En famille - OER2Go
corriger v. (erreur) corregir ; (châtier) castigar. corroborer v. corroborar (ò).
corrompre v. ..... cube m. cube. cueillette f. ...... exercice m. exercici. exhaler v. ......
(maladroit) mauagit -ida, esquèr,ra, guècho -a [tch] ; (opposée à la droite) f.
esquèrra, gaucha F ...... indigo m. indi ...... mission f. mission ...... pavé m. pavat [w
] ; peirat.
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Hector Malot
En famille
roman
BeQ
Hector Malot
1830-1907
En famille
roman
La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 316 : version 1.01
Du même auteur, à la Bibliothèque :
Sans famille
Romain Kalbris
Baccara
Une femme d'argent
Anie
Ghislaine
Conscience
En famille
Édition de référence :
Paris, Ernest Flammarion, Éditeur.
I
Comme cela arrive souvent le samedi vers trois heures, les abords de la
porte de Bercy étaient encombrés, et sur le quai, en quatre files, les
voitures s'entassaient à la queue leu leu : haquets chargés de fûts,
tombereaux de charbon ou de matériaux, charrettes de foin ou de paille, qui
tous, sous un clair et chaud soleil de juin, attendaient la visite de
l'octroi, pressés d'entrer dans Paris à la veille du dimanche.
Parmi ces voitures, et assez loin de la barrière, on en voyait une
d'aspect bizarre avec quelque chose de misérablement comique, sorte de
roulotte de forains mais plus simple encore, formée d'un léger châssis
tendu d'une grosse toile ; avec un toit en carton bitumé, le tout porté sur
quatre roues basses.
Autrefois la toile avait dû être bleue, mais elle était si déteinte,
salie, usée, qu'on ne pouvait s'en tenir qu'à des probabilités à cet égard,
de même qu'il fallait se contenter d'à peu près si l'on voulait déchiffrer
les inscriptions effacées qui couvraient ses quatre faces : l'une, en
caractères grecs, ne laissait plus deviner qu'un commencement de mot :
????? ; celle au-dessous semblait être de l'allemand : graphie ; une autre
de l'italien : FIA ; enfin la plus fraîche et française, celle-là :
photographie, était évidemment la traduction de toutes les autres,
indiquant ainsi, comme une feuille de route, les divers pays par lesquels
la pauvre guimbarde avait roulé avant d'entrer en France et d'arriver enfin
aux portes de Paris.
Était-il possible que l'âne qui y était attelé l'eût amenée de si loin
jusque-là ?
Au premier coup d'?il on pouvait en douter, tant il était maigre,
épuisé, vidé ; mais, à le regarder de plus près, on voyait que cet
épuisement n'était que le résultat des fatigues longuement endurées dans la
misère. En réalité, c'était un animal robuste, d'assez grande taille, plus
haute que celle de notre âne d'Europe, élancé, au poil gris cendré avec le
ventre clair malgré les poussières des routes qui le salissaient ; des
lignes noires transversales marquaient ses jambes fines aux pieds rayés,
et, si fatigué qu'il fut, il n'en tenait pas moins sa tête haute d'un air
volontaire, résolu et coquin. Son harnais se montrait digne de la voiture,
rafistolé avec des ficelles de diverses couleurs, les unes grosses, les
autres petites, au hasard des trouvailles, mais qui disparaissaient sous
les branches fleuries et les roseaux, coupés le long du chemin, dont on
l'avait couvert pour le défendre du soleil et des mouches.
Près de lui, assise sur la bordure du trottoir, se tenait une petite
fille de onze à douze ans qui le surveillait.
Son type était singulier : d'une certaine incohérence, mais sans rien de
brutal dans un très apparent mélange de race. Au contraire de l'inattendu
de la chevelure pâle et de la carnation ambrée, le visage prenait une
douceur fine qu'accentuait l'?il noir, long, futé et grave. La bouche aussi
était sérieuse. Dans l'affaissement du repos le corps s'était abandonné ;
il avait les mêmes grâces que la tête, à la fois délicates et nerveuses ;
les épaules étaient souples d'une ligne menue et fuyante dans une pauvre
veste carrée de couleur indéfinissable, noire autrefois probablement ; les
jambes volontaires et fermes dans une pauvre jupe large on loques ; mais la
misère de l'existence n'enlevait cependant rien à la fierté de l'attitude
de celle qui la portait.
Comme l'âne se trouvait placé derrière une haute et large voiture de
foin, la surveillance en eût été facile si de temps en temps il ne s'était
pas amusé à happer une goulée d'herbe, qu'il tirait discrètement avec
précaution, en animal intelligent qui sait très bien qu'il est en faute.
« Palikare, veux-tu finir ! »
Aussitôt il baissait la tête comme un coupable repentant, mais dès qu'il
avait mangé son foin en clignant de l'?il et en agitant ses oreilles, il
recommençait avec un empressement qui disait sa faim.
