Le principe de collégialité devant le juge de l'Union européenne ...

En revanche, c'est dans le cadre de l'exercice de son contrôle que le juge de .....
pas être corrigé par une mesure de régularisation rétroactive, après le dépôt de
... Dans un tel cas, la Commission peut procéder à la notification d'une version
..... [5] L. AZOULAI, "Le principe de bonne administration", in J-B Auby, J. Dutheil
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Le principe de collégialité devant le juge de l'Union européenne
Eleftheria Neframi
Professeur à l'Université Paris 13 PRES Sorbonne Paris Cité, Chaire Jean
Monnet


Si la collégialité est souvent abordée sous l'angle de son application
aux juridictions, la présente contribution ne traitera pas de la formation
collégiale des juridictions de l'Union européenne. Le contentieux de
l'Union ne laisse pas de place aux opinions dissidentes et réserve un rôle
limité au juge unique[1]. En outre, dans le cadre de l'invocabilité du
droit à un procès équitable à l'égard du juge de l'Union, il est considéré
que la collégialité est réputée neutraliser le risque de partialité d'un
membre de la formation. La Cour de justice a estimé que le fait que le même
juge présent dans les deux formations successives du Tribunal de l'Union se
soit vu confier les fonctions de juge rapporteur "est par lui-même sans
incidence sur l'appréciation du respect de l'exigence d'impartialité dès
lors que lesdites fonctions sont exercées dans une formation
collégiale"[2]. En revanche, c'est dans le cadre de l'exercice de son
contrôle que le juge de l'Union érige la collégialité en principe du droit
administratif européen et en précise la portée. C'est ainsi le traitement
contentieux du principe de collégialité qui retiendra notre attention.
Plus précisément, la collégialité en droit de l'Union européenne concerne
la Commission européenne. L'article 17§8 du traité sur l'Union européenne,
relatif à la responsabilité de la Commission devant le Parlement européen,
fait référence à la Commission en tant que collège. C'est ainsi
collectivement que les membres de la Commission doivent démissionner de
leurs fonctions en cas d'adoption d'une motion de censure. Par ailleurs,
l'article 250 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ancien
article 219 CE) prévoit que les délibérations de la Commission sont
acquises à la majorité de ses membres. C'est cette disposition qui, selon
la jurisprudence, établit le principe de collégialité. Celui-ci se
concrétise dans l'article 1er du règlement intérieur de la Commission[3],
selon lequel "la Commission agit en collège conformément aux dispositions
du présent règlement intérieur".
La collégialité est ainsi premièrement une modalité de fonctionnement de
la Commission européenne. Il s'agit d'une règle de droit dont le respect
relève du contrôle par le juge de l'Union de la légalité externe des actes
adoptés par les institutions. Si la collégialité régit toute action de la
Commission, y compris l'élaboration des propositions d'actes législatifs,
c'est surtout dans le cadre du contrôle des actes non-législatifs, adoptés
par la Commission dans les cas d'administration directe, que le moyen
relatif à son respect est susceptible de mettre en question la présomption
de validité de l'acte attaqué. La collégialité paraît ainsi comme une règle
du droit administratif européen, concernant le fonctionnement d'une
institution identifiée à l'administration européenne[4].
La collégialité n'est cependant pas uniquement une règle de procédure.
Elle exprime l'exigence d'impartialité, qui constitue le noyau dur du
principe de bonne administration. Malgré l'incertitude sur l'existence
autonome d'un tel principe[5], l'article 41 de la Charte des droits
fondamentaux de l'Union européenne consacre le droit à une bonne
administration, qui signifie que "toute personne a le droit de voir ses
affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai
raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union". Or,
l'impartialité dans l'action de la Commission présuppose le respect de la
collégialité. La collégialité est ainsi une règle protectrice des
administrés et le juge de l'Union est appelé à garantir son respect dans le
but d'une protection juridictionnelle effective. La collégialité s'inscrit
dans le cadre plus large de l'exigence d'une bonne administration, exprimée
dans l'article 298§1 TFUE[6], considéré comme le fondement du principe de
bonne administration et concrétisé dans la Charte des droits
fondamentaux[7]. C'est le rattachement de la collégialité au droit à une
bonne administration qui justifie son statut de principe du droit
administratif européen, de droit procédural relevant du contrôle du juge et
s'inscrivant dans la balance des intérêts au profit de la protection des
administrés[8]. Dans cette approche, le principe de collégialité enrichit
le droit à une bonne administration, contribuant à la considération de la
bonne administration comme un principe autonome, même si celui-ci est en
même temps l'expression de principes spécifiques, tels le principe de
transparence ou l'exigence de motivation. Le rattachement implicite de la
collégialité au principe de bonne administration permet au juge
d'interpréter la règle procédurale de manière à assurer l'effectivité du
droit à une bonne administration[9].
La jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sera
présentée sous l'angle du rattachement de la collégialité à la bonne
administration. Nous traiterons d'abord du principe de collégialité en tant
que forme substantielle (I), pour l'aborder ensuite en tant que droit
subjectif des administrés (II).


