La crise de la culture, Hannah ARENDT - IPAG de Nantes
A ce titre, s'il est parfois regrettable que la culture soit considérée comme un .....
sur une cohérence dont la manipulation mène à la perte de toute vérité absolue.
..... La liberté philosophique consiste en l'exercice de la volonté
indépendamment des ...... Ainsi, l'affirmation « les hommes sont égaux » n'est
pas démontrable.
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TABLE DES MATIERES
I. La tradition et l'âge moderne 3
II. Le concept d'histoire : 6
III. Qu'est-ce que l'autorité ? 10
IV. Qu'est-ce que la liberté ? 14
V. La crise de l'éducation 17
VI. La crise de la culture - portée sociale et politique 19
VII. Vérité et politique 21
VIII. La conquête de l'espace et la dimension de l'homme 28
La tradition et l'âge moderne
A travers cet ouvrage Hannah ARRENDT entend nous aider à savoir comment
penser en notre siècle, notamment par une analyse critique de la crise de
la culture vécue aujourd'hui dans le rejet de la tradition, quand
longtemps la tradition lui servit de guide.
I.1 Paragraphe1
La tradition de pensée politique s'illustre dans la doctrine de
Platon, et notamment dans l'allégorie de la caverne, qui peut être
considérée comme le commencement de la tradition de pensée politique. Dans
sa volonté de s'en affranchir, voire de la nier, Marx en fixe la fin et
paradoxalement en affirme la puissance.
C'est principalement dans son rapport au travail que Marx marque la
distance à la tradition de pensée politique platonicienne. En effet, dans
l'idéal marxiste, et plus particulièrement dans la partie de sa doctrine
habituellement nommée utopique, la productivité parvenue à son paroxysme
provoquerait la fin de l'Etat et engendrerait une société universellement
tournée vers le loisir, puisque affranchie de la contrainte laborieuse.
L'administration de la société devient alors si simple qu'elle ne revêt
d'intérêt que pour les esprit les plus « médiocres ».Dans la tradition
athénienne la condition de citoyenneté n'était subordonnée à
l'affranchissement du travail que du fait de la difficulté de la chose
publique et de l'attention qu'elle requérait ; le loisir consistait alors à
non pas à se libérer du travail, mais de l'activité politique. Pour Marx la
société idéale réalise la délivrance de ces deux contraintes, du travail et
le l'activité politique, pour une vie consacrée à des buts plus élevés. Ses
« prédictions », théorie d'une société sans classes, sans Etat et sans
travail interviennent dans la négation de la tradition comme inadaptée à
la société contemporaine, mais grâce à l'appréhension de cette société au
moyen de concepts traditionnels.
De manière constante Marx s'est rebellé contre la tradition, et c'est
dans cette lutte que chacune de ses thèses puise sa signification. La
philosophie classique n'a plus droit de cité et émane désormais de la
classe laborieuse. En effet l'homme n'est plus l'?uvre de Dieu, mais créé
par son propre travail, et distinct de l'animal non pas par la raison, mais
par son travail, traditionnellement activité la plus méprisée.
La violence des guerres et des révolutions n'est plus ici l'ultime
arme de la tyrannie, mais le révélateur de la réalité sociétale derrière
l'hypocrisie des discours idéologique. Elle se fait l'arme indispensable à
la classe dirigeante pour exercer son oppression.
Quand Aristote distingue le citoyen du barbare ou de l'esclave par sa
participation volontaire au jeu des contraintes politiques, établies par le
discours et la persuasion, par opposition au travail qui tenait des
affaires privées et établissait un rapport négatif entre les hommes, Marx
établit que les superstructures idéologiques ne reposent que sur
l'hostilité au dialogue et la glorification de la violence.
Pour Marx la philosophie ne peut plus être limitée à la réflexion,
elle doit être complétée par l'action, et rejoindre le monde des affaires
communes des hommes. La philosophie ne sera plus alors pour quelques uns,
mais la réalité de sens commun pour tous.
Ces théories contiennent cependant des contradictions insolubles en
leurs propres termes : si l'homme se définit par son travail, né par
l'action violente alors action humaine du plus haut rang, qu'adviendra-t-il
quand l'un et l'autre auront fondu dans l'aboutissement de la lutte des
classes et la disparition de l'Etat ?
Si les contradictions de Marx jugées mineures sont généralement
présentées comme les divergences « entre le point de vue scientifique de
l'historien et le point de vue moral du prophète », celles évoquées supra
traduisent la difficulté de Marx, que connaissent également Kierkegaard et
Nietzsche, à penser contre la tradition en lui empruntant ses outils
conceptuels.
Ainsi, en privant la pensée de réalité au profit de l'action vidée de
sens, Marx sonne le glas de la pensée politique apparue lorsque Platon
découvrit que la pensée philosophique ne se concevait qu'affranchie des
contingences de l'activité humaine.
