Extrait du livre de Diomède Rutamucero - Agence Bujumbura News

Au fil du temps les moyens pour y parvenir ont été corrigés et adaptés. .... Nous
remercions particulièrement le Président de la République d'Egypte et Président
en exercice de l'OUA pour la bienveillance de l'attention qu'il a voulu accorder à
la situation brûlante euh et qui pour marquer ..... Hakizimana Aimé Claude 46.

Part of the document

Extrait du livre de Diomède Rutamucero : « La démocratie du nombre, arme
pour le génocide contre les Tutsi au Burundi (1959-2005) ». 7.Quatrième acte : le génocide contre les Tutsi de 1993
7.1. La démocratie du nombre, arme offerte par P. Buyoya aux génocidaires Cette démocratie que la France de François Mitterrand a exigée à la Baule
n'était pas connue pour les Africains. Pour beaucoup de pays les élections
avaient signifié la guerre, surtout pour les pays des Grands-Lacs
africains. La démocratie ne signifie pas seulement les élections, il faut
une culture démocratique. Si les Européens veulent appliquer leur
démocratie à l'Afrique, il faut se donner le temps et les moyens pour
expliquer ce que c'est la démocratie. Pourquoi pour certains africains, la
démocratie signifie la mort et pour les autres le moyen d'exclure les
autres, de les tuer même ? D'après A. Touraine « ... la démocratie ne se définit ni par la
participation ni par le consensus mais par le respect des libertés et de la
diversité ». Pour André Salifou, « la démocratie repose sur deux valeurs fondamentales :
d'une part, le respect des libertés et de la souveraineté nationale et de
l'autre, l'égalité politique des citoyens... Pour qu'il y ait démocratie il
faut que soient réunis au moins deux conditions : que ceux qui gèrent la
chose publique reçoivent leur pouvoir du peuple lui-même et qu'ils
respectent les droits et libertés de leurs concitoyens ».[1]
Les élections soi-disant démocratiques ont été au Burundi et au Rwanda des
sources de massacres. P. Perugia, ancien ambassadeur de France au Rwanda,
parlant des massacres qui ont eu lieu au Rwanda les 3 et 11 novembre 1959
écrit : « Le détonateur de ces massacres avait été, entre autres, la volonté
proclamée par l'ONU d'imposer au royaume des élections
« démocratiques », ce qui revenait bien évidemment à anéantir les
institutions traditionnelles du pays, relativement préservées
jusqu'alors par la colonisation ».[2] Sans étudier les conséquences des élections du nombre et surtout à
caractère ethnique ou en les connaissant, les colonisateurs ou leurs
remplaçants ont obligé certains pays comme le Burundi et le Rwanda à
s'engager dans des voies sans issue. Pourtant certains Européens ont eu le
courage de dénoncer ce genre d'élections. P. Perugia note que : « Point n'était besoin d'être grand clerc pour prévoir ce qui, au
Ruanda comme ailleurs, allait se passer. La loi électorale - c'est-à-
dire la loi du nombre - allait dans chaque pays donner le pouvoir
absolu à l'ethnie dominante, retirant aux minorités toute possibilité
de participer à la vie publique... quand ce n'était pas à la vie tout
court... Les évêques rwandais ne tardèrent pas à faire leurs comptes.
Le vote ne leur indiquait-il pas que 15% de Tutsi compteraient pour
rien devant 84% de Hutu ? La loi néfaste du nombre joua en fait comme
un dissolvant dans cette partie de l'Afrique... Au lendemain des
élections (1963), les Tutsi (du Rwanda), comme il était prévisible,
avaient été immédiatement éliminés de la scène politique ».[3] Hervé Guillorel établit le rapport entre la démocratie du nombre avec le
génocide : « Pour certains auteurs, l'irruption soudaine de la démocratie
formelle de type occidental (un homme = une voix), revendication des
Hutu soutenu notamment par les autorités religieuses, n'aurait fait
que réveiller les tensions interethniques ; certains vont même jusqu'à
prétendre qu'elle les aurait instituées ».[4] Il pointe du doigt aussi les puissances étrangères qui soutiennent que les
minorités soient écrasées. « Le principe de la démocratie numérique est exigé par certains
groupes en vue d'imposer la majorité à la minorité, poussé dans cette
voie à la fois par les anciens colonisateurs et par les grandes
puissances ». Les autorités religieuses (surtout catholiques) et les grandes puissances,
comme la France, Etats-Unis et les autres pays, l'ONU, qui soutiennent
politiquement et financièrement la « démocratie du nombre » au Burundi
n'ont pas tenu compte d'autres types de démocratie, comme la démocratie
consociative qui éviterait l'exclusion et le génocide contre les Tutsi. Arend Lijphart, auteur du livre Patterns of Democraca, fait remarquer que : « Malheureusement, il subsiste une tendance, en science politique, qui
continue à faire correspondre la démocratie avec la démocratie
