La simulation en chimie au sein du projet Microméga® - Hal
d'exercices corrigés mettant en jeu le simulateur ; ... correspond à 6 ouvrages
couvrant la chimie, la physique, l'enseignement de spécialité ainsi qu'un
cédérom ...
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La simulation en chimie au sein du projet Microméga®
Jean-François Le Maréchal lemarech@ens-lyon.fr
Karine Bécu-Robinault, ; karine.robinault@inrp.fr
UMR ICAR, groupe COAST (CNRS, université Lumière-Lyon 2, ENS Lyon,
INRP, ENS-LSH)
Aster 43, 2006, 81-108
Cet article analyse du point de vue de la modélisation un projet de
recherche et de développement ayant mis au point, réalisé et évalué un
grand nombre de simulateurs en chimie. La relation avec les modèles
enseignés et non enseignés est discutée, et une classification en termes
de catégories d'objets de savoir perceptibles, reconstruits et
théoriques est proposée. Des simulateurs de chaque type sont décrits,
analysés et discutés du point de vue de la modélisation et de la
représentation des connaissances. Cet article s'adresse à des chercheurs
intéressés par la simulation à des fins pédagogiques, spécialement au
niveau du lycée, et à des formateurs d'enseignants pour qu'ils y
trouvent une façon de s'approprier et d'utiliser des simulateurs dans
l'enseignement de la chimie.
L'importance de la modélisation dans l'enseignement scientifique a été
décrite à de nombreuses reprises (Martinand, 1992 ; Gilbert, 1993 ;
Tiberghien 1994). Elle est souvent traduite par le fait que les modèles
sont des produits de l'activité scientifique, permettant aux
scientifiques de dépasser la simple description des faits, de mettre en
relation la perception des phénomènes et le recours aux formalismes
théoriques. Ils constituent un outil privilégié pour véhiculer les idées
scientifiques entre chercheurs, ou entre l'enseignant et ses élèves,
pour rendre compte, interpréter, ou prévoir les phénomènes. Leur
apprentissage reste un enjeu majeur de l'enseignement, même si les
élèves les laissent coexister avec leurs intuitions initiales (Scott,
1992). Les élèves sont rarement disposés à remplacer leurs propres
modèles par ceux, plus théoriques (par exemple celui du gaz parfait),
proposés par la science (Chi et al., 1994), car certains changements de
modèles demandent des transformations ontologiques se traduisant par de
profondes et coûteuses reconceptualisations. L'étude des modèles,
incluant celle de leurs limites, doit être prise en charge pendant
l'enseignement puisque les élèves sont rarement familiers avec les
modèles scientifiques et leurs représentations métaphoriques (Duit,
1991). Des outils tels que les logiciels de simulations permettent aux
élèves de faire fonctionner ce type de connaissances et constituent à ce
titre des atouts précieux.
Les novices utilisent fréquemment les traits de surface (notamment la
couleur, la forme et les aspects dynamiques) des différentes
représentations qui leur sont données à voir lors de l'enseignement pour
essayer de construire une compréhension des phénomènes chimiques. Ils
éprouvent des difficultés à franchir les frontières de ces différentes
représentations et, plus encore, à les mettre en relation pour donner du
sens aux traits de surface sur lesquels sont fondés leurs raisonnements
(Harrison & Treagust, 2000 ; Kozma, 2003). Les représentations produites
en laboratoire par les instruments (pH-mètre, conductimètre) n'échappent
pas à cette constatation (Kelly & Crawford, 1996). Les logiciels de
simulation, par la représentation synchrone d'évènements pertinents en
relation et par la multiplicité des types de représentations possibles,
constituent un outil de choix pour aider à vaincre ces difficultés liées
à l'utilisation exclusive des traits de surface.
En chimie, différents types de modèles sont utilisés dans
l'enseignement. Ils sont dits analogiques quand ils se réfèrent à des
représentations concrètes, abstraites ou mixtes d'objets scientifiques
et de théories en usage dans les manuels scolaires (Harrison & Treagust,
2000). Pendant plus d'un siècle, l'enseignement de la chimie et des
modèles analogiques a utilisé papiers et crayons, craies et tableaux et,
plus récemment, l'écran (Habraken, 2004).
Un groupe d'enseignants coordonné par un chercheur en didactique s'est
posé la question de savoir s'il était possible de créer des situations
d'enseignement de la chimie à partir de simulations sur les ordinateurs
accessibles dans les établissements scolaires. L'objet de cet article
est de décrire les aspects didactiques liés à la réalisation et à
l'analyse des outils de modélisation et de simulation de ce projet[1].