I. Le principe de collégialité comme forme substantielle
La violation de la collégialité constitue un vice de procédure qui
conduit à l'annulation de la décision adoptée. La violation de la
collégialité peut également être invoquée comme exception d'irrecevabilité
dans le cadre de la procédure en manquement. La collégialité étant une
forme substantielle dans l'objectif de protéger les intéressés, bénéficiant
d'une source matérielle spécifique, elle exprime la règle d'impartialité et
acquiert le statut de principe par son traitement contentieux. Le juge
européen se réfère en effet à la collégialité pour encadrer et sanctionner
l'action de la Commission, ce qui est une caractéristique des
principes[10]. Le principe de collégialité s'inscrit implicitement dans le
cadre du principe de bonne administration. Certes, le principe de
collégialité trouve un fondement juridique propre et spécifique. Mais le
principe de bonne administration étant conçu comme embrassant la
collégialité, dans le sens de l'impartialité, le rattachement permet de
justifier le caractère fondamental du principe de collégialité, qui
justifie son traitement contentieux. La jurisprudence précise la portée du
principe (A) et son statut contentieux (B).
A. La portée du principe de collégialité
Selon une jurisprudence constante du juge de l'Union, le fonctionnement
de la Commission est régi par le principe de collégialité. Le principe
repose sur l'égalité des membres de la Commission dans la participation à
la prise de décision et implique notamment que les décisions soient
délibérées en commun et que tous les membres du collège soient
collectivement responsables, sur le plan politique, de l'ensemble des
décisions arrêtées[11].
Le principe de collégialité couvre la motivation de l'acte adopté. Selon
l'arrêt de la Cour de justice Commission c/ BASF, le dispositif et motifs
d'une décision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l'article
296 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ancien article
253 CE) constituent un tout indivisible, de sorte qu'il appartient
uniquement au collège des membres de la Commission, en vertu du principe de
collégialité, d'adopter à la fois l'un et les autres, toute modification
des motifs dépassant une adaptation purement orthographique ou grammaticale
étant du ressort exclusif du collège[12].
Le Tribunal a considéré que les affirmations des parties intervenantes au
soutien d'une décision de la Commission en matière de concurrence ne sont
pas couvertes par le principe de collégialité et ne sauraient pallier le
défaut de motivation dont serait entachée la décision[13]. Même si les
affirmations des intervenants justifient la décision adoptée, la motivation
doit figurer sur le texte de l'acte, en vue d'un contrôle juridictionnel
effectif.
Le Tribunal a de même annulé pour défaut de motivation une décision de la
Commission en matière d'aides d'Etat, considérant que c'est le collège des
membres de la Commission qui exerce le pouvoir spécifique de se prononcer
sur la compatibilité des aides d'Etat avec le marché intérieur.
L'argumentation présentée par les agents de la Commission devant le
Tribunal ne saurait remédier à l'insuffisance de la motivation de la
décision attaquée[14].
Toutefois, le principe de collégialité n'est pas incompatible avec le
recours à l'habilitation et les délégations de signature. En effet, les
mesures de gestion ou d'administration peuvent être adoptées sur
habilitation, seules les décisions de principe doivent être adoptées par la
Commission en collège. Le juge de l'Union considère en outre que les
délégations de signature constituent le moyen normal par lequel la
Commission exerce ses compétences[15].
Le juge de l'Union devra ainsi déterminer si une mesure adoptée par
dérogation au principe de collégialité constitue effectivement une mesure
d'exécution. Toutefois, l'intérêt de la question sera renouvelé dans la
mesure où la catégorie des actes délégués, introduite par le traité de
Lisbonne (article 290 TFUE) se place entre l'adoption de nouvelles normes
et l'exécution de