Introduction - Hal-SHS

Sur ce sujet voir aussi : Jean-Marc Weller, L'allocataire à portée de voix : analyse
sociologique du pool téléphonique d'une caisse d'allocations familiales, rapport
..... La poor law britannique de 1834 en est ainsi exemplaire, pour laquelle « le
problème est de réduire la masse de pauvreté apparente ou autoproclamée au ...

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TABLE DES MATIERES
AVANT - PROPOS 4
Introduction 6 I. De la réaffirmation du droit à la nécessité du contrôle 9
§ 1. La production d'un impératif de rigueur 9
1. Un topique du traitement de la misère 9
2. Un produit d'importation 16
3. La fraude sur l'agenda 21
§ 2. La définition d'une politique institutionnelle 32
1. Contraintes externes, logiques internes 32
2. Une réponse à des problèmes multiples 37
3. Une institutionnalisation problématique 41
4. La solution informatique 44
§ 3. Le contrôle dans les CAF 48
1. Une relative autonomie locale 48
2. Le système des relations locales 51
3. L'organisation interne du contrôle 53
II. Le contrôle sur place ou les ruses de la raison juridique 56
§ 1. Des contrôleurs incontrôlables ? 57
1. Une identité professionnelle problématique 57
2. Le cadrage institutionnel des pratiques des contrôleurs et ses
limites 68
3. Un corps sensible 78
§ 2. Les ambiguïtés du rôle de contrôleur 88
1. L'insécurité juridique des contrôleurs 88
2. Les contrôleurs dans l'institution 94
3. Dispositions et pratiques 98
§ 3. Les ruses de la raison juridique 106
1. Les préliminaires de l'enquête 111
2. L'interaction de contrôle et le contrôle de l'interaction 116
3. Le contrôle par l'interaction 124
4. La rédaction des rapports ou les contraintes de la mise en forme
juridique 131
Conclusion 135
Annexes : sources 139
Annexe 1. Documents 139
Annexe 2. Entretiens (n = 101) 143 Table des matières 144
AVANT - PROPOS Cette recherche est issue du programme de recherche sur la famille et le
droit de la protection sociale lancé en 1999 par la CNAF (1). Elle avait
pour objet de mettre en lumière et d'évaluer les déterminants politiques et
pratiques des stratégies de contrôle des allocataires de la branche famille
du régime général de la sécurité sociale, à l'échelle nationale mais aussi
au niveau local. Il s'agit d'un travail de longue haleine (trois ans de recherche), très
intéressant, dense, qui fait preuve d'objectivité dans un domaine délicat.
Cette étude s'inscrit dans la suite des travaux de Vincent Dubois,
professeur à l'Université de Metz, menés pour certains avec Delphine
Dulong, maître de conférences à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-
Yvelines, sur la sociologie de l'administration, et notamment des relations
entre usagers et agents en contact avec le public dans les organisations
bureaucratiques (2). Le travail de l'équipe repose sur la théorie et les méthodes de l'analyse
des politiques et de l'administration publiques, de la sociologie critique
et de la sociologie interactionniste, et sur la sociologie du droit.
La méthodologie retenue combine l'analyse des textes aux enquêtes
d'observation de terrain et aux entretiens avec les responsables et agents
nationaux et locaux. Le questionnement initial des auteurs est le suivant : même si les
pratiques de contrôle sont anciennes, quels processus ont conduit à
l'inscription récente sur l'agenda politique du «problème » de la fraude au
début des années 1990 ? Quelles sont les modalités pratiques d'une
politique institutionnelle de contrôle ?
Le but est de travailler sur une question plus vaste : le retour à la
rigueur dans l'application de la règle juridique en matière de protection
sociale, afin de contribuer à une sociologie des usages sociaux du droit. Si, dans la branche famille de la sécurité sociale, l'officialisation d'une
politique de contrôle ne va pas de soi, pour des raisons liées à son
histoire institutionnelle, l'idée que les pauvres peuvent bénéficier
indûment des aides sociales n'a cessé d'accompagner l'histoire de
l'assistance. Quatre généalogies structurent cette thématique : celle des
représentations de la pauvreté, celle des systèmes de protection sociale,
celles des critiques dont ces systèmes font l'objet, et celle des usages
politiques de ces questions. Pour les auteurs de la recherche, il s'agit,
en rappelant la permanence de cette thématique, d'éviter l'illusion de la
nouveauté absolue. Bronislaw Geremek a ainsi mis en évidence l'existence
d'une catégorisation des pauvres dès la fin du moyen-âge, au moment de
l'institutionnalisation de l'appareil d'Etat, opposé à la tradition
chrétienne (charité et vertu de la pauvreté volontaire). L'exigence de
surveillance des pauvres doit être par ailleurs resituée dans l'histoire
des systèmes de protection sociale. L'assistance s'est longtemps doublée de
répression et d'enfermement, politique dont les poor laws adoptées à partir
de 1834 en Angleterre sont l'archétype, conduisant parfois au déni des
droits civils des pauvres. Robert Castel explique que cette politique se
perpétue dans le système américain des années 1960, dans lequel les
procédures de contrôle dans l'attribution et l'usage de l'aide sociale sont
très strictes. La ré-inscription politique récente du problème du contrôle en France
apparaît comme une importation de thématiques anciennes outre-Atlantique et
outre-Manche, rendue possible par les transformations générales affectant
l'État social (elles-mêmes liées aux problèmes de financement de la
sécurité sociale), exigeant un travail politique de re-légitimation. Le
contrôle juridique serait alors un sous-produit de la rigueur budgétaire,
et participerait de sa mise en scène.
