Chapitre 3 Une université de plein exercice au xve siècle Au sortir d ...

Le xve siècle voit ainsi l'université d'Angers atteindre sa pleine maturité. ..... les
autorités étaient Cicéron en rhétorique ou Aristote en logique ; en théologie, ...
partir du xive siècle pour devenir un simple exercice d'entraînement aux
examens.

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Chapitre 3

Une université de plein exercice au xve siècle




Au sortir d'une longue phase de mutation portée par
l'interventionnisme du pouvoir royal, l'université d'Angers est donc entrée
dans sa vie d'institution corporative, à l'instar des autres studia du
royaume. La fin du Moyen Âge fut une période de pleine prospérité pour ce
centre d'études, ainsi qu'en témoignent la fondation de nouvelles facultés
en 1432, la construction de bâtiments propres inaugurés en 1477,
l'institution d'une bibliothèque, le nombre de ses étudiants et la vitalité
des nations qui jouaient un rôle capital dans la vie de l'université. Le
xve siècle voit ainsi l'université d'Angers atteindre sa pleine maturité.
Le contexte ne s'y prêtait pourtant pas forcément - du moins en
apparence. La guerre de Cent Ans avait transformé l'Anjou en une zone
tampon entre les territoires contrôlés par les Anglais - Normandie et
Maine, régions traditionnellement pourvoyeuses de nombreux étudiants,
depuis lesquelles le duché fut continuellement harcelé jusqu'à la fin des
années 1430 - et les régions restées fidèles au roi Charles VII (fig. 1).
Il y avait également les résurgences de la peste, particulièrement brutales
en 1449, 1462-1463, 1471-1472 - un officier du duc affirmant alors que les
trois quarts de la population avaient déserté la ville - et dans les années
1480 où la hantise de la contagion fut permanente. Quant à la situation
économique, elle réservait son lot de famines ou de disettes et de
perturbations des échanges. Au cours du xve siècle, la création de trois
nouvelles universités concurrentes dans la France de l'Ouest constitua une
autre menace pour le rayonnement d'Angers. Poitiers en 1431, par le pape
Eugène IV (1431-1447) à la demande du roi Charles VII pour contrebalancer
l'influence de Paris alors aux mains des Anglo-Bourguignons. Caen en 1432-
1437, par le même pontife, à la requête cette fois du roi d'Angleterre
Henri VI qui dominait la Normandie, studium confirmé par Charles VII en
1452 au lendemain de la reconquête de cette province. Nantes enfin en 1460,
après plusieurs tentatives avortées de fondation, connut un bref essor
jusqu'à la guerre d'indépendance du duché de Bretagne qui dispersa la
communauté universitaire en 1487 - et entretint l'insécurité dans l'Anjou
voisin. Ces nouvelles créations ont potentiellement entravé l'essor de
l'université d'Angers, mais dans des proportions qu'il est impossible de
mesurer. Malgré tout, l'université d'Angers était alors florissante.


1. Reconnaissance et consolidation de l'institution

1. 1. Une université à maturité

Une preuve de la reconnaissance de l'université est sa participation
aux assemblées ecclésiastiques réunies pour mettre fin au Grand Schisme
d'Occident déclenché par la double élection pontificale de 1378. Au début
du xve siècle, la réunion d'un concile général s'imposa comme la seule voie
susceptible de rétablir l'union de l'Église. Au concile de Pise (1409),
l'université fut représentée par Guillaume Maugendre (+ 1432), régent en
droit civil, et Nicolas de Mellay (+ 1413), un Angevin de naissance,
chanoine de la cathédrale également régent en lois ; dans l'ordre des
listes des pères du concile, le studium d'Angers vient immédiatement après
ceux de Paris, Bologne et Toulouse[i]. Cette assemblée ayant débouché sur
une aggravation du schisme avec l'élection d'un troisième pape, il fallut
un nouveau concile, tenu à Constance (1414-1418) pour désigner un pontife
d'union en la personne de Martin V en 1417. Cette fois, l'université avait
trois représentants : le régent Hervé l'Abbé et deux licenciés, dont Pierre
Bonhomme (+ 1446), natif d'Angers, doyen de la collégiale Saint-Pierre et
conseiller des ducs d'Anjou.
La maturité de l'institution se manifeste aussi dans son
organisation. Dès 1410, une quarantaine d'articles furent ajoutés aux
statuts de 1398 [Fournier I, n° 434]. À la différence de ces derniers qui
avaient été supervisés par des officiers royaux, la réforme de 1410 résulte
d'une décision interne à la corporation et vient témoigner d'une
« démocratisation » de son fonctionnement, en donnant toujours davantage
satisfaction aux étudiants et aux nations. Ainsi, pour l'élection du
recteur, chacune des six nations devait désigner un membre et les six
représentants assemblés avaient à choisir le recteur parmi les licenciés et
non plus dans les rangs des régents. Le collège de l'université était tenu
de se réunir trois fois par semaine pour décider des affaires courantes,
les docteurs ne pouvant plus voter sur les décisions qui les concernaient.
De plus, avant d'être admis à la régence, le docteur devait donner une
leçon publique au cours de laquelle écoliers, bacheliers et licenciés
pouvaient le contredire et compromettre son élection. Ces nouvelles
orientations montrent la prise en main du gouvernement de l'université par
les nations, situation appelée à s'estomper sous l'Ancien Régime. Comme
tout corps constitué, l'université avait le droit d'assemblée, organe de la
vie collégiale et démocratique - avant que les non-gradués ne soient exclus
des assemblées en 1463[ii]. Le rôle du maître-école était définitivement
confiné à la seule collation des grades, sans qu'il puisse refuser un
étudiant jugé apte par les régents. Preuve de cette marginalisation, le
dernier maître-école de la période ne parvint jamais à décrocher une chaire
de régent à l'université et finit par se démettre de sa dignité au
chapitre.

