I RENCONTRE DANS UN COULOIR 8 au 12 avril

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incandescence].

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STIEG LARSSON La reine du palais
des courants d'air
MILLENIUM 3
roman traduit du suédois
par Lena Grumbach et Marc de Gouvenain [pic]
ACTES SUD
I RENCONTRE DANS UN COULOIR 8 au 12 avril On évalue à six cents le nombre des femmes soldats qui combattirent dans
la guerre de Sécession. Elles s'étaient engagées déguisées en hommes.
Hollywood a raté là tout un pan d'histoire culturelle - à moins que celui-
ci ne dérange d'un point de vue idéologique ? Les livres d'histoire ont
toujours eu du mal à parler des femmes qui ne respectent pas le cadre des
sexes et nulle part cette limite n'est aussi marquée qu'en matière de
guerre et de maniement des armes.
De l'Antiquité aux Temps modernes, l'histoire abonde cependant en récits
mettant en scène des guerrières - les amazones. Les exemples les plus
connus figurent dans les livres d'histoire où ces femmes ont le statut de
« reines », c'est-à-dire de représentantes de la classe au pouvoir. La
succession politique, fût-ce une vérité désagréable à entendre, place en
effet régulièrement une femme sur le trône. Les guerres étant insensibles
au genre et se déroulant même lorsqu'une femme dirige le pays, le résultat
est que les livres d'histoire sont obligés de répertorier un certain nombre
de reines guerrières, amenées par conséquent à se comporter comme n'importe
quel Churchill, Staline ou Roosevelt. Sémiramis de Ninive, fondatrice de
l'Empire assyrien, et Boadicée, qui mena une des révoltes les plus
sanglantes contre les Romains, en sont deux exemples. Cette dernière a
d'ailleurs sa statue au bord de la Tamise, en face de Big Ben. On ne
manquera pas de la saluer si l'on passe par là.
En revanche, les livres d'histoire sont globalement assez discrets sur
les guerrières sous forme de simples soldats qui s'entraînaient au
maniement des armes, faisaient partie des régiments et participaient aux
batailles contre les armées ennemies aux mêmes conditions que les hommes.
Ces femmes ont pourtant toujours existé. Pratiquement aucune guerre ne
s'est déroulée sans une participation féminine.
1 VENDREDI 8 AVRIL PEU AVANT 1 H 30, le Dr Anders Jonasson fut réveillé par une infirmière,
Hanna Nicander.
- Que se passe-t-il ? demanda-t-il à moitié dans les vapes.
- Hélicoptère entrant. Deux patients. Un homme âgé et une jeune femme.
Elle est blessée par balle.
- On y va, on y va, fit Anders Jonasson, fatigué.
Il se sentait mal réveillé alors même qu'il n'avait pas véritablement
dormi, seulement sommeillé une demi-heure. Il était de garde aux urgences
de l'hôpital Sahlgrenska à Göteborg. La soirée avait été particulièrement
éreintante. Dès 18 heures, quand il avait pris la garde, l'hôpital avait
reçu quatre personnes à la suite d'une collision frontale près de Lindome.
Une d'elles était grièvement blessée et une autre avait été déclarée morte
peu après son arrivée. Il avait aussi soigné une serveuse d'un restaurant
d'Avenyn qui avait eu les jambes ébouillantées dans les cuisines, puis il
avait sauvé la vie d'un garçon de quatre ans, admis à l'hôpital en arrêt
respiratoire après avoir avalé une roue de voiture miniature. De plus, il
avait eu le temps de rafistoler une adolescente qui était tombée dans un
trou avec son vélo. Les Ponts et Chaussées avaient astucieusement choisi de
placer ce trou près de la sortie d'une piste cyclable et quelqu'un avait
évidemment aussi balancé les barrières de protection dans le trou. Elle
avait eu droit à quatorze points de suture sur la figure et elle allait
avoir besoin de deux incisives neuves. Jonasson avait également recousu un
bout de pouce qu'un menuisier du dimanche plein d'enthousiasme s'était
raboté par inadvertance.
Vers 23 heures, le nombre de patients aux urgences avait diminué. Il
avait fait sa visite et contrôlé l'état des patients hospitalisés, puis il
s'était retiré dans une pièce de repos pour essayer de se détendre un
moment. Il était de garde jusqu'à 6 heures. Il dormait rarement quand il
était de service, même s'il n'y avait pas d'admission, mais cette nuit,
justement, il s'était assoupi presque immédiatement.
Hanna Nicander lui tendit un mug de thé. Elle n'avait pas encore de
détails concernant les entrées.
Anders Jonasson jeta un coup d'?il par la fenêtre et vit de gros éclairs
zébrer le ciel au-dessus de la mer. Ça allait être limite pour
l'hélicoptère. Soudain une pluie violente se mit à tomber. La tempête
s'était abattue sur Göteborg.
