OEUVRES

Les conservateurs des traditions inonarchi? ques, en France, poussent à l'envi
un cri d'alarme quand on leur demande une adhésion formelle et sincère à
laRépublique dont le suffrage ...... On ne peut attribuer ce nom qu'à la pensée qui
embrasse tous les modes de l'activité humaine, et donne la solution de toue.

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OEUVRES
SAINT-SIMON & D'ENFANTIN PRGIDÊES 0E DEUX NTICES HISTORIQUES
XLI VOLUME
OEUVRES
SAINTSIMON & D'ENFANTIN
PUBLIÉES PAR LES MEMBRES DU CONSEIL
INSTITUE PAR ENFANTIN
POUH L'EXÉCUTIO DE SES DERNIÈRES VOLONTÉS
QUARANTE ET UNIÈME VOLUME DE LA GOLLE(TION OÉNÈRÀLE
Réimpression photoméehanique de l'édition 18S.78
AALEN
OTTO ZELLER
1964 Herstellung: Anton Hain K. G. Meisenheim,Glan DISCOURS PRELIMINAIRE
LA R1PUBL1QUE. LE P1R1L SOCIAL
'Ç',
LE NOUVEAL CHRiSTiANISME
Les conservateurs des traditions inonarchi- ques, en France, poussent à
l'envi un cri d'alarme quand on leur demande une adhésion formelle et
sincère à laRépublique dont le suffrage universel a récemment sanctionné
l'établissement; ils ne savent répondre à ce rappel du vote souverain que
par celte exclamation : Et le péril social I
Oui, le péril social existe! niais d'où vient-iI? quelle est sa cause? qui
le provoque, le perpétue et l'aggrave? qui peut l'atténuer et le faire
cesser? B btSCOUIiS PRÉLIMINAIRE
Ce n'est pas à des utopistes radicaux que nous emprunterons la réponse à
toutes ces questions. Un homme d'Etat illustre, qui fut le chef des
conservateurs anglais, Robert Peel, nous la fournira, et ce sera dans les
mémoires d'un chef non moins célèbre des conservateurs français, M. Guizot,
que nous la trouverons.
En 1840, M. Guizot représentait la France à Loncires. II eut de nombreux et
intimes entretiens avec Robert Peel qui n'était plus ministre. Dans un de
ces entretiens, l'Anglais dit à l'ambassadeur français que la situation
misérable du peuple immense du travail manuel était à la fois une honte et
un péril pour notre civilisation. « On n'y peut pas tout, ajoutait-il, mais
on y doit (([aire tout ce qui se peut.
Voilà le vraipéril social qui menace la France aussi bien que PAngleterre
et la plus grande partie de la vieille Europe. Il a pour cause la situation
misérable (lu peuple immense du travail mannel; il couvre de honte notre
civilisation et il est aggravé pa ses dénonciateurs eux-mêmes,
par ces aveugles conservateurs qui ne savent ou ne veulent rien /iire (le
CC qui .' peut pour en délivrer notre civilisation.
Loin de J?, en effet, ces préfenlu: conserva- I)ISCOULS PR1LIM1NAIIE
teurs, vrais révolutionnaires inconscients, ne parlent tant de ce péril que
pour en faire leur mot d'ordre et leur cri de ralliement dans leurs ma-
nceuvres souterraines et leurs attaques ouvertes contre l'ordre établi par
le suffrage universel.
« N'est-il pas surabondamment démontré, par « l'expérience de trois quarts
de siècle, disent-ils ((incessamment, que la République ne peut pas
naître viable en F'ran.ce et qu'elle ne sert qu'à « provoquer quelque
nouvelle révolution?»
Examinons froidement cette allégation accri- monieuse et devenue classique
chez les monarchistes de toutes les nuances.
11 est certain que la République, établie deux fois en France, au nom de la
souveraineté nationale (eu 1792 et en 1848), a été deux fois remplacée par
l'Empire (en 1804 et en 4852); mais il est incontestable aussi qu'à ces
deux époques elle n'a pas succombé sous les coups de la souveraineté
populaire, ni sous la pression d'un soulèvement national, et que, loin
d'être bru- DiSCOURS PRL1MtNÀJRk
talement fenversée par une révolution, elle fut plutôt ambitieusement et
adroitement transfoi'mée en monarchie d'origine démocratique au moyen des
plébiscites. Non, ce n'est pas le rgime républicain qui a provoqué les
fréquentes et terribles révolutions dont la France a été le théâtre en 1814
et en 1815. C'esl l'Empire qui, deux fois, a provoqué la pire des
révolutions, par l'invasion étrangère, et ce sont les monarchies des deux
branches de la maison de Bourbon qui, deux fois aussi, en 1830 et 1848, ont
réduit la France à subir de nouveau la terrible interven- lion de la loudre
populaire dans le cours de ses destinées. Enfin, quand, pour la troisième
fois en ce siècle, l'Empire a succombé sous les coups de l'étranger, c'est
la République seule qui s'est trouvée debout pour saisir le glaive national
et pour défendre le sol français, autant qu'il pouvait l'étr, après l'excès
d'imprévoyance dont la guerre avait été précédée dans les conseils de la
monarchie impériale.
Quelle est celle des trois monarchies prétendantes, toutes si hardies, si
actives, dans leur revendication du pouvoir souverain en France, quelle est
celle qui osa, l 4 septembre 1870, disputer la République le droit, le
devoir, l'hon. DJS(OURS P11ÉLH1HA1RE
neur de la défense nationale? Ni les monarchies détrônées depuis vingt ou
quarante ans, ni la monarchie régnante effondrée, n'osèrent se présenter
pour faire valoir leurs titres au gouvernement de la patrie en danger.