À un certain moment, comme elle venait de le gronder pour la quatrième
ou cinquième fois, une voix sortit de la voiture, appelant :
« Perrine ! »
Aussitôt sur pied, elle souleva un rideau et entra dans la voiture, où
une femme était couchée sur un matelas si mince qu'il semblait collé au
plancher.
« As-tu besoin de moi, maman ?
- Que fait donc Palikare ?
- Il mange le foin de la voiture qui nous précède.
- Il faut l'en empêcher.
- Il a faim.
- La faim ne nous permet pas de prendre ce qui ne nous appartient pas ;
que répondrais-tu au charretier de cette voiture s'il se fâchait ?
- Je vais le tenir de plus près.
- Est-ce que nous n'entrons pas bientôt dans Paris ?
- Il faut attendre pour l'octroi.
- Longtemps encore ?
- Tu souffres davantage ?
- Ne t'inquiète pas ; l'étouffement du renfermé ; ce n'est rien », dit-
elle d'une voix haletante, sifflée plutôt qu'articulée.
C'étaient là les paroles d'une mère qui veut rassurer sa fille ; en
réalité elle se trouvait dans un état pitoyable, sans respiration, sans
force, sans vie, et, bien que n'ayant pas dépassé vingt-six ou vingt-sept
ans, au dernier degré de la cachexie ; avec cela des restes de beauté
admirables, la tête d'un pur ovale, des yeux doux et profonds, ceux même de
sa fille, mais avivés par le souffle de la maladie.
« Veux-tu que je te donne quelque chose ? demanda Perrine.
- Quoi ?
- Il y a des boutiques, je peux t'acheter un citron ; je reviendrais
tout de suite.
- Non. Gardons notre argent ; nous en avons si peu ! Retourne près de
Palikare et fais en sorte de l'empêcher de voler ce foin.
- Cela n'est pas facile.
- Enfin veille sur lui. »
Elle revint à la tête de l'âne, et comme un mouvement se produisait,
elle le retint de façon qu'il restât assez éloigné de la voiture de foin
pour ne pas pouvoir l'atteindre.
Tout d'abord il se révolta, et voulut avancer quand même, mais elle lui
parla doucement, le flatta, l'embrassa sur le nez ; alors il abaissa ses
longues oreilles avec une satisfaction manifeste et voulut bien se tenir
tranquille.
N'ayant plus à s'occuper de lui, elle put s'amuser à regarder ce qui se
passait autour d'elle : le va-et-vient des bateaux-mouches et des
remorqueurs sur la rivière ; le déchargement des péniches au moyen des
grues tournantes qui allongeaient leurs grands bras de fer au-dessus
d'elles et prenaient, comme à la main, leur cargaison pour la verser dans
des wagons quand c'étaient des pierres, du sable ou du charbon, ou les
aligner le long du quai quand c'étaient des barriques ; le mouvement des
trains sur le pont du chemin de fer de ceinture dont les arches barraient
la vue de Paris qu'on devinait dans une brume noire plutôt qu'on ne le
voyait ; enfin près d'elle, sous ses yeux, le travail des employés de
l'octroi qui passaient de longues lances à travers les voitures de paille,
ou escaladaient les fûts chargés sur les haquets, les perçaient d'un fort
coup de foret, recueillaient dans une petite tasse d'argent le vin qui en
jaillissait, en dégustaient quelques gouttes qu'ils crachaient aussitôt.
Comme tout cela était curieux, nouveau ; elle s'y intéressait si bien,
que le temps passait, sans qu'elle en eût conscience.
Déjà un gamin d'une douzaine d'années qui avait tout l'air d'un clown,
et appartenait sûrement à une caravane de forains dont les roulottes
avaient pris la queue, tournait autour d'elle depuis dix longues minutes,
sans qu'elle eût fait attention à lui, lorsqu'il se décida à
l'interpeller :
« V'là un bel âne ! »
Elle ne dit rien.
« Est-ce que c'est un âne de notre pays ? Ça m'étonnerait joliment. »
Elle l'avait regardé, et voyant qu'après tout il avait l'air bon garçon,
elle voulut bien répondre :
« Il vient de Grèce.
- De Grèce !
- C'est pour cela qu'il s'appelle Palikare.
- Ah ! c'est pour cela ! »
Mais malgré son sourire entendu, il n'était pas du tout certain qu'il
eût très bien compris pourquoi un âne qui venait de Grèce pouvait s'appeler
Palikare.
« C'est loin, la Grèce ? demanda-t-il.
- Très loin.
- Plus loin que... la Chine ?
- Non, mais loin, loin.
- Alors vous venez de la Grèce ?
- De plus loin encore.
- De la Chine ?
- Non ; c'est Palikare qui vient de la Grèce.
- Est-ce que vous allez à la fête des Invalides ?
- Non.
- Ousque vous allez ?
- À Paris.
- Ousque vous remiserez votre roulotte ?
- On nous a dit à Auxerre qu'il y avait des places libres sur les
boulevards des fortif