mithomania - Examen corrige

Le stress, la pression et l'angoisse de l'examens/tombola, qui l'espace d'une .....
en donnant à l'avance les corrigés des contrôles et un panel rétréci de sujets ......
du socle commun ne se traduise que par une augmentation de la distillation ......
la stratégie de rupture envers l'autorité, nous ne pourrons ni rectifier les échecs ...

Part of the document


MITHOMANIA
Mésaventures irréelles et autres considérations
Mot de l'auteur
L'angoisse de la page blanche. Même sur un écran d'ordinateur, elle
effraie sensiblement. C'est improbable, incroyable : inaccessible.
Pourtant, j'avais toujours considéré qu'il était d'une facilité désarmante
de commencer un texte : le difficile venait pour moi toujours de « l'avant-
texte », de ce qui s'est produit en amont mais que l'on ne peut décemment
pas raconter, pour diverses raisons : place, intérêt, inspiration, tout
simplement. Et pourtant, un instant avant de commencer à écrire, voir cet
écran vide, parfaitement vierge, ce simple curseur clignotant semblant
attendre - et qui attendait - une directive de ma part m'a serré violemment
le c?ur.
J'avais, il y a de cela plus ou moins un an, débuté un recueil de
nouvelles par les mêmes mots. Et je pensais à l'époque qu'il ne s'agissait
pour moi que d'une forme de peur mêlée à de la curiosité, une exaltation :
que je me méprenais sur l'ambition de mon « rôle » d'auteur. Mais sont
passés les mois et les semaines, et pas une ombre d'amélioration en vue.
Pis : il a même semblé que la douleur qui s'épanchait de mon esprit
grandissait d'instant en instant, me poussant violemment à l'acte de
mutilation, aux pleurs, aux reproches. Je ne savais absolument pas pourquoi
ni d'où venait ce mal maudit, et je croyais que mes travaux auraient pu me
permettre de me « guérir », une thérapie douce qui n'aurait rien renié à
l'homéopathie. Rien n'y a fait, et j'abats ici ma dernière carte ; si une
fois ce texte parachevé, rien n'aura changé, je me résignerai jusqu'à la
fin de mon existence à porter ce poids sur mes épaules, sans broncher ni me
plaindre : résigné.
Ma dernière carte, celle-ci : une biographie. Une autobiographie, même :
mais grandement fictive. Fictive, dans la mesure où si ce n'est quelques
données éparses, jetées comme on sème des grains dans un champ, et le
hasard qui ferait que les évènements contés se produisent réellement, tout
aura été miraculeusement inventé, au sortir d'un esprit tortueux comme un
labyrinthe de ronces et de lierre, difformes et vérolés, boiteux et tordus
comme des faux ou des tridents serpentés : les noms, les lieux, les drames
et les bonheurs, rien n'aura jamais été et il n'y aura aucune difficulté,
je crois, à celui qui s'y intéresse - existe-t-il ? J'en doute ! - à
prouver que tout ce qui est avancé, quand bien même je jure avec force et
volonté que je ne mens pas et que j'accompagne ces mots de larmes est faux
et non avenu. L'écriture pourtant sera sans doute pour moi larmoyante ; je
ne manquerai pas, idiot et frêle d'esprit que je suis, de me projeter tout
entier dans ce texte, à croire que tout ce qui est inscrit est vrai, et
purement vrai. Peut-être que cela m'aidera dans l'écriture : car j'avoue
que c'est la première fois que je m'essaie à un texte d'une envergure
similaire.
Bien entendu, mes prétentions m'auront amené parfois à dépeindre un
personnage qui me ressemble comme deux gouttes d'eau, qui avait la même
démarche, les mêmes habits ou, plus généralement, des paroles qui se sont
trouvées ou qui se seraient trouvées dans ma bouche à un instant donné.
Peut-être que certains amis ont vu clair alors, peut-être pas : après tout,
qui peut réellement savoir ce qu'il y a dans la tête des gens, dans la
mienne en premier lieu ?
L'auteur
Premier chapitre
Dans la lueur de la pleine lune, il eut une idée. Pas très originale,
certes, ni même entreprenante : elle ne lui demanderait que peu d'efforts
et ne pourrait sans doute pas lui apporter les honneurs ni les récompenses,
encore que... Il n'était même pas convaincu de ne l'avoir volé à un autre,
qu'il aurait lu il y a longtemps ou non, qu'il aurait aimé et apprécié, et
qu'il aurait salué le talent de l'auteur et non la puissance de l'intrigue.
Mais il n'accordait que peu de pouvoir aux intrigues : c'était un poète. Du
moins, essayait-il d'être poète. Mais il était dur d'être poète avec sa
carrure, qui s'approchait plus de celle de Remington que de Rimbaud, et il
avait toujours des scrupules à vouloir parler en vers et en rimes, et à
être lyrique, sinon onirique. Cela brûlait ses veines et son sang, et ses
mains tremblaient quand une belle image lui venait en tête, sans jamais
réellement savoir comment ni pourquoi. C'était une qualité, et une belle
qualité : car il était poète et se défendait honorablement dans cette
difficile profession, et comptait grâce à cet art plus de conquêtes que
ceux qui essayaient, en vain, de séduire par les muscles et les pectoraux.
