du calcul numerique au calcul algebrique

L'Accès au Littéral et à l'algébrique : un Enjeu du Collège .... C'est l'arrivée des
structures, groupes, anneaux, corps, espaces vectoriels, .... De tels exercices
donnent aux lettres le statut d'outil de démonstration, et amènent à la question : ...

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Jean-Claude DUPERRET ; Jean-Claude FENICE
IREM de REIMS


L'Accès au Littéral et à l'algébrique : un Enjeu du Collège

« Le calcul algébrique est un outil. Pour quoi faire ? L'idéal serait
que cet outil n'apparaisse pas comme un carcan rigide ne servant à rien
d'autre qu'à s'enrichir lui-même et fonctionnant à vide, mais au contraire
comme un moyen de simplifier les problèmes. Bref, que cet outil soit
construit comme réponse à des classes de problèmes. »

(Conclusion d'un groupe de travail IREM animé par F. COLMEZ).

« L'usage de symboles et de lettres a mis longtemps à se dessiner.
Cependant le calcul algébrique a été possible sans recours aux symboles et
aux lettres, ce qui a été néanmoins un obstacle à son développement. Notons
que pour certains, les symboles n'étaient pas nécessairement une aide. Si
Herigone, vers 1645, écrit : « J'ai inventé une nouvelle méthode pour
formuler des démonstrations, résumée et intelligible, sans usage de quelque
langage », Hobbes, le philosophe, rétorque vers la même époque : « Les
symboles sont pauvre mesquinerie, même en tant que nécessaire échafaudage
de démonstration. Les symboles, même s'ils raccourcissent l'écriture, ne
font pas comprendre plus vite que si c'était écrit en mots... car il y a un
double travail de l'esprit, l'un de réduire les symboles en mots qui sont
eux-mêmes symboles, l'autre d'atteindre aux idées dont elles sont le
signe ».
Peut-on gommer de notre enseignement les errements historiques et faire
comme si l'usage des lettres et du symbolisme allait de soi ? »
(Chevallard)

Algèbre : approche historique et épistémologique[1]


Au début étaient les problèmes !

Que ce soit au 18ème siècle avant Jésus Christ, à Babylone, ou au 3ème
siècle avant Jésus Christ, avec Euclide, ou au 3ème siècle après Jésus
Christ, avec Diophante, on retrouve dans l'histoire le rôle fondamental des
mathématiques : résoudre des problèmes. Si à chacune de ces époques on
assiste à une résolution essentiellement géométrique, on voit aussi poindre
les algorithmes qui nous emmèneront vers les équations. Diophante va déjà
loin dans cette voie, en utilisant explicitement "un nombre qui possède en
soi une quantité indéterminée d'unités" dénommé "arithme".

Puis vint Al Khwarizmi !

C'est toujours à des problèmes de toutes sortes (problèmes d'héritage
entre autres) que se consacrent les mathématiciens arabes au 9ème siècle.
Mais l'un d'entre eux, Al Khwarizmi, originaire de Bagdad, va introduire
une rupture fondamentale : en regroupant différentes sortes de problèmes
qui se résolvent par le même algorithme, il déplace l'objet d'étude qui
devient la résolution d'équations.

Nous allons rapidement examiner deux aspects de sa « méthode » : tout
d'abord les transformations de base qui permettent de ramener tout problème
à une forme canonique ; ensuite la validation des algorithmes de résolution
par la géométrie. Pour aider à la lecture, nous traduisons son texte en
utilisant des « lettres », mais nous insistons sur le fait qu'il n'y a pas
de x et de x² chez lui, ce qui montre bien la distinction essentielle entre
l'algèbre et la littéralité.

Les transformations de base :

(d'où vient le mot algèbre), qui peut se traduire par compensation,
restauration, remplissage, reboutement, ... (au 16ème siècle, en Espagne,
un « algébriste » était un rebouteux !)

Exemple : "Si 3 choses diminuées de 5 valent 2 choses, je compense avec
5 ; alors 3 choses diminuées de 5 et augmentées de 5 valent 2
choses augmentées de 5 ; 3 choses valent donc 2 choses et 5."


Traduction moderne :

| 3x - 5 = 2x |[pic] |
|3x - 5 + 5 = 2x + 5 | |
|3x = 2x + 5 | |


Il s'agit de supprimer les « - ».

qui peut se traduire par mise en opposition, confrontation, balancement :

Exemple :"Si 3 choses valent deux choses et 5, alors 1 chose vaut 5."

Traduction moderne :

| 3x = 2x + 5 |[pic] |
|x = 5 | |


Il s'agit de regrouper les termes semblables dans un même membre (celui
où elles sont en nombre positif, car il n'y a pas de négatif chez Al
Khwarizmi).



Exemple :" Si 2 carrés et 42 valent 20 choses, alors 1 carré et 21
valent 10 choses."

