Ingénue 1 - La Bibliothèque électronique du Québec

Voilà pourquoi Métra le nouvelliste était encore plus entouré, le 24 août 1788, qu'
il ne .... Eh ! ne faut-il pas toujours, au contraire de l'ordre physique, que, dans
notre ordre ...... Guillotin, le plus grand service rendu par la chimie à la science
alimentaire. ..... Corvisart convint de la vérité de la chose, et promit de se corriger.

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Alexandre Dumas

Ingénue

Un amour interdit
de Restif de la Bretonne


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Alexandre Dumas


Ingénue

roman



Tome premier











La Bibliothèque électronique du Québec
Collection À tous les vents
Volume 579 : version 1.0











Ingénue a été publié sous forme de feuilleton dans Le Siècle en 1853-
1854. Le roman est présenté ici en deux volumes. Édition de référence :
Éditions François Bourin, Paris, 1990. Édition établie, présentée et
annotée par Daniel Baruch.




















Ingénue




I








I





Le Palais-Royal




Si le lecteur veut bien nous suivre avec cette confiance que nous nous
flattons de lui avoir inspirée, depuis vingt ans que nous lui servons de
guide à travers les mille détours du labyrinthe historique que, Dédale
moderne, nous avons entrepris d'élever, nous allons l'introduire dans le
jardin du Palais-Royal pendant la matinée du 24 août 1788.

Mais, avant de nous hasarder sous l'ombre de ce peu d'arbres que la
cognée de la spéculation a respectés, disons un mot du Palais-Royal.

En effet, le Palais-Royal - qui, à cette époque où nous levons le rideau
sur notre premier drame révolutionnaire, est en train de subir, grâce à son
nouveau propriétaire, le duc de Chartres, devenu duc d'Orléans depuis le 18
novembre 1785, une transformation considérable - mérite, par l'importance
des scènes qui vont se passer dans son enceinte, que nous racontions les
différentes phases qu'il a parcourues.

Ce fut en 1629 que Jacques Lemercier, architecte de Son Éminence le
cardinal-duc, commença de bâtir, sur l'emplacement des hôtels d'Armagnac et
de Rambouillet, l'habitation qui prit d'abord modestement le titre d'hôtel
de Richelieu ; puis, comme, à cette puissance qui s'agrandissait de jour en
jour, il fallait une demeure digne d'elle, on vit, peu à peu, devant cet
homme dont la destinée était de faire brèche à toutes les murailles,
s'écrouler le vieux mur d'enceinte de Charles V ; en s'écroulant, le mur
combla le fossé, et la flatterie put entrer de plain-pied au Palais-
Cardinal.

S'il faut en croire les archives ducales, le terrain seul sur lequel
s'élevait le chef-d'?uvre de Jacques Lemercier avait coûté, d'acquisition,
huit cent seize mille six cent dix-huit livres, somme énorme pour cette
époque, mais qui, cependant, était bien faible, en comparaison de celle
qu'on avait dépensée pour le monument : celle-là, on la cachait avec soin,
comme Louis XIV cacha, depuis, celle que lui avait coûté Versailles ; quoi
qu'il en soit, elle éclatait par tant de magnificence, que l'auteur du Cid,
qui logeait dans un grenier, s'écriait devant le palais de l'auteur de
Mirame :




Non, l'univers entier ne peut rien voir d'égal.
Aux superbes dehors du Palais-Cardinal ;
Toute une ville entière, avec pompe bâtie,
Semble d'un vieux fossé par miracle sortie,
Et nous fait présumer, à ses superbes toits,
Que tous ses habitants sont des dieux ou des
/ rois !



En effet, ce palais était si magnifique - avec sa salle de spectacle,
qui pouvait contenir trois mille spectateurs ; avec son salon, où l'on
jouait les pièces que les comédiens représentaient ordinairement sur le
théâtre des Marais-du-Temple ; avec sa voûte, décorée en mosaïque sur fond
d'or par Philippe de Champagne ; avec son musée des grands hommes peints
par Vouet, Juste d'Egmont et Paerson, musée dans lequel, confident de
l'avenir, le cardinal avait d'avance marqué sa place ; avec ses statues
antiques, venues de Rome et de Florence ; avec ses distiques latins,
composés par Bourdon, ses devises, imaginées par Guise, l'interprète royal
- que le cardinal-duc, qui, cependant, ne s'effrayait point facilement, on
le sait, s'effraya de cette magnificence, et, pour être sûr d'habiter son
palais jusqu'à sa mort, le donna de son vivant au roi Louis XIII.

Il en résulta que, le 4 décembre 1642, jour où le cardinal-duc trépassa
en priant Dieu de le punir si, dans le cours de sa vie, il avait fait une
seule chose qui ne fût point pour le bien de l'État, ce palais, où il
venait de mourir, prit le nom de Palais-Royal ; nom que les révolutions de
1793 et de 1848 lui enlevèrent, pour lui donner successivement ceux de
Palais-Égalité et de Palais-National.

