leclézio - Comptoir Littéraire
DURIN, Lucien ...... annotés (février 1943, corrigé en 1953); 2 exemplaires d'une
liste dactylographiée « Aux murs ? », annotés ...... Exercice 1937 - achats 1937
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André Durand présente
Jean-Marie Gustave LE CLÉZIO
(France)
(1940-)
[pic]
Au fil de sa biographie s'inscrivent ses ?uvres
qui sont résumées et commentées
(surtout les romans ''Le procès-verbal'', ''Désert'', ''Onitsha'',
''Ritournelle de la faim'' et les recueils de nouvelles
''Mondo et autres histoires'' et ''Printemps et autres saisons''
[qui sont étudiés dans des fichiers à part]).
Bonne lecture !
Il appartient à une famille bretonne émigrée à l'Île Maurice au XVIIIe
siècle, qui y vivait dans une belle demeure, Eurêka. Son père, Raoul Le
Clézio, et sa mère, Simone Le Clézio, étaient cousins germains, tous les
deux ayant le même grand-père, Sir Eugène Le Clézio, et étant issus d'une
famille bretonne («le clézio» signifie «l'enclos» en breton du Morbihan)
émigrée au XVIIIe siècle à l'Île Maurice, qui était alors une colonie
française puis fut conquise par les Britanniques en 1810. Raoul Le Clézio
quitta l'île pour des raisons économiques, vint à Londres étudier la
médecine, et, ayant choisi de vivre loin de I'Europe, l'exerça pour le
gouvernement en Guyane anglaise, puis au Cameroun et au Nigeria, où il
soignait dans la brousse les lépreux et les impaludés.
Simone Le Clézio, venue en France avec son premier fils, Yves-Marie,
rejoignit la famille qui formait à Paris, pendant l'entre-deux-guerres, une
petite communauté qui, fidèle à ses origines bretonnes, habitait
Montparnasse. Du fait de la guerre, elle se réfugia à Nice, où naquit, le
13 avril 1940, Jean-Marie Gustave. Il fit ses études, enfant puis
adolescentLa petite famille connut les privations, dut même, du fait de sa
nationalité britannique, pour échapper aux soldats italiens et allemands,
fuir dans les montagnes de l'arrière-pays, à Saint-Martin-Vésubie et à
Roquebillière, où le jeune enfant entendit ces histoires effroyables,
murmurées dans la crainte, de Juifs assassinés alors qu'ils tentaient de
rejoindre I'ltalie. Il fut frappé aussi par «la destruction du port de Nice
par I'armée allemande en déroute, avec des charges de T.N.T. dont I'onde de
choc me jeta par terre. Je ressens encore au moment où je vous parle [en
2006] le sol qui bouge sous moi, j'entends le hurlement qui sort de ma
bouche.». De Nice, où il avait un sentiment d'exil, se sentant tout à fait
différent, tout à fait étranger, car l'origine de sa famille introduisait
dans son imaginaire la dimension de l'ailleurs, et le plaçait au croisement
de deux langues et de plusieurs cultures, il allait dire : «J'ai aimé et
détesté cette ville plus que tout» - «Quand on vit dans une ville comme
celle-là, le seul moyen d'échapper à l'univers urbain, c'est d'aller à la
plage. Donc, d'écrire sur la plage, de parler de la plage et de la mer,
puisqu'il y a ça à Nice.» - «Nice dans les années cinquante était d'une
grande injustice sociale. Cela me faisait mal. Sous le soleil, la pauvreté.
J'y ai vu mourir de faim des personnes âgées, de vieux Russes en exil, à
une époque où il n'y avait pas de de retraites ni de Sécurité sociale [...]
Toutes les indignations que, dans ma vie et dans tous les coins du monde,
je n'ai cessé de ressentir viennent de mon adolescence à Nice.»
Grandissant en parlant le français et l'anglais, il passa les cinq ou six
années de son enfance consciente à découvrir le monde à travers des films,
grâce au projecteur ''Pathé Baby'' de sa grand-mère. Avant même d'être un
lecteur, ce graphomane en herbe s'empara d'un crayon dès qu'il fut en
mesure de tracer une phrase, écrivit vite ses premiers textes : «Ma mère me
fournissait des tickets de rationnement, restés de la guerre ; je rédigeais
dessus de courtes histoires que j'expédiais à mes cousines, à l'Île
Maurice. Les thèmes de ces premiers balbutiements étaient déjà ceux de mes
livres d'adulte.» Les tickets de rationnement étaient le seul papier
disponible en ces temps de pénurie ; sa mère les cousait pour que cela
ressemble à de vrais livres, et il imagina déjà une collection ''Loup
noir'' dans laquelle il publierait de nombreux titres, ses oeuvres à venir.
Il voulut très tôt «écrire un livre d'aventures, un livre de Jules Verne,
faire un voyage et le raconter au premier degré».
Or, en 1946, il partit, avec sa mère et son frère, au Nigéria, où le père
était resté comme médecin pendant la Deuxième Guerre mondiale. Durant le
mois que prit la traversée en bateau, il composa deux petits livres, ''Un
long voyage'' et ''Oradi noir'', qui contiennent même une liste des
«ouvrages à paraître». Ce voyage, qui le fit rêver de devenir marin, et ce
séjour dans une terre de liberté absolue, qui dura jusqu'en 1948, le
marquèrent pour la vie : «J'ai I'impression que je n'aurai jamais fait
qu'un seul voyage dans ma vie : celui-là», confia-t-il.