C'était à cette heure suprême que la F'rance pouvait reconnaître ses
véritables enfants, ceux qui seraient capables et dignes de la diriger au
retour de a prospérilé, après qu'ils rauraient secourue au bord de l'abîme. Oi étaient donc alors les négociateurs ambulants des fusions dynastiques,
les plénipotentiaires infatigables du comte de Cliambord et du comte de
Paris? où étaient surtout ces organes superbes de l'Empire qui, la veille
même de cette lutte effroyable, disaient à l'empereur, au nom du Sénat,
qu'il avait porté à sa plus haute per,tection l'armement de nos soldats, et
élevé à toute sa puissance l'organisation de nos forces militaires?
La journée de Sedan avait frappé de mutisme et de paralysie tous les
membres du gouvernement impérial, ministres, sénateurs, conseillers d'État,
les favoris et représentants de la candidature officielle. Aussi tandis que
l'impératrice, au milieu de cette résignation silencieuse et univers vi DISCOURS PRLIMINA1RE
selle, se hâtait de faire ses malles aux r1ujIerje5 pour gagner la
frontière, il suffisait à quelques députés de l'opposition, avocats ou
publicistes, d'aller s'installer à l'Hôtel de Ville, à titre de membres
d'un gouvernement provisoire républicain, pour opérer la plus complète des
révolutions, sans coup férir, sans rencontrer le moindre obstacle.
C'était prodigieux à n'y pas croire; nous en étions témoins et nous
pensions rêver; mais quand la certitude de cette étourdissante révolution
ne fut plus contestable, et que l'absence de toute opposition monarchique,
royaliste ou bonapartiste, fut bien constatée, il dovint évident que
l'avenir gouvernemental de la France allait être déterminé par la diversité
d'attitude des anciens partis militants et que la forme politique qui
aurait abrité la patrie dans 'les mauvais jours et l'aurait aidée à se
relever de sa chute, ne serait pas sacrifiée, après sa suprême intervention
et ses immenses services, â l'un des vieux régimes fatalement destinés
désormais à ne pouvoir gouverner la France qu'accidentellement, pour la
livrer ensuite, les uns au fléau des invasions, les autres au jeu sanglant
des révolutions. DISCOURS PRÉLIMINAIRE
En pI'ésence de l'audacieuse prise de possession provisoire de la
souveraineté nationale par une poignée de patriotes républicains ; au
milieu de l'acquiescement formel ou tacite de l'uni- versalité des
citoyens, nous fùmes de ceux qui comprirent que l'heure d'une République de
raison et de salut était venue, et que les exigences sociales, les
considérations d'ordre et de stabilité, qui avaient rendu possible, sinon
nécessaire, le passage de la forme républicaine à l'Empire, en 1804 et en
1852, militaient désormais et militeraient dorénavant de plus en plus pour
la république contre toute espèce de monarchie. Un coup d'oeil rapide et
dégagé de toute prevention sur notre histoire nationale justifiera cette
opinion.
Il..
En 17Y, la proclamation de la République en France ne fut pas le résultat
de l'éducation politique et de la marche progressive de l'esprit libéral
dans toutes les classes de la nation non, la population française n'était
pas alors tiicoriqueniciit convertie à la République . I 4e vin D1SCOU1S PRÉLIMINAIRE
préjugé, dans les ateliers et dans les champs comme dans les salons, était
encore profondé- mént monarchique, tout en se conciliant avec une vive
sollicitude et une ferme résolution pour la conservalion des conquêtes de
1789. Aussi, quand ces conquêtes furent menacées par la coalition des rois
de l'Europe, venus en aide aux émigrés et au roi de France pour le
rétablissement de l'ancien régime, le préjugé monarchique, pendant cette
lutte terrible, se trouvat-il dominé et étouffé par le dévouement à la
patrie et à la révolution. Ce furent les potentats européens et le émigrés
francais qui facilitèrent l'oeuvre des Girondins et des Jacobins et qui
rendirent nécessaire la proclamation de la République. La France n'oub'iera
jamais comment la République justifia cette nécessité, dans la défense du
sol national et du drapeau de la révolution. Mais, à côté de celte double
défense et de la gloire impérissable acquise à ses armes, la République,
menacée tout d'abord par le socialisme sauvage d'Hébert et de Chaumette,
eut le malheur d'être ensanglantée par la guerre civile, de subir le
terrorisme révolutionnaire et les représailles réactionnaires, et d'être
enfin assez dépopularisée pour ne pouvoir plus cm- DISCOURS PRÉLIMINAIRE
pêcher le retour du principe monarchique au profit du plus illustre soldat
des armées républicaines.
Non, la France n'était plus républicaine en 180'+, et ce fut un grand
malheur pour elle, en
1814, quand l'étranger et l'ancien régime franchirent ensemble les
frontières et s'imposèrent à elle, sans qu'il lui fût possible de leur
opposer l'élan patriotique qui avait fait son salut sous la république de
1792.
L'invasion et la Restauration eurent toutefois pour effet de raviver le
patriotisme et le libéraIisnie en France. L'esprit républicain se réveilla
même dans la jeunesse studieuse; il dominait dans les sociétés secrètes les
plus avancées; mais le préjugé anti-républicain n'en conservait pas moins
toute sa force dans les masses populaires et jusques dans les rangs de
l'opposition constitutionrielle. On le vit bien en 1830, quand le résultat
d'une grande révolution dut se réduire au remplacement de la br