Mais, comme nous sommes de ceux-là qui, malgré les décrets, conservent
leurs titres aux hommes, et, malgré les révolutions, gardent leurs noms aux
monuments, le Palais-Royal, si nos lecteurs veulent bien le permettre,
continuera de s'appeler, pour eux et pour nous, le Palais-Royal.

Louis XIII hérita donc de la splendide demeure ; mais Louis XIII n'était
guère qu'une ombre survivant à un cadavre, et, comme fait le spectre de son
père à Hamlet, le spectre du cardinal faisait signe à Louis XIII de le
suivre ; et, de quelque résistance qu'il se cramponnât à la vie,
Louis XIII, frissonnant et pâle, le suivait, entraîné par l'irrésistible
main de la Mort.

Alors, ce fut le jeune roi Louis XIV qui hérita de ce beau palais, d'où
le chassèrent, un matin, MM. les Frondeurs ; chose qui le lui fit prendre
dans une telle haine, que, lorsqu'il revint de Saint-Germain à Paris, le 21
octobre 1652, ce fut, non plus au Palais-Royal qu'il descendit, mais au
Louvre ; si bien que cet édifice, qui émerveillait tant le grand Corneille,
devint la demeure de la reine Henriette, que l'échafaud de White-Hall avait
faite veuve, et à laquelle la France donnait cette hospitalité que
l'Angleterre devait rendre, deux siècles plus tard, à Charles X, et qui se
pratique de Stuart à Bourbon.

En 1692, le Palais-Royal forma la dot de Françoise-Marie de Blois, cette
fille langoureuse et endormie de Louis XIV et de madame de Montespan, dont
la princesse palatine, femme de Monsieur, nous a laissé un si curieux
portrait.

Ce fut M. le duc de Chartres, plus tard régent de France, qui, la joue
rougie encore du soufflet que lui avait donné sa mère en apprenant sa
future alliance avec la bâtarde royale, fit entrer, à titre d'augmentation
d'apanage, le Palais-Royal dans la maison d'Orléans.

Cette donation faite à Monsieur et à ses enfants mâles descendant de lui
en loyal mariage, fut enregistrée au Parlement le 13 mars 1693.

Est-ce la réunion de ces deux chiffres 13 qui a porté deux fois malheur
à deux descendants mâles de cette illustre maison ?

Pendant la période écoulée entre la fuite du roi et la donation du
Palais-Royal à Monsieur, de grands changements avaient été pratiqués dans
le château ; Anne d'Autriche, en effet, au temps de sa régence, y avait
ajouté une salle de bain, un oratoire, une galerie, et, par-dessus tout
cela, le fameux passage secret dont parle la princesse palatine, et par
lequel la reine régente se rendait chez M. de Mazarin, et M. de Mazarin
chez elle, « car, ajoute l'indiscrète Allemande, il est aujourd'hui à la
connaissance de tout le monde que M. de Mazarin, qui n'était pas prêtre,
avait épousé la veuve du roi Louis XIII ».

Ce fait n'était peut-être pas encore, comme le disait la princesse
palatine, à la connaissance de tout le monde, mais grâce à elle, il allait
singulièrement se populariser. Étrange caprice de femme et de reine, qui
résiste à Buckingham, et qui cède à Mazarin !

Au reste, les nouvelles constructions ajoutées par Anne d'Autriche ne
déparaient pas la splendide création du cardinal-duc.

La salle de bains était ornée de fleurs et de chiffres dessinés sur fond
d'or ; les fleurs étaient de Louis, et les paysages de Bélin.

Quant à l'oratoire, il était orné de tableaux dans lesquels Philippe de
Champagne, Vouet, Bourdon, Stella, Lahire, Dorigny et Paerson avaient
retracé la vie et les attributs de la Vierge.

Enfin, la galerie, placée dans l'endroit le plus retiré du château,
était à la fois remarquable par son plafond doré, qui était de Vouet, et
par son parquet en marqueterie, qui était de Macé.

C'est dans cette galerie que la reine régente avait fait arrêter en
1650, par Guitaut, son capitaine des gardes, MM. de Condé, de Conti et de
Longueville.

Le jardin contenait, alors, un mail, un manège et deux bassins, dont le
plus grand s'appelait le Rond-d'Eau ; il était planté d'un petit bois assez
touffu et assez solitaire pour que le roi Louis XIII, le dernier des
fauconniers français, pût, de son vivant, y chasser la pie.

En outre, on avait ajouté au palais un appartement destiné à
l'habitation du duc d'Anjou, et, pour le construire, on avait détruit
l'aile gauche du palais, c'est-à-dire cette vaste galerie que Philippe de
Champagne avait consacrée à la gloire du cardinal.

Monsieur mourut d'une attaque d'apoplexie foudroyante, le 1er juin 1701.

C'était l'homme que Louis XIV avait le plus aimé au monde ; ce qui
n'empêcha point, lorsque, deux heures après cette mort, madame de Maintenon
entra dans la chambre de son auguste époux, - car elle aussi était mariée,
- ce qui n'empêcha point, dit Saint-Simon, qu'elle ne trouvât le roi
chantant un petit air d'opéra à sa propre louange.

À partir de ce