une diversité de pratiques d'analyse de pratiques - Archive ouverte ...

les enjeux de l'analyse des pratiques professionnelles .... ici celui du
développement du professionnalisme c'est à dire de l'efficacité de l'exercice
professionnel.

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analyse de pratiques et professionnalisation
Richard Wittorski Chapitre de l'ouvrage coordonné par C. Blanchard-Laville et D. Fablet
(2003), Travail social et analyse des pratiques professionnelles (p. 69-
89). Paris : L'harmattan, Savoir et Formation.
Qu'on les appelle « groupes de pairs » ou « groupes d'analyse de
pratique », les moments de réflexion collective sur les pratiques
professionnelles en formation ou au travail sont de plus en plus fréquents.
Notre propos consistera tout d'abord à mettre à jour les enjeux de
l'analyse de pratique, enjeux à la fois pour le travail, pour la formation
et pour les professions, singulièrement dans le secteur social. Ensuite,
nous préciserons la différence que nous voyons entre analyse de pratiques
et analyse du travail et tenterons d'expliquer la diversité des pratiques
d'analyse de pratiques de manière à insister, dans un quatrième temps, sur
les processus et résultats de l'analyse de pratiques en évoquant un
séminaire proposé à des travailleurs sociaux à l'ETSUP (Ecole Supérieure de
Travail Social). Pour finir, nous situerons l'analyse de pratique au sein
des formes et voies de professionnalisation, considérant que l'analyse de
pratique remplit une double fonction de professionnalisation des individus
et des activités de travail, ce qui contribue d'ailleurs à expliquer
l'intérêt social qui lui est porté aujourd'hui. les enjeux de l'analyse des pratiques professionnelles La réflexion menée par des professionnels au sujet de leurs propres
pratiques (souvent appelée analyse de pratiques) rencontre aujourd'hui un
vif intérêt tant dans les entreprises que dans les milieux de la formation.
Les raisons sont probablement multiples: évolution des formes de travail et
appel à de "nouvelles" compétences, enjeux de professionnalisation
d'activités émergentes et/ou de reprofessionnalisation d'activités
existantes et développement de nouvelles formes de formation plus
articulées avec les situations de travail. On constate tout d'abord en effet une transformation importante des
systèmes de travail: remise en cause des logiques tayloriennes et
fordiennes et développement de formes d'organisation du travail plus
flexibles qui conduisent à déléguer aux ouvriers devenant des "opérateurs",
la gestion des changements. D'un ouvrier discipliné et spécialisé dans un
petit nombre d'opérations manuelles de travail, on passe ainsi à un
opérateur qui doit s'adapter à des situations de travail changeantes et
mobiliser des compétences tournées vers un accompagnement intellectuel de
la production (analyser, diagnostiquer,..). Par ailleurs, ces nouvelles
formes d'organisation suscitent l'apparition, en situation de travail, de
nouveaux savoirs professionnels contextualisés que les entreprises
cherchent à capitaliser pour professionnaliser l'organisation et les
individus (apparition dans les discours et pratiques du "knowledge
management" traduisant cette préoccupation).
Dans le champ du travail social, outre des évolutions récentes des
systèmes d'activités (dûes notamment à l'apparition de nouvelles mesure, à
l'évolution des publics, à une certaine « rationnalisation » du travail
social), on constate des évolutions importantes des contours et contenus de
certaines professions et l'apparition de nouvelles activités (médiateurs
sociaux,..) qui posent la question de la "(re)professionnalisation"
conjointe des individus et des activités (dans l'espace des professions).
Ainsi, et pour répondre à ces enjeux, de nouvelles formes de formation
apparaissent dont le point commun réside dans l'articulation plus étroite
des contenus de formation avec les situations de travail (voire leur
intégration à l'image des formations intégrées au travail). Celles-ci font
explicitement appel, dans bon nombre de cas, à une activité de
formalisation des pratiques professionnelles par les salariés pour assurer
cette articulation.
