a la cour de madagascar - Cours

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Marius Cazeneuve À la cour
de Madagascar
[pic] [pic] I
Incendie à Tananarive Le 11 octobre 1886, un violent incendie éclatait à Tananarive. Un
pareil événement n'avait pas de quoi surprendre dans une ville bâtie en
bois, et où la plupart des maisons sont couvertes de chaume ou de paillote,
et en effet il y est assez commun. Selon leur habitude, les habitants ne
faisaient rien pour combattre les progrès du feu : les Malgaches, comme
presque tous les peuples africains ou de l'Orient, sont très superstitieux,
et il ne leur vient pas à l'esprit de s'opposer à ce qu'ils regardent comme
la manifestation d'un pouvoir supérieur. Ils n'ont d'autre pensée que de
fuir pour se soustraire au fléau. À peine secouent-ils dans la direction du
brasier quelques longues feuilles vertes de palmier ou les branches humides
de l'arbre du voyageur. Mais si les tiges de cette dernière et précieuse
plante contiennent une quantité d'eau capable de rendre la vigueur au
pauvre pèlerin, épuisé de fatigue et de soif, cette quantité est tout à
fait insuffisante pour éteindre un incendie. Aussi ceux qui se livrent à
cette démonstration n'ont-ils d'autre but, en agitant leur goupillon vert,
que de conjurer les mauvais esprits. Il faut croire que ce moyen est
impuissant à les vaincre ou même à les apaiser car, habituellement, les
flammes continuent leurs ravages, jusqu'à ce que quelque circonstance
imprévue, un changement de vent, un orage qui éclate tout à coup, vienne y
mettre fin.
Il en était, ce 11 octobre, comme dans les occasions du même genre ;
le feu s'était déclaré dans une maison moitié bois, moitié briques crues,
couverte de chaume, et le vent, très violent, l'avait propagé avec une
telle rapidité que tout un quartier de la ville était menacé de
destruction. Des flammes de toutes couleurs escaladaient les toits en pente
rapide des maisons, grimpaient jusqu'au faîte et éclataient en feu
d'artifice, en dispersant de tous côtés des étincelles. De longues langues
brillantes venaient lécher les murailles, qui s'écroulaient avec fracas.
Une maison ici ou là semblait avoir échappé à l'embrasement : tout à coup
une gerbe de feu s'élançait des combles, faisant sauter le toit et prenait
aussitôt de gigantesques proportions.
Le ciel s'éclairait de lueurs sanglantes comme celles qu'y aurait
répandues une superbe aurore boréale. Ces lueurs se reflétaient dans la
plaine immense au-dessous de laquelle Tananarive lève sa multitude de
maisons qui ont l'air de vouloir grimper à l'assaut l'une de l'autre, et
qui dressent vers le firmament les poutres croisées de leurs pignons.
L'Ikopa, qui promène ses eaux agitées au milieu de vastes rizières, se
teignait de rose, donnant au paysage quelque chose de fantastique.
Combattre un incendie qui trouve si facilement des aliments, quand on
n'a ni pompe, ni même des gens de bonne volonté pour faire la chaîne et
jeter de l'eau sur le foyer, il n'y faut pas penser ; tout ce qu'on pouvait
espérer, c'était de restreindre les conséquences du sinistre en faisant la
part du feu.
C'est ce qu'essayèrent de faire un voyageur, arrivé de la veille avec
son secrétaire, et un jeune ingénieur, attaché à la Résidence générale de
France, M. Rigaud. Ils s'armèrent qui d'une hache, qui d'une barre de fer,
qui d'une longue perche à laquelle on avait attaché un grappin improvisé.
Après beaucoup d'efforts, abattant ici un pan de muraille, coupant là une
poutre, jetant par terre une barrière, ils parvinrent, non sans recevoir
chacun quelques blessures assez graves, à circonscrire le foyer de
l'incendie et à préserver tout le quartier menacé.
Du haut de son palais, aux trois rangées d'arcades élancées, la reine,
la tête protégée par le parasol rouge à boule d'or, signe du rang suprême,
contemplait ce spectacle qui n'était que trop familier à ses yeux. Tout à
coup, elle remarqua une ombre noire, allant et venant au milieu du brasier,
et se détachant sur un fond lumineux.
- Quel est donc ce petit diable qui court dans la flamme ? s'écria-t-
elle, frappée de surprise.
Ce « petit diable », c'était moi. II
Arrivée à Tamatave Trois mois auparavant, je me reposais à la Réunion d'un voyage autour
du monde (le quatrième), quand je reçus une lettre ainsi conçue de M. Joël
Le Savoureux, vice-résident français à Tamatave :
« Vohémar, 29 juin 1886. »
« Monsieur,
« Conformément à ma promesse, je vous ai écrit de Madagascar ; mais,
contrairement à mon attente, je ne suis pas monté à Tananarive ; je n'ai
donc pu entretenir M. le Résident général de votre intéressant et
patriotique projet.