Au retour, il découvrit les livres de la bibliothèque familiale, ceux de
Maupassant, Mirbeau, Zola, Loti, Verne, Louÿs, Lorrain, Defoe, Dickens,
Kipling (son auteur préféré), Stevenson, London, Conrad, mais aussi
Bougainville, Dumont d'Urville et l'abbé Rochon. Il continua à écrire des
récits de voyages imaginaires, des romans. Sa vocation littéraire se serait
précisée quand il imagina la vie, vie plus libre que la sienne, des jeunes
gens que leurs amis sifflaient pour qu'ils aillent avec eux sur la plage.
«Être écrivain, dans le fond, était ma ''vocation'' depuis ma petite
enfance. Ce passe-temps avait été soigneusement entretenu par mon
entourage, ma mère, ma grand-mère, mes lointaines cousines de Maurice avec
qui j'échangeais mes romans. En revanche, je crois avoir compris assez tôt,
particulièrement après avoir fait la connaissance de mon père en Afrique,
que cette activité ne pouvait en aucun cas être un métier, qu'elle ne
pouvait pas nourrir son homme, ni même lui donner une place dans la
société. Faire des études, ne pas rêvasser devant ses devoirs de maths ou
ses leçons d'histoire, avoir de bonnes notes, passer des concours, réussir
ses examens, envisager une carrière (dans ma famille, les hommes étaient
depuis des temps immémoriaux des médecins, des juges, des avocats, jamais
des hommes d'affaires et surtout pas des planteurs de canne à sucre), tel
était mon devenir, auquel je ne pouvais manquer de faillir, vu ma paresse
et mon manque d'attention et de concentration. Je devais être un fruit
sec.»
En effet, faisant ses études primaires et secondaires à Nice, il aurait
été, selon ses dires, «un élève médiocre». Mais un professeur le remarqua
et l'incita à écrire, «mon professeur de français-latin-grec, M. Larmat, le
seul qui m'ait jamais donné 20 sur 20 pour mes dissertations françaises.»
Jusqu'à I'adolescence, il passa ses vacances scolaires en Bretagne, à
Sainte-Marine, à I'embouchure de I'Odet, «également en Angleterre, que mon
père considérait comme sa véritable patrie».
Adolescent solitaire, il s'adonna à la poésie, inventa même une forme de
poésie polyphonique à interpréter par un orchestre vocal, projet ambitieux,
testé avec quelques camarades de classe, mais qui fit long feu. Alors il
s'essaya à la bande dessinée : «J'ai raté ma carrière. J'aurais aimé être
dessinateur de bandes dessinées [...]. Les bulles, malheureusement, ont
avalé le dessin». Vers l'âge de quinze ans, il écrivit un texte à la
Conrad qu'il allait reprendre dans ''Le chercheur d'or''. N'ayant d'autre
ambition que de devenir écrivain, il dit s'être employé sa jeunesse durant
à faire semblant de I'être jusqu'à, enfin, le devenir.
Au lycée, il se lia à un camarade plus mûr, Santos Balas, qui, féru de
philosophie, lui fit découvrir Parménide, et était adepte avant l'heure de
la «révolution universelle». Il se passionna pour ''L'arrache-c?ur'', le
roman de J.D. Salinger qu'il allait continuer à admirer toute sa vie. Après
le baccalauréat obtenu en 1957, il étudia au collège littéraire
universitaire de Nice, ainsi qu'aux universités de Bristol et de Londres.
En Angleterre, il épousa, en 1960, Marie-Rosalie Piquemal, de mère
polonaise et de père français, dont il eut, l'année suivante, une fille,
Patricia.
Il préférait l'Angleterre car il souffrait du climat qui régnait alors en
France : «C'était une drôle d'époque. [...] La guerre d'Algérie n'était pas
finie, et planait sur les garçons la menace d'être envoyés dans le
contingent [l'armée]. Un de mes camarades, un garçon très artiste, très
rebelle, nommé Vincent, du fait de ses mauvaises notes, est parti à la fin
de I'année 1960, et il a été aussitôt tué dans une embuscade. Un autre
convoyait des fonds pour le F.L.N.. Un autre était revenu en permission, le
cerveau lessivé, ne parlant que de bazookas et de ''bidons spéciaux''
(comme on nommait pudiquement le napalm). Certains de mes camarades pour
échapper au Moloch se tiraient une balle dans le pied, ou s'injectaient de
la caféine pour feindre une tachycardie, ou construisaient une folie qui au
cours des semaines de traitement à I'hôpital militaire devenait réelle.
L'état d'esprit était un mélange d'agressivité et de dérision, duquel le
mot ''absurde'' ne rendait qu'un faible écho. En même temps régnait en
France un racisme anti-arabe des plus répugnants, dont je ne peux
m'empêcher de ressentir la résurgence aujourd'hui [en 2006].» Lui qui
voyait des paquebots blancs partir bourrés de