Un point de vue sur la simulation va être fourni ainsi qu'un cadre
théorique pour cette présentation. Les différentes catégories de
simulateurs produits seront décrites ; certains simulateurs ont donné
lieu à des travaux de recherche dont les résultats seront rappelés
brièvement. D'autres ont fait l'objet d'évaluations pédagogiques lors de
leur utilisation en classe. Cet article se propose également de décrire
la conception d'un ensemble intégré de simulateurs. La pertinence de
certains simulateurs, pour l'apprentissage des modèles en chimie, a été
montrée par des recherches qui sont évoquées. Pour cela, le contexte du
travail va présenter les contraintes initiales et les choix qui ont
prévalu à ce projet. Les principaux simulateurs développés au cours du
projet sont ensuite décrits et analysés par type de connaissances mises
en jeu.
1. Contexte
En 1999, à l'origine de ce projet, il n'existait pas d'ensemble
cohérent de simulateurs dédiés à l'enseignement de la chimie au niveau
du lycée. Des outils de simulation avaient fait leur apparition sur le
marché et sur la toile mais les seuls qui couvraient un large domaine de
connaissances étaient conçus pour l'enseignement supérieur (simultit®,
pour les titrages acide-base, d'oxydoréduction, par conductimétrie, fut
certainement un des plus utilisés dès les années 90). Concernant
l'enseignement secondaire, les outils se présentaient sous forme isolée
et ne traitaient que d'un petit nombre de domaines. L'appropriation de
ces outils, tant du point de vue de leur fonctionnement que de leurs
objectifs, posait un problème important d'investissement personnel, tant
pour l'enseignant que pour les élèves. Par ailleurs, la mise en
cohérence avec le reste de l'enseignement (cours, travaux pratiques
(TP), exercices) restait souvent un obstacle. Le projet Micromega® s'est
attaqué à ces difficultés en cherchant à élaborer, à l'occasion de la
réforme des programmes scolaires entamée en septembre 2000 en classe de
seconde, un ensemble « livre élève + livre du professeur + cédérom »
avec des simulateurs, des vidéos et un cours doté d'un moteur de
recherche. Ce projet s'inscrivait dans la demande du texte du bulletin
officiel de l'Éducation nationale (BO) stipulant que des activités
associées à des technologies de l'information et de la communication
appliquées à l'enseignement (TICE) devaient être proposées
ponctuellement aux élèves. Le présent article limite son analyse aux
simulations de chimie de ce large projet financé par les éditions
Hatier.
Le choix du support cédérom et non d'un site Internet a été guidé par
la difficulté technique des utilisateurs (dans les lycées et au
domicile) à disposer, au début du projet, de possibilités de
téléchargements suffisamment performantes. C'est également la garantie,
pour l'enseignant prescripteur d'un travail utilisant ces TICE, d'avoir
la maîtrise du contenu didactique dont l'élève dispose. En effet, un
site web, évolutif par nature, n'offre pas cet avantage. Sept ans après,
ce choix devrait être à nouveau débattu, ne serait-ce que parce que les
pratiques enseignantes, tout comme l'accessibilité de la toile, ont
évolué.
Le choix des simulations à créer a été guidé par la possibilité de
manipuler des modèles, objets de l'apprentissage, pour interpréter des
évènements devenant dès lors simulables. Pour certains évènements
chimiques, des vidéos de quelques dizaines de secondes ont parfois été
préférées, pour permettre à l'élève de visualiser la scène réelle dans
les meilleures conditions possibles. Pour d'autres évènements, des
modèles permettant de réaliser des simulations ont été utilisés. Leur
description et leur analyse font partie de l'objet de cet article.
Le choix de l'accompagnement des logiciels de simulations a été guidé
par les possibilités d'utilisation visées par ce projet : en classe sous
la conduite de l'enseignant au sein d'un cours, ou en classe sous la
conduite de l'élève au sein d'une séance d'exercices ou de TP, ou enfin
à la maison suite à la prescription ou non du professeur, pour réviser,
approfondir ou rattraper un enseignement. Chaque logiciel de simulation
a donc été accompagné :
- d'un exercice tutorial appelé « Prise en main » guidant concrètement
l'utilisateur de l'interface ;
- d'exercices corrigés mettant en jeu le simulateur ;
- d'une analyse dans le livre du professeur ;
- de renvois pertinents depuis le manuel de l'élève ou le cours
implanté dans le cédérom.
Un site avec un forum de questions/réponses a également servi d'appui
pour les élèves et les enseignants. De facto, il a surtout été utilisé
par les élèves et essentiellement pour demander de l'aide dans les
formes les plus classiques de l'utilisation des éléments du projet
Micromega®, à savoir les exercices du manuel donnés à faire à la maison
par le professeur.
De dimension variable au cours du projet, l'équipe qui a réalisé les
livres et les cédéroms était constituée, par exemple en terminale, de 38
personnes (informaticiens, chercheurs, auteurs - pour la plupart des
enseignants du niveau concerné - éditeurs, photographes, cinéastes,
iconographes, dessinateurs...). Les contraintes d