En pratique, le processus de dualisation du système social, entre système
assurantiel basé sur le travail, et nouvelle charité publique financée par
l'impôt, dont le revenu minimum d'insertion est l'illustration,
expliquerait le développement du contrôle. Plus les droits sont subjectifs,
plus leur application s'avère délicate.
La politique de contrôle n'est donc pas un simple dispositif de gestion
administrative, elle se trouve au carrefour de multiples enjeux sociaux et
politiques liés à la protection sociale et au traitement de la pauvreté.
Dans cette optique, une recherche sur ce sujet peut être un révélateur
utile des effets que produisent les transformations générales de la
protection sociale sur l'usage des règles juridique et normatives, et ce à
différents niveaux de décision. Outil de légitimation, la politique de contrôle est aussi une question
polémique, et peut se révéler contradictoire avec les missions des
organismes sociaux. De plus, cette politique a des effets retours sur les
usages institutionnels des normes : appliquer celles-ci rigoureusement
nécessite qu'elles soient clairement définies. Or on sait que tel n'est pas
forcément le cas (on pense bien sûr aux situations d'isolement de
l'allocataire). L'intensification du contrôle a ainsi conduit à préciser
des règles jusqu'alors peu explicitées. De même en matière de compétences
et de pratiques de ceux qui appliquent ces règles. Les investissements
institutionnels sur ce thème ont abouti à un recadrage de celles-ci pour
prévenir les dérapages et pour asseoir la légitimité des contrôles. La première partie du rapport est consacrée aux enjeux et aux conditions
socio-politiques du « retour à la rigueur », et au sens et aux difficultés
de ce travail de juridicisation dans les politiques nationales et locales.
Dans une seconde partie sont analysées les modalités de traduction de ces
politiques dans les pratiques locales de contrôle, notamment celle des
contrôleurs. Ces deux niveaux d'analyse distincts sont complémentaires et
destinés à expliciter les fondements sociaux des pratiques juridiques en
matière de politique publique de la pauvreté, pour un dispositif dans
lequel les agents administratifs de terrain occupent une place décisive. Le rapport montre comment, par une juridicisation paradoxale ou « molle »
de la politique de contrôle, celle-ci est maintenue dans un périmètre
politiquement et socialement acceptable. Qu'il s'agisse des instructions
nationales ou des politiques et pratiques locales, les marges de man?uvre
laissées aux acteurs permettent à ceux-ci de ne pas rentrer dans une
logique répressive ou marquée par le « juridisme ».
La mise sur l'agenda politique de la question du contrôle des prestations
sociales résulte d'un compromis entre des forces politiques plus que d'une
volonté politique claire et affirmée. L'application de ce compromis par la
CNAF s'est longtemps réalisée a minima. Si celle-ci encadre désormais plus
les organismes locaux, ceci est en grande partie dû aux objectifs
mesurables fixés par les Conventions d'objectif et de gestion, qui obligent
la CNAF à prévenir d'éventuelles dérives « productivistes » et répressives
en fixant plus précisément ce que doivent être les pratiques de contrôle et
surtout ce qu'elles ne doivent pas être (3).
Nadia Kesteman
CNAF - DSER
Pôle Recherche et Prospective
1) Certaines des autres recherches issues de ce programme ont été diffusées
dans la collection des dossiers d'études CAF (rapports d'Alexia Gardin ,
et de Maryse Badel et al.,) ou vont l'être (rapports de Marie-Thérèse
Lanquetin et al., et de Luc-Henri Choquet et Isabelle Sayn)
2) Vincent Dubois a notamment publié sur ce sujet : La vie au guichet :
relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica,
1999 (issu d'un rapport de recherche pour la CNAF), et a co-dirigé avec
Delphine Dulong : La question technocratique. De l'invent