C'était un joueur de sérénade, un jongleur de pâquerettes : il avait
appris seul à jouer de la guitare et du violon, un peu. Quand il croisait
une belle proie dans la rue, il la suivait avec malice et rapidité,
attendait qu'elle soit rentrée chez ses parents et lorsque minuit sonnait,
il se postait sous son balcon et lui dédiait son ode du soir ; car en effet
il écrivait trois poèmes par jour, un au matin avant de manger, un au midi
en digestion, et un au soir avant que le soleil ne se couche. Il les posait
aussitôt trouvés sur le papier et les retouchait jusqu'à la perfection, et
pour tous inventait une mélodie pour s'accompagner à l'instrument ; et
quand son carnet était rempli il l'entreposait chez lui, sous son lit, et
inaugurait un autre carnet et cela jusqu'à en vomir. Il en avait exactement
trente-sept, numérotés, plus de deux cents sonnets, quelques quatre cents
ballades, encore plus d'élégies : et pas un ne ressemblait à un autre, pas
un n'avait le même sujet de prédilection, pas un n'empruntait la même image
ou le même langage : c'était un travesti du recueil, un illusionniste du
chant et un spadassin du texte, un rêveur.
Il s'appelait Giorgio, et était Italien par son père, Corse par sa mère :
la barbe drue et les cheveux sombres, toujours en désordre, le teint
légèrement basané, les yeux d'un bleu impénétrable, et une carrure qui
imposait le respect. Son arrivée dans le monde, et sa venue en pleine ville
de Lyon ne lassaient pas de surprendre, si bien qu'il serait intéressant
d'y consacrer un chapitre entier, un chapitre d'introduction ; mais il
récitait souvent son aventure à qui voulait l'entendre, et ce soir-ci, pour
fêter son idée, sans doute allait-il faire de même. Il sortit de la poche
de sa chemise blanche impeccable un paquet de gitanes et en alluma une avec
espièglerie pour trouver le « la », puis s'engagea au fin fond d'une cour
d'immeuble et descendit un petit escalier ; là il ouvrit une porte et entra
dans un bar dérobé, s'installa au comptoir et pinça la corde de sa guitare. Et le silence se fit : quand Giorgio chantait, on se devait de l'écouter.
Surtout, la belle Sissi l'écoutait. Pauvre Sissi ! Amoureuse d'un
troubadour ; dormant le jour, vivant la nuit comme serveuse, elle était
aussi septentrionale que Giorgio était méridional : de ses cheveux blonds
en couettes à ses tâches de rousseur en passant par sa pâle peau, on
croyait entendre siffler le vent norvégien à chacun de ses passages, et ses
longues jambes effilées étaient taillées pour transpercer la neige et non
le maquis. Et quand son amoureux chantait, elle arrêtait son service et
venait s'asseoir auprès de lui, et Giorgio lui souriait à pleines dents et
lui passait la main dans les cheveux, lui caressait la joue pour l'empêcher
de rougir et clignait légèrement de l'?il. Alors Sissi laissait s'appuyer
le coude sur le bar et faisait reposer sa tête sur sa main de fée, et ses
yeux brillaient d'étoiles, et elle écoutait Giorgio chanter.
Giorgio était poète, cela fut dit : mais il était un poète d'un genre
nouveau, mêlant vers, prose, poésie, chanson, ballade, théâtre même : il
avait mis plusieurs mois à écrire ce qu'il appelait sa « grande tragédie »,
l'histoire romancée de sa vie. Et à l'écouter parler, on se serait cru
revenir au grand temps de la commedia dell'arte, et on était surpris de ne
pas le voir porter le multicolore habit d'arlequin. Il faut dire que sous
la terre comme dans ce bar le temps n'avait plus réellement cours, plus
réellement de raison d'être : et que l'on y vivait comme on y vivait il y a
trois cents ans. Giorgio commença sa chanson, et la guitare suivait : il en
pinçait les cordes de velours avec grande douceur pour ne point
l'effaroucher, elle restait la seule qui avait droit à ses caresses. Car
Giorgio était de ces poètes qui avaient fait leur choix et qui aimaient les
hommes, et cela Sissi le savait bien, et c'était cela qui rendait Sissi si
triste : mais elle ne désespérait pas un jour de se faire aimer, ne serait-
ce qu'une nuit par ce bel éphèbe, et ne cessait de soupirer quand il se
mettait à chanter.
« Holà, mesdemoiselles, holà, mesdames, holà, messieurs ! Je viens ici la
guitare à la main, un doux chant en bouche ; je ne vous veux aucun mal,
croyez-moi fortement, bien au contraire : mon métier est celui d'un
marchand de bonheur, et j'en ai quelques échantillons dans mes besaces. Ce
serait un charmant plaisir pour ceux qui les désirent, car pour un tendre
verre de liqueur ou un rien de spiritueux, je chanterai jusqu'à ce que le
jour, ce fieffé voleur d'illusions, ne vienne chasser à renforts d'aurore
la lune qui nous est si tendre, qui m'est si tendre ; car voyez-vous, j'ai
jadis épousé une lune, j'ai épousé un astre, j'ai aimé une dune comme
Zoroastre. Je suis allé partout, j'ai tout vu : j'ai parlé aux loups et je
les ai vaincus ; j'ai même combattu un soir, tandis que je
m'app