Les langues dans les politiques d'intégration des adultes migrants

En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des travailleurs migrants et de leurs
familles à la protection et à l'assistance sur le territoire de toute autre Partie, les
..... C'est les pervertir profondément que d'en faire des moyens d'exclusion : pas
davantage que l'édit de l'empereur Caracalla (212), par lequel la citoyenneté ...

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Les langues dans les politiques d'intégration des adultes migrants Présentation du Documentation d'orientation au Séminaire international L'intégration linguistique des migrants adultes - 26-27 juin 2008,
Strasbourg Jean-Claude Beacco Professeur, Université de la Sorbonne nouvelle Le Document d'orientation a pour finalité de guider les Etats membres dans
leur mise en oeuvre des principes politiques du Conseil de l'Europe
s'appliquant à la migration, et plus particulièrement aux compétences
linguistiques des personnes migrantes ou immigrées. 1. Des principes à leur mise en oeuvre Ces principes sont régulièrement réaffirmés, par exemple par la Déclaration
du 3° Sommet à Varsovie qui recommande aux Etats membres de mettre en place
des actions destinées à « promouvoir le dialogue interculturel, encourager
la tolérance et garantir l'intégration des communautés immigrées dans les
pays d'accueil » (point 4.2 de la Résolution 1511 (2006) de l'Assemblée
parlementaire). Parmi les textes concernés on retiendra des normes en
matière des droits de l'homme comme, par exemple, les paragraphes 11 et 12
de l'article 19 de la Charte sociale européenne révisée (3-5-1996) : Article 19 - Droit des travailleurs migrants et de leurs familles à
la protection et à l'assistance En vue d'assurer l'exercice effectif du droit des travailleurs
migrants et de leurs familles à la protection et à l'assistance sur
le territoire de toute autre Partie, les Parties s'engagent à :
[...] 11. favoriser et à faciliter l'enseignement de la langue nationale de
l'Etat d'accueil ou, s'il y en a plusieurs, de l'une d'entre elles aux
travailleurs migrants et aux membres de leurs familles; 12. favoriser et à faciliter, dans la mesure du possible, l'enseignement
de la langue maternelle du travailleur migrant à ses enfants. Un consensus s'est établi sur des valeurs pour guider les politiques
linguistiques en direction des adultes migrants. Mais il existe toujours
des interprétations divergentes des dispositions prises dans ce domaine par
chaque Etat membre quant à la conformité de ces décisions à ces principes
ou leur efficacité par rapport aux finalités communes. Ce séminaire a,
entre autres, pour fonction, de faire expliciter de tels points de vue et
de clarifier les argumentations en faveur de telle ou telle décision
nationale/régionale. Car, si la bonne foi de personne ne peut être mise en cause, on conçoit
qu'en ces matières très sensibles pour les opinions publiques européennes,
il ne soit pas toujours aisé d'éviter des choix qui doivent davantage aux
idéologies politiques ou aux croyances qu'à la nécessité de gérer les
migrations de manière efficace et en fonction des droits de l'homme. Les questions linguistiques qui concernent les adultes migrants sont
transversales à tous les aspects de politiques d'accueil et d'intégration
de ces adultes (statut, emploi, santé, logement...)[1]. Elles sont
relatives : . à l'enseignement de la/d'une langue nationale de l'Etat d'accueil pour
la vie personnelle, sociale et professionnelle ; . à l'insertion de ces personnes dans la société d'installation qui leur
permette d'y agir comme citoyens démocratiques actifs et impliqués ; . à la transmission des langues d'origine aux enfants, parce qu'elles
constituent une partie de leur capital culturel et que la maîtrise des
langues est une richesse pour toute la société. Il importe que les Etats membres prennent en charge explicitement et de
manière coordonnée ces politiques linguistiques qui sont souvent de la
compétence de plusieurs ministères ou administrations nationales/régionales
(justice, intérieur, affaires étrangères, éducation, santé...), en les
fondant sur les droits et devoirs réciproques des sociétés d'accueil, des
migrants et de leurs Etats d'origine. 2. Décisions « simples » vs complexités des langues et de leurs emplois On soulignera que ces décisions doivent se garder de toute solution
simplificatrice ou même unique. Car : . la définition de la nature d'une langue et de sa connaissance est
complexe, comme le souligne sa description multidimensionnelle dans le
Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) ; . la description des utilisations d'une langue est elle-même complexe,
car elle doit tenir comptes de la nature des compétences et des