Dans ce contexte, l'analyse de pratiques est utilisé comme un outil de
professionnalisation à la fois des personnes (développement de compétences
liées à la prise de recul par rapport à l'action, production de
connaissances sur l'action), des activités (repérer et classifier les
nouvelles pratiques pour redéfinir les contours d'une profession), et des
organisations (construire le système d'expertise de l'entreprise et la base
de connaissances partagées: le "knowledge management"). Dans l'industrie, les premières démarches d'analyse de pratiques, qui
ne portaient d'ailleurs pas ce nom, ont été observées dans les cercles de
qualité. Il était demandé aux salariés de décrire leurs façons de faire
lorsque un problème de non qualité était détecté. On proposait aux salariés
des outils très précis de description et d'analyse puis de résolution de
problème. Très vite ces démarches ont fait des émules, sous d'autres
appellations mais l'objectif était essentiellement d'augmenter la qualité
ou l'efficacité du travail. Dans le secteur social, la supervision qui peut
relever d'une démarche d'analyse de pratiques ne poursuit pas avant tout un
objectif d'efficacité au travail mais un objectif de régulation
psychologique pour l'essentiel. Cette pratique fortement influencée par la
dynamique de groupe apparue dans les années 1970, permet aux travailleurs
sociaux de résoudre des problèmes de travail en équipe, de surmonter des
vécus professionnels difficiles. Les références psychologiques et
psychanalytiques sont omniprésentes. Les techniques utilisées peuvent être
diverses : entretien de groupe, témoignages individuels au sujet de
situations professionnelles mal vécues,..... En fait, on peut dire que le
choix des référents théoriques/disciplinaires, des outils dépend largement
des objectifs fixés aux dispositifs qui sont mis en ?uvre et aux cultures
professionnels des secteurs concernés. analyse de pratiques ou analyse du travail : clarification des mots La différence entre les deux expressions « analyse de pratiques » et
« analyse du travail » n'est pas toujours clairement établie. Pourtant,
l'un des premiers points de différence réside dans le fait que ces deux
démarches s'inscrivent dans des champs disciplinaires distincts,
correspondent à des enjeux souvent différents, et placent l'auteur des
pratiques analysées dans des postures opposées. L'analyse de pratiques
relève davantage du champ de la formation d'adultes alors que l'analyse du
travail relève de celui de l'ergonomie ou de la psychologie du travail.
L'analyse de pratiques est réalisée par le professionnel lui-même qui
analyse ses propres pratiques à l'aide d'un animateur que nous pourrions
qualifier de « méthodologue ». Souvent d'ailleurs cette analyse est
réalisée en groupe avec d'autres professionnels qui partagent les mêmes
situations de travail.
L'analyse du travail quant à elle relève d'une logique d'observation
par un expert extérieur du travail réalisé par le professionnel dont on
analyse les pratiques. De ce point de vue, la place du professionnel n'est
pas la même. Dans un cas il est l'analyste de sa pratique, dans l'autre il
fait l'objet d'une analyse extérieure (cette différence doit néanmoins être
pondérée par le développement de pratiques récentes de co-analyse de
l'activité dans le champ de l'analyse du travail). Cette distinction est
évidemment à mettre en lien avec les enjeux poursuivis par les deux
démarches. L'analyse de pratiques, du fait de cette implication totale du
salarié dans l'auto-analyse de ses pratiques a pour enjeu une certaine
« conscientisation » par le salarié de ses propres capacités voire le
développement d'une flexibilité identitaire. En effet, dès lors que le
salarié est impliqué dans l'analyse de ses pratiques, il prend de la
distance par rapport à son action et développe une capacité à gérer ses
pratiques. L'analyse de pratiques réalisée de manière collective, avec une
équipe de travail naturelle par exemple, peut avoir ainsi pour enjeu
d'améliorer le travail d'équipe tout en redéfinissant les règles d'échange
entre les acteurs. On peut dire qu'il s'agit d'une logique
d'autoprescription et d'autochangement. L'analyse du travail poursuit
d'autres enjeux qui sont ceux traditionnellement de la psychologie du
travail : l'adaptation d'un système de travail aux salariés, l'analyse de
besoins en formation... Il s'agit souvent (mais pas toujours) de mesurer
des écarts entre des pratiques observées de l'extérieur et des standards
existants dans l'organisation.
une diversité de pratiques d'analyse de pratiques
Dans les faits, on constate la mise en ?uvre de dispositifs d'analyse
de pratiques très divers. Cette diversité s'explique probablement par la
combinaison de deux facteurs : la « théorie de l'action professionnelle »
mobilisée implicitement par l'animateur de la séance d'analyse de pratiques
(c'est à dire la façon dont son animation repose sur une conception
implicite particulière de ce qu'est l'action professionnelle) d'une part et
l'intention sociale donnée au dispositif mis en ?uvre, d'autre part. La
combinaison de ces deux facteurs donne à voir des pratiques d'analyse de
pratiques différentes. D'une part, en effet, les animateurs des groupes d'analyse de
pratiques fondent leur animation sur une conception de l'action
professionnelle qui peut varier quant à