« Je suis à Vohémar pour une quinzaine de jours ; je monterai
prochainement à la capitale ; mais ne sera-t-il pas trop tard ? Serez-vous
encore dans l'Océan Indien ? Écrivez-moi à Tamatave.
« Agréez, etc.
« Joël Le Savoureux,
« Vice-Résident à Madagascar. »
Ces mots « votre projet » s'appliquaient à un dessein que j'avais
formé et au sujet duquel je m'étais ouvert à M. Joël Le Savoureux, qui
devait, ainsi qu'il le faisait entendre dans sa lettre, en parler à notre
résident général, M. Le Myre de Vilers.
Sachant que la reine aimait tout ce qui a rapport à la magie, j'avais
pensé que, à l'aide de mon habileté de prestidigitateur, habileté au sujet
de laquelle je n'ai pas à faire de modestie puisqu'elle a été mainte fois
constatée et qu'elle m'a valu l'honneur d'être appelé à faire des
conférences en Sorbonne, j'avais pensé, dis-je, que je pourrais agir sur
l'esprit de Sa Majesté et la disposer favorablement pour la France. Inutile
de dire que je n'avais là d'autre but que le bien de mon pays, et qu'il ne
fallait pas une moindre considération que celle-là pour me décider à
entreprendre un voyage aussi coûteux que fatigant, rien ne me garantissant
que je dusse être remboursé des frais considérables qu'il devait entraîner.
Sur l'invitation de M. Joël Le Savoureux, je me décidai à m'embarquer
pour Tamatave, où j'arrivai, accompagné de mon secrétaire, M. Pappasogly,
et d'un domestique.
Je dois dire que ce dernier ne resta pas longtemps à mon service ; à
peine débarqué à Tamatave, je m'aperçus que mon drôle me volait
outrageusement, non mon argent, ce que je lui aurais peut-être pardonné,
mais une chose infiniment plus précieuse là-bas, mon vin, dont je n'avais
qu'une petite provision, destinée surtout aux cas de maladie et que j'avais
grand soin de ne pas prodiguer inutilement. De plus, monsieur faisait le
joli c?ur avec les demoiselles malgaches, ce qui ne me convenait pas
davantage. À peine arrivé donc, je le fis rembarquer... pour une
destination inconnue.
M. Gaudelette, qui commande aujourd'hui la Garde républicaine de
Paris, commandait alors la gendarmerie de toute l'île. Il vint au-devant de
moi, au sortir du bateau, pour me souhaiter la bienvenue, ainsi que M.
Buchard, lieutenant de vaisseau, vice-résident à Tananarive, et que je
connaissais de longue date. M. Buchard avait été chargé, par le Résident
général, d'une mission qui avait trait aux travaux à exécuter dans le port
de Diego-Suarez, pour la délimitation du territoire, d'après les
conventions établies par le traité signé le 17 décembre 1885, entre le
gouvernement français et le gouvernement hova.
M. Buchard me fit le meilleur accueil et m'invita à dîner.
De son côté M. Gaudelette m'avait présenté à la princesse Juliette,
ancienne reine des Sakalaves, dont Mme Pfeiffer, la célèbre voyageuse,
parle longuement dans son voyage à Madagascar, sous le nom de Mlle Julie.
Cette princesse avait été détrônée par le chef hova Rainilaïarivony,
alors et aujourd'hui encore Premier Ministre et mari de la reine. Elle
était déjà très âgée quand je la vis et j'ai eu, il y a quelque temps, le
regret d'apprendre sa mort. Qu'on se figure Alexandre Dumas père en femme ;
mais plus grosse encore, une mastodonte qui pouvait à peine se mouvoir.
Cela ne l'empêchait pas d'avoir beaucoup de gaieté, de vivacité et
d'esprit. Elle avait été élevée à Bourbon et parlait parfaitement le
français. De plus, catholique très fervente, elle n'aurait jamais manqué ni
la messe ni un office.
Dès qu'elle m'aperçut, elle s'écria de sa bonne grosse voix réjouie :
- Champagne ! Champagne et Ve Clicquot !
Car, à Madagascar comme dans tous les pays étrangers, le champagne
joue toujours un très grand rôle ; on prétend même qu'il est des villes où
on en boit plus qu'il ne s'en fabrique en France.
Du reste les frères Bontemps, négociants français établis à Tamatave,
où ils ont fondé une importante maison de commerce, s'efforcent, avec le
patriotisme le plus absolu, d'introduire dans l'île nos produits nationaux
et principalement nos vins les plus renommés.
Même, afin d'encourager ceux des Malgaches à qui leur fortune permet
d'en faire usage, ils ont imaginé de le leur présenter sous l'égide de la
reine en faisant décorer leurs bouteilles d'un portrait de Sa Majesté, plus
ou moins ressemblant ; aussi n'y a-t-il pas de repas un peu recherché à
Tamatave