ses expressions
concrètes[6] ; enfin en ce qu'elle se fonde non sur le principe de
l'affrontement, du gagnant / perdant mais au contraire sur celui du
dialogue, de l'écoute et de la construction de l'accord.
Mais la médiation peut aussi être mise en ?uvre alors que le conflit
est porté devant la Justice. Il s'agit alors de médiation judiciaire[7], et
l'intérêt réside précisément dans la complémentarité avec le règlement
judiciaire. Cette « autre justice »[8], cette « justice douce »[9] s'adosse
à la justice traditionnelle, elle la complète en proposant une autre façon
de considérer et de résoudre le conflit. Très présente lors des débuts de
la médiation familiale en France, cette vision est aujourd'hui moins
affirmée dans les discours mais toujours présente dans les pratiques via
les médiations et conciliations judiciaires. Elle conduit à assimiler
fortement la médiation avec d'autres modes alternatifs de gestion des
conflits (conciliation, arbitrage...) en insistant notamment sur la notion
commune de négociation. « La médiation familiale est un processus qui tend
vers le règlement à l'amiable des conflits familiaux. »[10] « Il s'agit
d'une négociation entre parties adverses en présence d'une tierce partie,
neutre, dont le rôle est de faciliter la recherche d'une solution au
conflit.»[11]
Récupérée dans le cadre judiciaire, la médiation tend à être intégrée
dans les modes de négociation de l'accord traditionnellement répertoriés et
mis en ?uvre au sein de la Justice. Ainsi, pour la Chancellerie, « la
médiation s'inscrit dans le champ plus vaste des modes alternatifs de
règlement des litiges. Ces modes correspondent à toutes les formes de
traitement non juridictionnel des conflits, qu'ils interviennent avant ou
après la saisine d'un tribunal, et impliquent l'intervention d'un tiers. »
[12]
Dans cette logique de gestion des problèmes et de solution des
conflits, l'accent est surtout mis sur le règlement de la rupture conjugale
et de ses conséquences, même s'il s'agit peut-être autant d'une volonté de
pragmatisme que d'un parti pris théorique ou conceptuel. Ce sont les
aspects matériels et concrets de la séparation qui sont visés[13]. Assez
logiquement, les institutions qui utilisent la médiation, ont tendance à se
caler sur cette réalité. La CNAF par exemple fonctionne sur une définition
de la médiation familiale centrée exclusivement sur la dimension de
séparation conjugale[14].
Du point de vue des modalités pratiques, la médiation est toujours
décrite comme une relation entre le tiers médiateur et les individus
concernés par la médiation (« Monsieur » et « Madame » le plus souvent).
S'il y a accord sur ce triangle de la médiation, les autres aspects
concrets (durée, nombre et coût des séances...) suscitent des pratiques
variables. Il ne se dégage d'ailleurs pas non plus de modèle unique en ce
qui concerne les procédures d'information du public, les lieux de
réalisation de la médiation, les liens avec la Justice et le personnel