La longue Vie de saint Léger - Hal-SHS

Il s'agit bel et bien d'un exercice rhétorique destiné à prouver l'habileté du poète
berger. La réponse d'Arsileo, .... con que enfrena y corrige el alma insana. la
angélica hermosura de ...... se ríe el prado, el bosque, el monte, el llano. 60.
diana.

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Le plaisir des formes : les chansons dans la Diana enamorada de Gaspar Gil
Polo
Mónica GÜELL
LEMSO-FRAMESPA
(Université de Toulouse-Le Mirail)
Diana enamorada de Gaspar Gil Polo, publiée en 1564 à Valence, est
écrite dans le sillage de Los siete libros de la Diana de Montemayor. La
dette y est explicitement reconnue dans l'incipit[1]. La fiction poétique
est centrée sur les amours contrariées de l'héroïne, Diane, malmariée à
Delio et qui aime Sireno, qui aime une autre bergère. S'y ajoutent d'autres
amours adjacentes, comme celles de Marcelio et Alcida. Comme il est d'usage
dans le genre pastoral, en consonance avec les églogues de Virgile et
l'Arcadia de Sannazaro, la fiction mêle harmonieusement prose et vers et
offre une belle variété de formes poétiques, au gré des pas des bergers et
au gré de leurs chants. Elles sont issues de la tradition hispanique,
provençale ou italienne. La thématique amoureuse y est déclinée dans des
sonnets (13), des tercets (1), une sextine, des chansons (6), des octaves
(2), des gloses (13), des redondillas (3), des quintillas (7), une
sextilla, un quintil de arte mayor. Particulièrement riche d'un point de
vue formel, le corpus des chansons à l'italienne ou à la provençale mérite
d'être étudié de près. Mais deux chants hybrides ont aussi attiré notre
attention. C'est pourquoi, bien que débordant le cadre strict de l'étude de
la chanson, leur place dans cette étude s'impose tout naturellement. Les formes de la chanson
Dans la Diana enamorada, la chanson - canción - se présente dans la
plupart des cas sous une forme double, celle des chants amébées des
bergers, suivant la tradition des églogues de Virgile. C'est le cas de la
première d'entre elles, « Mientras el sol sus rayos muy ardientes » au
Livre I[2]. Avec « Cuando con mil colores divisado » au Livre V[3], elles
apparaissent sous l'appellation de « rimas provenzales ». Leur formule
métrico-rimique est F1 (ABBA), soit un fronte binaire dont la structure
rappelle celle des quatrains dans le sonnet - dont on se souviendra qu'il
serait issu de la strophe de canso - et C41 (CcddeeFF), une coda constituée
par une suite de rimes plates[4]. On remarque que cette formule ne comprend
pas de volta ou chiave, ce vers maillon qui relie, par les rimes et par la
syntaxe, les deux parties de la stance, alors qu'elle est usuelle dans la
chanson pétrarquiste ou à l'italienne. Ce schéma rimique, issu de la poésie
lyrique des troubadours, figure dans treize textes du répertoire de István
Frank[5]. La particularité métrique de ces chansons est que le pentasyllabe
accompagne l'hendécasyllabe, comme dans la lyrique provençale, alors qu'on
n'en trouve quasiment pas d'exemples dans la canción espagnole du XVIe
siècle, qui lui préfère l'heptasyllabe[6]. Artificieuses, ces chansons qui
encadrent le livre le marquent du sceau de la joute et, par conséquent, de
l'habileté poétique, de l'émulation entre les bergers et les bergères qui
les produisent. Dans « Cuando con mil colores divisado », les parallélismes
à l'?uvre dans les deux derniers vers de chaque stance sont un écho de
l'églogue III de Garcilaso, dans les chants amébées de Tirreno et Alcino[7]
: « Mas si Elvinia de allí los ojos parte, / habrá contino invierno en toda
parte ». Tout le livre est semé d'échos garcilasiens.
Le deuxième livre s'ouvre par un chant de Diane « Madruga un poco, luz
del claro día »[8]. Pour combler l'attente alors qu'elle attend Marcelio,
elle se met à chanter sous un aulne. Elle s'y plaint de l'oubli et de
l'ingratitude de Sireno, de la souffrance qu'Amour inflige. Cette chanson a
la particularité d'être polystrophique. En effet, dès la deuxième stance,
le principe de l'identité des stances entre elles - habituel depuis Dante
en matière de canción - est enfreint. La formule métrico-rimique de la
première comprend quinze vers déclinés comme suit : un fronte F18 (ABCBAC)
aux deux pieds dissymétriques, et une coda qui comprend, après la volta,
une suite de rimes plates : CddEeFfGG (C56). Je n'ai trouvé cette coda que
dans deux poèmes de Montemayor, « Ojos, que ya no veis quien os miraba »
(Diana, Livre I) et « Ya no faltava al corazón cansado » (Cancionero). Les
stances suivantes n'ont plus que treize vers, avec une coda C16 : CddEeFF,
formule adoptée par Pedro de Padilla dans trois chansons. Deux remarques
s'imposent ici : dès l'introduction de cette forme fixe en Espagne, puis
plus tard, lorsqu'elle est acclimatée, de nombreux poètes en violent les
principes constitutifs[9]. On peut se demander quelle est la fonction de
cette irrégularité métrique ou polymétrie. Il faut probablement l'entendre
comme une manifestation esthétique de la sprezzatura, où le poète
introduit, par touches, des variations, où il brouille volontairement les
pistes de son art, comme le fit Garcilaso, dont les vers, précisément ceux
des églogues, sont si présents dans la Diana[10]. Quant à la présence de
l'envoi, c'est le seul texte du corpus à se clore sur un envoi de sept vers
qui reprend la formule de la coda (E43), dans une invocation à la chanson
elle-même, comme il est d'usage : « Canción, en algún pino o dura encina/no
quise señalarte »[11]. Puis le soleil commence à poindre et Marcelio
arrive : ce sera l 'occasion d'entonner un nouveau chant amébée, « Mudable
y fiero Amor que mi ventura »[12]. Il est bref : quatre stances de onze
vers, aux formules F29-C6, soit un fronte AbCBaC et une coda cDdEE. Celle-
ci est plus courte que le fronte, ce qui est assez rare. Pétrarque employa
cette formule de coda dans « Quando il soave mio fido conforto »[13] et
Cervantes, dans la canción de Silerio de la Galatea, usa la même formule
que la Diana.
