Organisation du recueil des Lettres d'Ambroise (G. Nauroy)

Du fait de l'appartenance de la communauté à un Ordre, cet exercice ...... que nos
Chapitres Généraux ne sont pas devenus plus « pastoraux » pour autant. ... lors
de la dernière RGM qui, je le conviens, pourront facilement être corrigés.

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Édition et organisation du recueil des lettres
d'Ambroise de Milan : une architecture cachée ou altérée ? Gérard Nauroy
Université Paul Verlaine-Metz
La correspondance d'Ambroise est un document de première importance comme
témoin de la vie politique et religieuse durant le dernier quart du ive
siècle, mais aussi en raison des nombreuses exégèses bibliques qu'elle
offre au lecteur, de l'enseignement doctrinal et pastoral qu'elle lui
propose, d'une forme chrétienne de l'épistolographie antique qu'elle
incarne. Cependant cette collection de lettres si précieuse se présente à
nous aujourd'hui dans un ordre qui laisse le lecteur perplexe et continue
de susciter, malgré nombre de travaux savants, des positions
contradictoires sur les intentions éditoriales d'Ambroise et le sort du
recueil entre le ve et le ixe siècle, avant les premiers manuscrits
parvenus jusqu'à nous. Nous nous proposons ici de faire le point sur cette
question disputée et d'ouvrir quelques pistes en vue d'une solution. I Description des différents corpus
La tradition manuscrite nous a transmis une collection de lettres divisée
en dix livres, avec une grande lacune qui a fait disparaître le livre 3 et
une partie des livres 2 et 4, ce qu'on déduit des suscriptions des témoins
les plus anciens et de nombre d'autres plus récents[1]. Soixante-dix-sept
lettres nous ont été ainsi transmises, sans compter trois textes de nature
différente, insérés dans le livre 10 : la Relatio 3 de Symmaque à propos de
l'autel de la Victoire, le discours d'Ambroise contre Auxence, l'évêque
arien réfugié à Milan, et l'Oraison funèbre de Théodose placée à la fin du
livre entre deux lettres à Marcelline, la s?ur d'Ambroise. L'ensemble
regroupe ainsi neuf livres de lettres privées et un dixième livre
rassemblant des lettres officielles de politique religieuse.
Quinze autres lettres nous ont été transmises extra collectionem par un
nombre restreint de manuscrits. Elles sont réparties en deux corpus : le
premier, connu de Paulin de Milan, a peut-être été publié par lui peu de
temps après la mort d'Ambroise[2]. Il regroupe dix lettres aux empereurs,
envoyées à titre personnel (cinq lettres à Théodose, une à Eugène) ou au
nom des participants d'un concile (Rome en 378, Aquilée en 381) et s'ouvre
par une lettre à Marcelline (Epist. e.c. 1 = M 41), à laquelle est annexée,
dans une forme légèrement différente de celle qu'on lit dans le livre 10
(Epist. 74 = M 40), la lettre adressée à Théodose à la suite des sanctions
prises contre l'évêque de Callinicon sur l'Euphrate, où des chrétiens
avaient incendié une synagogue (Epist. e.c. 1a). Le second corpus rassemble
cinq lettres (Epist. 11-15) : d'abord deux lettres aux empereurs, la lettre
« privée » adressée à Théodose au lendemain du massacre de Thessalonique
(Epist. e.c. 11 = M 51) et la lettre à Gratien (Epist. e.c. 12 = M 1) en
réponse à une lettre manuscrite du jeune empereur qui demandait à l'évêque
un nouvel exemplaire des deux premiers livres du De fide augmentés d'un
traité sur le Saint-Esprit ; ces deux lettres sont suivies de trois autres
dédiées à des questions ecclésiastiques : l'Epistula e.c. 13 (M 23) aux
évêques de la province d'Émilie à propos de la date de la fête de Pâques
387[3], la longue épître à l'Église de Verceil pour l'exhorter à mettre fin
aux querelles et à choisir un évêque (Epist. e.c. 14 = M 63), enfin la
réponse à la lettre du pape Sirice relative à l'hérésie de Jovinien[4]
(Epist. e.c. 15 = M 42). Ce second recueil n'était pas connu de Paulin[5] ;
constitué, semble-t-il, à Milan, nous n'en avons pas d'attestation avant le
ixe siècle[6]. Deux lettres, enfin, introduisent les Actes du concile
d'Aquilée[7], écrites par Ambroise au nom de l'ensemble des évêques
participant à ce concile.
La collection en dix livres n'offre donc pas la totalité de la
correspondance d'Ambroise : outre celles que nous avons conservées extra
collectionem, d'autres lettres en ont été volontairement écartées ou se
sont perdues. Ambroise lui-même, dont on ne lit qu'une lettre à Chromace
dans la collection parvenue à nous, se proposait d'en envoyer d'autres à
l'évêque d'Aquilée : s'il l'a fait, nous n'en avons pas gardé la trace[8].
La Lettre 41 (M 86) indique un échange de correspondance avec le pape
Sirice plus suivi que les trois missives, dont deux brefs billets, que nous
lisons aujourd'hui (Epist. 41 = M 86, Epist. 46 = M 85, Epist. e.c. 15 =
M 42). Parmi celles que cite ou qu'évoque le biographe d'Ambroise, Paulin
de Milan, nous n'avons pas la lettre-catéchisme à Fritigil, la reine des
Marcomans, ni le mémoire adressé au jeune Pansophius de Florence,
qu'Ambroise avait ramené à la vie[9]. Nous savons par la réponse de Basile
(Epist. 197) que l'évêque de Milan lui avait adressé une lettre au début de
son épiscopat, en 374/375 ; les huit lettres de Symmaque à Ambroise (Epist.