activités (interaction orale, production écrite...), des genres de
discours, de la correction formelle attendue, des situations de
communication... ; . les adultes migrants, comme tous les locuteurs, sont porteurs d'un
répertoire de langues qu'ils utilisent aussi de façon complexe, en
fonction des identités choisies tour à tour, des besoins, des
destinataires... ; . la migration est elle-même complexe en termes de moments de la
migration (projet, arrivée, séjour avant l'obtention d'un permis de
résidence, résidence autorisée, projet de retour, demande de
citoyenneté, après l'obtention de la citoyenneté... qui font de celle-
ci un processus transgénérationnel), en termes de nature sociologique
de l'installation (zone de densité de migrants de même provenance,
migration éparpillée ou numériquement faible...), de destination, de
langues en contact, de capital scolaire , de système graphique
connu... ; . l'identité culturelle n'est pas à concevoir de manière fixiste mais
comme une pluralité d'identifications successives et concomitantes qui
fondent l'unité du sujet social ; . l'identité nationale n'est elle-même pas monolithique puisque tous les
citoyens ne se reconnaissent pas nécessairement dans les mêmes
valeurs, religions, traditions régionales... La pluralité des expériences linguistiques et des besoins langagiers des
adultes migrants n'a d'équivalent que la pluralité des sociétés européennes
elles-mêmes. 3 Obstacles à une politique linguistique efficace et équitable Comme pour d'autres aspects des politiques linguistiques, les décideurs
doivent compter avec des représentations sociales ordinaires, qui n'ont pas
de fondements scientifiques mais qui peuvent porter à des attitudes
d'intolérance ou de rejet. Ainsi, on croit facilement : . que la langue maternelle des adultes migrants les empêche d'apprendre
la langue des sociétés d'installation ; . qu'utiliser la langue du pays d'origine dans la société d'accueil est
un signe de non intégration ; . qu'il y a des langues plus élaborées, plus élégantes, qui valent plus
que d'autres... ; . que les migrants doivent « parler comme nous », c'est-à-dire sans
faute, sans accent... pour être admis dans la communauté des
citoyens.... Les langues « étrangères » deviennent facilement des marqueurs de
différence et sont donc potentiellement un matériau pour la discrimination. 4. Principes pour l'élaborer des formations en langues pour les adultes
migrants Or, les formations linguistiques en langue de la société d'accueil des
adultes migrants relèvent, comme toutes les autres, de l'éducation
plurilingue qui pose que toute personne peut, à tout moment de sa vie,
acquérir de nouvelles langues. Cette capacité génétique doit être
développée par l'éducation, non pour faire de tous des polyglottes mais
pour donner à chacun conscience de ses capacités linguistiques à apprendre,
de manière autonome si possible, les langues dont il a besoin ou envie, à
quelque niveau de maîtrise que ce soit. Si l'on combine une lecture des valeurs centrales (démocratie, droits de
l'homme, état de droit) du Conseil de l'Europe avec les finalités de
l'éducation plurilingue, on peut soutenir que les formations destinées aux
adultes migrants devraient répondre aux principes opérationnels suivants : . équité ; peut-on exiger des nouveaux citoyens un niveau de compétence
B2, quand on sait que, par exemple, la compétence de production écrite
à ce niveau signifie que l'on est capable « d'écrire des textes
clairs et détaillés sur une gamme étendue de sujets relatifs à son
domaine d'intérêt en faisant la synthèse et l'évaluation
d'informations d'arguments empruntés à des sources diverses » (CECR p.
51), alors que cette compétence est probablement très peu répandue
chez les citoyens locuteurs natifs ? . transparence et qualité ; peut-on confier à des fonctionnaires non
spécialistes d'évaluation la responsabilité d'évaluer les compétences
des migrants demandeurs de permis de résidence ou candidats à la
citoyenneté ? . efficacité et fonctionnalité ; est-ce bien investir l'argent public
que de financer des cours avant le départ, quand on sait que ces
cours, le plus souvent proposés hors de tout contexte où s'emploie la
langue de la société d'accueil, sont certainement moins rentables que
s'ils étaient proposés dès l'arrivée, en contexte ? Est-ce rentable de
rendre obligatoires des cours de langue, quand le risque est grand que
les acquis de ces cours soient oubliés ou demeurent inutilisés dès que
cette obligation a été formellement remplie ? 5. Ingénierie A partir de ces principes (équité, qualité, fonctionnalité) et en fonction
des ressources affectées à ces actions, il importe : . de créer des formations sur mesure, au plus près de la diversi