I.2 Paragraphe 2
A l'exception de la période romaine au cours de laquelle ont utilisé
la tradition comme lien entre les génération et moyen de compréhension du
monde contemporain par l'expérience de civilisations antérieures, la
tradition n'a jamais exercé son emprise sur la pensée de l'homme occidental
par la conscience qu'il en avait.
La fin de la tradition cependant n'induit pas la fin des concepts
traditionnels qui puisent leur force dans la volonté même chez Marx,
Kierkegaard et Nietzsche de rompre radicalement avec les thèses
fondamentales politiques, religieuses et métaphysiques. La rupture dans
notre histoire s 'explique plutôt par la résultante de problèmes de masse
dans ces trois domaines, générés par une idéologie totalitaire. Le
totalitarisme en tant que fait institué ne peut par essence s'appréhender
au regard de concepts traditionnels et la rupture est irréversible.
Tenir les penseurs du XIXe responsables, par leur opposition à la
tradition, de cette rupture serait injuste, voire risqué. C'est
l'apparition de nouveaux problèmes, résultant notamment de l'émergence de
l'ère industrielle, auxquels la tradition était impuissante à apporter des
solutions, qui les a mis dans l'obligation de choisir d'autres voies.
Cependant ces bribes d'explication ne sauraient justifier à elles
seules une rupture, qui pour être irrévocable, ne peut être que le fait
d'actes et non de pensées, la réaction de Marx, Kierkegaard et Nietzsche
s'inscrivant par ailleurs dans un cadre traditionnel.
Hegel, en définissant l'histoire comme un déroulement continu dont il
serait lui-même un élément entre le passé et le futur, indépendant de l'un
et de l'autre, se libère du joug de l'autorité de la tradition à laquelle
il substitue la continuité historique, ouvrant ainsi la voie à ses
successeurs , Marx, Kierkegaard et Nietzsche, vers un système libéré du
passé, même dans son cadre traditionnel.
A ce titre, s'il est parfois regrettable que la culture soit
considérée comme un fossile de peu d'intérêt, la liberté de regard que
confère ce détachement au passé permet d'observer ce dernier libre de toute
pression.
I.3 Paragraphe 3
Chaque atteinte à la tradition peut être regardée comme une tentative
de rapporter la nouveauté à ce qui est connu donc maîtrisé. Ainsi
Kierkegaard se réfugie dans la croyance pour échapper à l'angoisse du doute
quant à l'existence de Dieu, mais également quant à la raison. Pour Marx,
la transformation par Hegel de la métaphysique en philosophie de l'histoire
et du philosophe un l'historien enchaîné au passé rend inévitable l'abandon
de la contemplation au profit de l'action. Nietzsche quant à lui cru
possible de se détourner des valeurs platoniciennes par une
« transvaluation des valeurs ».
Tous trois ont en commun un débouché de leurs luttes respectives
inverse au but recherché.
En essayant d'échapper au doute par la croyance, Kierkegaard en fit
une religion qui ne ce concevait que par lui et qui supposait que la
pureté ne pouvait s'envisager que dans un esprit simple, privé de potentiel
intellectuel.
En théorisant l'action politique pour en chasser la notion
philosophique, Marx, pour vouloir confondre loi de l'histoire et politique,
finit par perdre la signification et de l'une, et de l'autre.
Enfin , Nietzsche dans sa tentative de « transvaluation », découvrit
que le sensible ne pouvait s'entendre sans le suprasensible et le
transcendant.
Si la volonté d'opposer la dignité , pour Kierkegaard de la foi contre
la raison, pour Marx de l'action humaine contre la contemplation ou pour
Nietzsche de la vie humaine contre l'impuissance de l'homme moderne, si
donc cette volonté s'est soldée par un échec, la grandeur et la pertinence
de ces entreprises ne sauraient être remises en cause, car elles mettent en
évidence mais également prennent en considération les incompatibilités de
la tradition avec certains aspects de la modernité.
Kierkegaard avait compris qu'un esprit de défiance qui ne se fie qu'à
ce qu'il a lui même établi ne peut se satisfaire de présupposés issus de la
tradition. En essayant de sauver la foi de la modernité, il la rendit
moderne et donc en proie au doute et à la défiance.
Marx essaya de sauver la pensée philosophique par sa réalisation grâce
au travail élevé jusqu'à exprimer la liberté de productivité de l'homme, et
l'assujettit dans le même temps au despotisme de la nécessité.
Avec l'émergence de la science nouvelle qu'est l'économie apparaît la
notion de valeur, unité de mesure sans lien avec la valeur intrinsèque du
bien auquel elle se rapporte, mais établie dans la relativité en perpétuel
changement d'échanges commerciaux. Elle devient l'apanage de la société et
non de l'homme qui produit ce bien. La notion de bien (par opposition au
mal) perd son caractère