III, 30-37) laissent supposer des lettres d'Ambroise à Symmaque ; on ne
peut douter que se soient perdues, entre autres, des lettres à son frère
Satyrus, à sa s?ur Marcelline[10], à Augustin[11], à Gaudence de Brescia, à
Nectaire l'évêque de Constantinople[12].
Nous disposons de peu de lettres des correspondants d'Ambroise, qui les
évoque plus d'une fois dans les siennes. Ainsi ont disparu les lettres
impériales auxquelles répond Ambroise en telle ou telle circonstance[13],
la lettre de l'évêque de Vérone Syagrius expliquant la condamnation de la
vierge Indicia[14], celle de l'évêque d'Antioche Théophile, à laquelle se
réfère, après le concile de Capoue, la Lettre 70 (M 56)[15]. Nous n'avons
pas les questions écrites posées par Orontianus auxquelles répond
l'évêque[16], ni la missive où Irenaeus exprimait son adhésion à
l'explication proposée par Ambroise dans une lettre précédente[17], à moins
que ces lettres, de contenu exégétique, relèvent d'une fiction littéraire.
Il existe cependant quelques lettres de ces correspondants : la lettre de
Sirice aux évêques pour condamner l'hérésiarque Jovinien (Epist. e.c. Sir.
= M 40a), à laquelle répond, en leur nom, Ambroise par l'Epistula e.c. 15
(M 42) ; la fameuse lettre de Gratien, Cupio ualde[18], « écrite de la main
même » de l'Auguste, sans compter la lettre de Basile de Césarée (Epist.
197)[19] et celles de Symmaque sollicitant une recommandation ou une
intervention près de la cour de Milan[20], devoir d'amitié dont Ambroise
s'est acquitté plus d'une fois[21].
Les problèmes d'authenticité sont marginaux et apparemment réglés.
L'Epistula 71 (M 56a), écrite par Ambroise au nom de ses collègues du
synode qui s'est tenu à Milan en 393 pour condamner l'hérésie de Bonose, a
parfois été attribuée au pape Sirice[22]. On a aussi mis en doute
l'authenticité de l'Epistula e.c. 7, rapport, adressé aux empereurs Gratien
et Valentinien II, d'un concile qui s'est tenu à Rome en 378 pour défendre
le pape Damase contre les manigances de son rival Ursin : sa présence dans
le corpus édité par Paulin de Milan plaide en faveur de l'authenticité et
prouverait la présence d'Ambroise à Rome à l'occasion de ce concile[23].
L'authenticité de l'Epistula e.c. 13 (M 23) adressée aux évêques de
l'Émilie pour fixer la date de la fête de Pâques 387[24] et celle de la
longue lettre adressée à l'Église de Verceil (Epist. e.c. 14 = M 63)[25]
ont aussi été parfois contestées, mais l'accord semble s'être fait
aujourd'hui pour accepter la paternité ambrosienne de ces missives. La
lettre d'Ambroise à Gratien (CPL 160a), « Crebra inquisitio », considérée
comme spuria par B. Fischer et H.J. Frede, est aujourd'hui, elle aussi,
reconnue comme authentique[26]. II La transmission manuscrite et les éditions imprimées
La tradition commence, comme pour la plupart des autres ouvrages
d'Ambroise, au ixe siècle, avec deux témoins datés par B. Bischoff l'un du
milieu du siècle, l'autre de la seconde moitié : il s'agit du Vaticanus
Latinus 286 (E), copié à Verceil dans le nord de l'Italie ou à Milan
même[27] et qui a appartenu au monastère Sant'Ambrogio de Milan, et du
codex de Berlin, Bibl. Nat. Lat. fol. 908 (B), conservé autrefois à
Beauvais et copié en Gaule du Nord-Est, qui, à la fin de la collection des
lettres en dix livres, insère l'Oraison funèbre de Théodose avant la
derrière lettre, l'Epistula 77 (M 22) à Marcelline, suivie du De Nabuthae ;
ces deux derniers textes sont annoncés aussi par l'index du Vaticanus, mais
n'y ont pas été copiés ou ont disparu, de sorte que ce dernier se termine
par l'Oraison funèbre de Théodose. Ces deux manuscrits, que distinguent
d'importances différences textuelles, sont à l'origine d'un rameau qui
s'est développé dans plus de 60 autres manuscrits entre le xe et le xve
siècle.
Un second rameau est représenté par trois témoins du xie s. : deux
milanais, Ambros. J 71 sup. (A) et Ambros. B 54 inf. (M), provenant tous
deux du scriptorium de Santa Tecla à Milan, ainsi que le codex de Cologne,
Dombibliothek 32 (K), copié probablement aussi à Milan[28]. Ils reprennent,
du moins en ce qui concerne leur noyau primitif, la division en dix livres
et présentent, eux aussi, l'Oraison funèbre de Théodose entre les deux
lettres à Marcelline (Epist. 76 = M 20 et 77 = M 22), mais dans Ambros. B
54 inf. (M), comme dans le Vaticanus 286 (E), l'Epistula 77 à Marcelline et
le De Nabuthae, annoncés par l'index initial, n'ont pas été copiés[29].
Ambros. J 71 sup. (A) a été