Traduction moderne :

|2x² + 42 = 20x |[pic] |
|x² + 21 = 10x | |


Autre exemple : " Un demi-carré vaut 5 choses et 3, alors 1 carré vaut
2 fois 5 choses et 2 fois 3 "

Traduction moderne :

|x ² = 5x + 3 |[pic] |
|x² = 2 5x + 2 3 | |
|x² = 10x + 6 | |


Il s'agit ici de multiplier ou diviser les deux membres par un même
nombre pour arriver à une forme canonique.

On voit combien ces transformations sont proches de celles que nous
enseignons à nos élèves (ajouter ou retrancher...; multiplier ou diviser
.... ).

La résolution par la géométrie :

Al Khwarizmi étudie les équations du 1er et 2ème degré en les ramenant à
l'aide des transformations ci-dessus à l'une des 6 formes canoniques (en
langage moderne) :

ax² = bx ; ax² = c ; bx = c ; x² + bx = c ; x² + c = bx ; bx
+ c = x²


Regardons comment il termine alors la résolution en utilisant la
géométrie d'Euclide, sur la forme x² + bx = c.

Exemple : " Un carré et 10 choses valent 39 " (x² + 10x = 39)

1 ) On construit un carré de côté x :
[pic]

2 ) On borde ce carré de 2 rectangles dont l'aire respective est . On
obtient donc 5 comme autre dimension :

|[pic] |Cette figure, |
| |[pic] |
| |appelée "gnomon", montre bien |
| |l'influence des Grecs sur les |
| |Arabes, qui furent leurs fidèles |
| |traducteurs. |


3 ) On complète alors le grand carré :

[pic]

4. L'aire de ce carré est x² + 2 5x + 25
5. Or x² + 10x = 39, donc l'aire de ce carré est 64
6. Donc le côté de ce carré est 8.
7. Or le côté de ce carré est x + 5.
8. D'où : x = 3.

(Al Khwarizmi ne parle pas de l'autre racine de cette équation, car
pour lui, 64 n'a qu'une racine : 8).


Regarder x² + 10x comme le "début" d'un carré, c'est bien le
fondement de la résolution des équations du second degré en 1ère !


Viète invente le calcul littéral

En 1591, Viète écrit son "Introduction à l'Art analytique ou Algèbre
nouvelle", ouvrage dans lequel il généralise et formalise l'utilisation des
lettres :
"Afin que cette méthode (la mise en équation) soit aidée par quelque
artifice, on distinguera les grandeurs données des grandeurs inconnues et
cherchées en les représentant par un symbole constant, invariable et bien
clair, par exemple, en désignant les grandeurs cherchées par la lettre A ou
par toute autre voyelle, E, I, O, U, Y, et les grandeurs données par les
lettres B, C, D, ou toute autre consonne."
Mais si Viète crée un tel langage, ce n'est pas pour formaliser
l'écriture, mais, comme il le dit dans son traité, pour se donner de
nouveaux outils pour résoudre les problèmes.
On peut noter qu'on a régressé dans cette formalisation, et quand nos
élèves de 3ème découvrent "l'équation" y = mx + p, ils se demandent bien
quel est le statut de chacune de ces lettres.

Descartes systématise la "résolution par l'algèbre"

En 1637, Descartes initie une méthode qui va porter son nom, la méthode
cartésienne, méthode qui consiste à "algébriser la géométrie".
Descartes opère ainsi un renversement systématique entre l'algèbre et la
géométrie : en effet, jusque là les mathématiciens démontraient leurs
algorithmes de résolution par la géométrie, comme on l'a vu chez Al
Khwarizmi, en s'appuyant sur le livre V d'Euclide sur la mesure. Lui
indique comment résoudre "tous les problèmes" de géométrie par l'algèbre :
"Ainsi voulant résoudre quelque problème, on doit le considérer comme
déjà fait, et donner des noms à toutes les lignes, qui semblent nécessaires
pour le construire, aussi bien à celles qui sont inconnues qu'aux autres.
Puis sans considérer aucune différence entre ces lignes connues, et
inconnues, on doit parcourir la difficulté, selon l'ordre qui montre le
plus naturellement de tous en quelle sorte elles dépendent mutuellement les
unes des autres, jusqu'à ce qu'on ait trouvé moyen d'exprimer une même
quantité de deux façons : ce qui se nomme une Équation."
L'algébrisation des problèmes va donner une importance croissante au
calcul littéral, en systématisant la manière de s'en servir pour leur
résolution.
En 1798, Condillac, dans la "Langue des calculs" dit : "Les
mathématiques sont une science bien traitée dont la langue est l'algèbre".

L'algèbre et l'analyse

En regardant les lettres x, y, ... non plus comme des quantités fixes,
connues ou inconnues, mais comme des quantités variables, l'algèbre rejoint
l'analyse. La force simplificatrice de l'algèbre va s'imposer chaque fois
qu'elle le pourra dans ce domaine de l'analyse : travail sur des quantités
infinitésimales, dx, dy, ... ; algébrisati