Dans le livre IV, une joute poétique dont le prix est une coupe de
cristal oppose Sireno à Arsileo. L'un chante contre l'Amour, l'autre en sa
faveur, suivant la tradition des débats poétiques dans les chansonniers du
xve siècle. La joute comprend deux formes distinctes, une octave et une
chanson : « Alégrenos la hermosa primavera » (Sireno) et « Mil meses dure
el tiempo que colora » (Arsileo). Il est intéressant de remarquer que la
compétition débute par une octave chantée et jouée à tour de rôle, l'une
accompagnée au rebec, l'autre au pipeau. Alors que Sireno s'apprête à
répondre par une troisième octave, Eugerio l'interrompt et fait changer le
mode de composition, leur enjoignant de chanter ce que lui préfère. La
chanson est donc, aux yeux de ce personnage, meilleure pour apprécier les
qualités poétiques des bergers :
- Pastores, pues habéis de recibir el premio de mi mano, razón será
que el cantar sea de la suerte que a mí más me contenta. Canta tú
primero, Sireno, todos los versos que tu Musa te dictare, y luego tú,
Arsileo, dirás otros tantos o los que te pareciere[14]. Pour ces chansons, Gil Polo adopte les formules métrico-rimiques de
Pétrarque dans « Ben mi credea passar mio tempo omai », dont les stances
suivent le schéma suivant : F18 pour le fronte (ABCBAC), C20 pour la volta
et la coda (cDdEeFF). Un schéma inscrit dans la tradition pétrarquiste,
illustré par Garcilaso dans sa chanson I et son imitateur a lo divino
Sebastián de Córdoba, Boscán, Juan de Coloma, Pedro de Padilla. Mais ici
encore, Gil Polo rajoute un ornement supplémentaire qui n'est pas sans
rappeler les artifices ingénieux des troubadours pour l'enchaînement des
stances entre elles. En effet, toutes les stances s'achèvent sur le même
rimème añas et sur un même mot-refrain : entrañas, déployant au fil du
texte le paradigme du rimème añas : engañas, entrañas, campañas, ensañas,
mañas, hazañas, acompañas. De surcroît, les deux premières stances de
chacune des chansons - et seulement celles-ci - finissent par un refrain :
« Maligno Amor, no aquejes mis entrañas » ou « Benigno Amor, no dejes mis
entrañas ». La longueur des textes est de 6 stances de 13 vers, soit un
chiffre très proche de la longueur moyenne des chansons de Pétrarque, qui
est de 6,5 stances. Examinons à présent l'ouverture et la clôture, où
s'affiche le dispositif d'encadrement de la chanson : les deux s'ouvrent,
de façon prévisible, par des invocations au printemps. Dans la première,
Sireno s'adresse à l'Amour pour qu'il le laisse en paix : « Maligno Amor,
no aquejes mis entrañas » et son chant s'achève sur une stance entièrement
consacrée aux effets néfastes de l'Amour, vu dans sa radicale dualité, dans
la pure tradition courtoise puis pétrarquiste. « Amor é fogo que arde sem
se ver » de Camoens, « Ir y quedarse, y con quedar partirse » de Lope de
Vega, « Es hielo abrasador, es fuego helado » de Quevedo en sont quelques
célèbres avatars sonettistiques. Voici la dernière stance de Sireno[15] : Una pasión que no puede encubrirse,
ni puede con palabras declararse,
y un alma entre temor y amor metida,
un siempre lamentar sin consolarse,
un siempre arder y nunca consumirse,
y estar muriendo y no acabar la vida,
una pasión crecida
que pasa el que bien ama estando ausente,
y aquel dolor ardiente
que dan los tristes celos y temores,
estos son los favores,
Amor, con que las vidas acompañas,
perdiendo y consumiendo las entrañas. Il s'agit bel et bien d'un exercice rhétorique destiné à prouver
l'habileté du poète berger. La réponse d'Arsileo, toute empreinte de
topiques amoureux néoplatoniciens[16], oppose les vertus de l'Amour, point
par point : à « pasión crecida » répond « alegría crecida », à la douleur
provoquée par la jalousie, « dolor ardiente », répond la joie du berger aux
côtés de sa bien-aimée « aquel gozo sobrado ». On aura remarqué les
épithètes de la surenchère propres à la littérature courtoise, « crecida »,
« sobrado » : Mirar un gesto hermoso y lindos ojos
que i