Tableau 3 : Les maîtres-écoles du chapitre cathédral d'Angers (xve siècle)

|Dates |Nom |
|1412-+ 1422 |Thomas Girou |
|1423-1432 |Pierre Robert |
|1432-+ 1465 |Jean Bouhalle |
|1466-+ 1472 |Michel Grolleau |
|1472-1508 |Gui Pierres |

[Source : Matz, Comte, 2003, p. 137]


1. 2. La création des nouvelles facultés

Cependant, l'université d'Angers se limitait encore officiellement au
seul enseignement juridique [Fournier, 1892]. La consécration comme studium
generale complet vint en 1432 avec la bulle pontificale d'Eugène IV par
laquelle il créait les facultés des arts libéraux, de théologie et de
médecine. À l'origine de cette mesure, le pape invoque l'insécurité du
temps qui empêchait les étudiants de l'Ouest d'aller quérir leurs grades à
Paris ainsi que la supplication de l'université, de Yolande d'Aragon et de
son fils le duc d'Anjou Louis III (1417-+ 1434) - sans préciser toutefois
si leur intervention était une réponse à la fondation de l'université de
Poitiers l'année précédente. En diplomate avisé, le pape cherchait sans
doute à complaire aux princes angevins, de façon à disposer de leur soutien
dans le bras de fer qui venait de s'ouvrir avec le concile bientôt
schismatique de Bâle (1431-1449). Finalement, le contexte général ne
s'avérait pas si défavorable.




Bulle d'Eugène IV instituant les facultés des arts, de médecine et de
théologie d'Angers
(3 octobre 1432)

Eugène, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, pour mémoire
perpétuelle.
Placé au sommet de la hiérarchie par la grâce du Seigneur et sans
mérite de notre part, nous suivons d'un ?il averti, autant que depuis cette
hauteur il nous est possible de le faire, à titre de pasteur de l'universel
troupeau chrétien confié à nos soins, les progrès et les aspirations de
tous les fidèles. Notre constant souci est de les pousser tous à l'étude,
principalement à l'étude de la théologie et des autres branches du savoir
susceptibles d'être utiles aux disciples du Christ. Ainsi faisant, la
lumière de la vérité luira dans les ténèbres ; la voie sera ouverte à ceux
qui désirent contempler réellement l'essence de la divinité, et les fumées
de l'hérésie dissipées, on verra resplendir la pureté de la foi catholique
en même temps que s'accroître le bien-être général.
Considérant donc la demande qui nous a été faite naguère par nos très
chers fils et fille en Jésus-Christ le roi Louis et la reine Yolande, nos
illustres et bien-aimés le recteur et l'université de l'étude d'Angers, il
appert qu'Angers, soumise au pouvoir temporel desdits roi et reine, est une
grande cité peuplée, l'une des plus considérables de France ; elle possède
une cathédrale, des églises collégiales, quatre monastères d'hommes dans ou
autour de ses murs. Une faculté de l'un et l'autre droit qui, établie
depuis longtemps par l'autorité du Siège apostolique, avec divers
privilèges, libertés, immunités et indulgences, continue d'y fleurir
encore. On sait qu'Angers est à soixante-quatre lieues environ de Paris, où
de temps immémorial des facultés de théologie, des arts et de médecine sont
en plein exercice. En raison des guerres et discordes civiles, les
habitants d'Angers et des environs ne peuvent sans graves dangers pour
leurs biens et leurs personnes profiter commodément de ces facultés
parisiennes. Quel avantage pour la propagation de la foi ! Quel secours il
en résulterait progressivement pour le salut des âmes et des corps si
Angers possédait ces facultés ! C'est pourquoi, à cause surtout de la
théologie, plus spécialement destinée à édifier les fidèles, à démasquer et
chasser la superstition et l'erreur, mais aussi à cause de la part que l'on
peut attendre des autres facultés pour le salut éternel, nous en souhaitons
l'établissement.
Nos v?ux concordant avec la pétition du roi, de la reine, du recteu