majoritaire uniquement, et qui échoue à reconnaître la démocratie
consociative comme un modèle alternatif légitime ».[5] Le même auteur cite la position du Prix Nobel d'économie Sir Arthur Lewis
qui écrit que : « Le gouvernement par la majorité et le modèle politique
« gouvernement versus opposition » qu'il implique sont des principes
d'exclusion, et donc des principes non-démocratiques,... Il y a deux
volets dans la signification de la démocratie. Le premier volet
soutient que « tous ceux qui sont affectés par une décision devraient
avoir la chance de participer à la prise de cette décision,
directement ou à travers des représentants choisis ». Le second volet
stipule que « la volonté de la majorité l'emportera ». Si cette
dernière stipulation signifie que les partis gagnants peuvent prendre
toutes les décisions tandis que les perdants ne peuvent que critiquer
et jamais gouverner, alors, les deux significations sont
incompatibles. Exclure les groupes perdants de la participation à la
prise de décision, viole clairement la signification première de la
démocratie ». Le capitaine ou plutôt le major qui dirigeait le bateau appelé « Burundi »
était Pierre Buyoya. C'était lui et ses matelots qui déterminaient la voie
à suivre. Si le bateau a chaviré, il est le premier responsable. Plusieurs
modèles de démocratie peuvent être envisagés. Il ne peut pas prétendre
qu'il ne les connaissait pas. Il était aussi au courant de ce qui s'est
passé au Rwanda en 1959 et au Burundi en 1965, 1972 et 1988. Il savait bien
que des groupes qui s'appuyaient sur la majorité ethnique hutu existaient
et étaient en pleine activité : le Palipehutu était bien visible sur
terrain au début des années quatre-vingt dix, le Frodebu ne cachait pas non
plus ses intentions ethniques Hutu. Naïf et têtu qu'il est, il a pensé
qu'il sera plus malin et plus fort que les puissances occidentales qui le
manipulaient et il a engagé le pays dans le génocide contre les Tutsi de
1993. A l'examen de son comportement politique ultérieur, il y a également
lieu de croire qu'il n'était pas contre cette voie du pire et de la
déraison. 7.2. Les élections de juin 1993 ou recensement ethnique. En exécution des recommandations du Président français, François
Mitterrand, P. Buyoya, Président du Burundi a fait adopter par référendum
la constitution au mois de mars 1992. Une constitution qui acceptait le
multipartisme suspendu le 23/11/1966 par le roi Ntare V, juste avant sa
destitution. Il promulgua la loi sur les partis politiques le 15 avril 1992. Chaque
nouveau parti avant d'être reconnu par la loi devait souscrire à la Charte
de l'Unité Nationale. Il promettait de ne pas s'appuyer sur aucune division
ethnique, régionale, confessionnelle. Un parti dénommé Frodebu (Front pour
la Démocratie au Burundi) demanda à être agréé. Pour la première fois le
gouvernement de P. Buyoya refusa son agrément parce qu'il y avait des
passages ethnistes dans ses statuts. Le pouvoir le renvoyant pour revoir
ses notes. Les fondateurs du parti Frodebu sont revenus quelques jours
après, ils avaient nettoyé les mauvais passages du texte et leur parti fut
accepté. On verra plus tard que le Frodebu avait fait le nettoyage du texte
pour faire plaisir à P. Buyoya, mais les idées ethnistes étaient restées
dans les textes des dirigeants de ce parti. Ce dernier avait le discours
pour distraire le pouvoir et un autre pour mobiliser ses membres. Dès son agrément, il était visible que le Frodebu était un parti
monoethnique hutu qui allait baser sa propagande sur la promotion du peuple
hutu : le génocide des Tutsi. Le parti Frodebu n'aurait pas pu être agréé
si on avait appliqué à la lettre la Charte de l'Unité Nationale ou la loi
sur les partis politiques dont P. Buyoya lui même avait supervisé la mise
sur pied. Encore une fois les textes étaient bons, mais P. Buyoya ne les
appliquait pas. Le parti Frodebu est entré en campagne électorale de juin 1993. Il était à
la tête des partis qui se disaient représenter les Hutu : Frodebu, RPB, PP
et PL. Le comportement ethnique du Frodebu était visible pour tout le
monde, y compris P. Buyoya à moins qu'il ne soit aveugle. Le journal
« Burundi Scope » n'a pas manqué de le mentionner : « La littérature est déjà abondante sur la façon dont le Frodebu a, à
la fois, canalisé les aspirations de la majeure partie du peuple
burundais vers la démocratie et dévoyé en même temps nombre de
Burundais vers le crime de génocide. En même temps qu'au sommet il
prônait la démocratie et l'alternance au pouvoir, non seulement ses
meetings étaient ponctués de nombreux messages codés empruntés à
l'histoire politique génocidaire du Rwanda, mais aussi les menaces et
même les agressions et tueries orchestrées par ses membres à la base,
étaient fréquentes et n'étaient jamais condamnées au sommet du