Il était toujours devant la fenêtre quand il entendit le bruit de moteur
et vit l'hélicoptère ballotté par les rafales s'approcher de l'aire
d'atterrissage. Il retint sa respiration quand il vit que le pilote
semblait avoir du mal à maîtriser son approche. Puis l'appareil disparut de
son champ de vision et il entendit la turbine passer au ralenti. Il but une
gorgée et reposa le mug.
ANDERS JONASSON ACCUEILLIT les brancardiers à l'entrée des urgences. Sa
collègue de garde, Katarina Holm, prit en charge le premier patient qui
arriva sur une civière, un homme âgé avec une importante blessure au
visage. Il échut au Dr Jonasson de s'occuper de l'autre patient, la femme
avec des blessures par balle. Une rapide évaluation lui permit de constater
qu'il s'agissait d'une adolescente, grièvement blessée et entièrement
couverte de terre et de sang. Il souleva la couverture dont les Services de
secours l'avaient entourée et nota que quelqu'un avait refermé les plaies à
la hanche et à l'épaule avec du ruban adhésif argenté large, ce qu'il
estima être une initiative particulièrement futée. Le ruban barrait
l'entrée aux bactéries et la sortie au sang. Une balle l'avait atteinte sur
l'extérieur de la hanche et avait traversé le tissu musculaire de part en
part. Il souleva son épaule et localisa le trou d'entrée dans le dos. Il
n'y avait pas de trou de sortie, ce qui signifiait que la balle était
fichée quelque part dans l'épaule. Restait à espérer qu'elle n'avait pas
perforé le poumon et, comme il ne voyait pas de sang dans la bouche de la
fille, il tira la conclusion que ce ne devait pas être le cas.
- Radio, dit-il à l'infirmière qui l'assistait. Et cela suffisait comme
indication.
Pour finir, il découpa le pansement que les secouristes avaient enroulé
autour du crâne de la fille. Un frisson le parcourut quand il tâta le trou
d'entrée du bout des doigts et qu'il comprit qu'elle avait pris une balle
dans la tête. Là non plus il n'y avait pas de trou de sortie.
Anders Jonasson s'arrêta une seconde et contempla la fille. Il se sentit
pessimiste, tout d'un coup. Il avait souvent comparé son travail à celui
d'un gardien de but. Tous les jours arrivaient à son lieu de travail des
gens dans des états divers et variés mais avec une seule intention -
obtenir de l'aide. Parmi eux, cette dame de soixante-quatorze ans qui
avait fait un arrêt cardiaque dans la galerie marchande de Nordstan et
s'était effondrée, le garçon de quatorze ans qui avait eu le poumon gauche
perforé par un tournevis et la fille de seize ans qui avait bouffé de
l'ecstasy et dansé pendant dix-huit heures d'affilée pour s'écrouler
ensuite, le visage tout bleu. Il y avait des victimes d'accidents du
travail et de mauvais traitements. Il y avait de petits enfants qui avaient
été attaqués par des chiens de combat sur la place Vasa et des hommes
habiles de leurs mains dont le projet se limitait à couper quelques
planches avec leur scie sauteuse et qui s'étaient tranché le poignet
jusqu'à l'os.
Anders Jonasson était le gardien de but entre les patients et les pompes
funèbres. Son boulot consistait à être l'individu qui décidait des mesures
appropriées. S'il prenait la mauvaise décision, le patient mourrait ou peut-
être se réveillerait avec une invalidité permanente. Le plus souvent, il
prenait la bonne décision, et ce parce que la majorité des blessés avait un
problème spécifique et compréhensible. Un coup de couteau dans un poumon ou
une contusion après un accident de voiture étaient des blessures
intelligibles et claires. La survie du patient dépendant de la nature de la
blessure et de l'habileté de Jonasson.
Il existait deux types de blessures qu'Anders Jonasson détestait entre
toutes. D'une part certaines brûlures, qui dans presque tous les cas,
indépendamment des moyens qu'il mettait en ?uvre, mèneraient à une vie de
souffrance. D'autre part, les blessures à la tête.
Cette fille qu'il avait devant lui pouvait vivre avec une balle dans la
hanche et une balle dans l'épaule. Mais une balle quelque part dans son
cerveau était un problème d'un tout autre gabarit. Soudain, il réalisa que
l'infirmière disait quelque chose.
- Pardon ?
- C'est elle.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Lisbeth Salander. La fille qu'ils traquent depuis des semaines pour le
triple meurtre à Stockholm.
Anders Jonasson regarda le visage de la patiente. Hanna avait bien vu.
C'était la photo d'identité de cette fille que lui-même et quasiment tous
les Suédois avaient vue placardée depuis Pâques sur les devantures des
marchands de journaux. Et à présent, la meurtrière était blessée elle-même,
c