travailedf - Denis Duclos/CNRS

Les fabriquants de voitures critiquent les arbres au bord des routes (800 morts ...
collectives, et préfèrent accuser le ?profil psycho-culturel? du conducteur. ... Seul l'
individu pâtit du maintien au long cours de la guerre du risque entre pouvoirs.
...... le droit pénal et civil (d'abord celui des accidents, et plus récemment celui de
 ...

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Attention, Risquologues ! Analyse critique du champ socio-politique des risques techniques et sociaux (Augmentée d'une bibliographie commentée) par Denis Duclos sociologue, Directeur de recherche au CNRS
Mars 2003 A Emmanuel Desmares, sans qui ce livre ne se serait pas fait
A Mary Douglas, à qui je dois le courage de tenter l'ethnologie de nos
peurs modernes Préambule
Le présent travail se compose de deux parties principales :
-l'étude socio-historique de la mise en place du champ dramatugique
sociétal du risque depuis deux décennies, jusqu'à son actuelle exaltation
des "menaces pesant sur la civilisation";
-un guide de références bibliographiques thématisées établies sur le thème
"sciences sociales et risques technologiques". La première partie établit une problématique permettant de mettre en
perspective ce domaine foisonnant : dans notre optique, le risque ne doit
jamais être considéré comme "une chose en soi" (parfaitement inaccessible),
mais comme l'objet -labile et souvent paradoxal- d'une mise en scène
sociale et politique du "risquologique"[1], enjeu qui est devenu non
négligeable dans les luttes ardentes pour le monopole des représentations
de notre destinée collective, désormais consciemment planétaire. En deuxième partie, le guide bibliographique est lui-même constitué d'une
introduction problématique synthétisant lectures et interprétations, qui
permettra de situer ouvrages et auteurs dans le champ intellectuel de
ladite "risquologie", et d'une série de fiches de lecture, organisée selon
les axes analytiques proposés. Je souligne qu'il ne s'agit pas de l'étude exhaustive des innombrables
productions annuelles dans le domaine (surtout en langue anglaise), mais
d'une sélection de références, un peu à la façon d'un "guide des vins" -si
la comparaison a du sens-. Le choix des textes commentés est encore moins
objectif, de même que le contenu des commentaires, qui ne vise pas tant une
information qu'un repérage des positionnements problématiques dans le
champ. Tout "spécialiste du risque" peut néanmoins y retrouver une
diversité familière, bien que placée sous éclairage. J'espère que la
formule -qui met en scène des protagonistes- permettra aux lecteurs plus
éloignés des professions campant sur le territoire du risque de ne pas
s'ennuyer trop intensément.
Quant à la bibliographie proprement dite -rassemblée en fin d'ouvrage- elle
comporte des références plus nombreuses non commentées, mais thématisées de
façon plus descriptive, notamment selon les terrains et les événements, e
regroupant les diverses contributions d'un mêm auteur, autant que faire ce
peut. Elle est enfin reproduite sous forme simplement alphabétique. L'outil ainsi forgé devrait servir à tous ceux qui désirent travailler sur
un panorama à la fois précis et évocateur d'un domaine... en plein
explosion et qui donne désormais lieux à des « traités » ! Denis Duclos
PARTIE I : LE THEATRE DU RISQUE
I. Puissance et désarroi du concept de risque[2] Ainsi que pour tout concept sociologique, il est sans doute impossible de
traiter du risque en pure réalité objective. Plus même que tout autre
concept, le risque se propose comme acte, engagement performatif plutôt que
comme fait brut : un risque -tel "la grosse aventure" tentée autrefois par
les capitaines-marchands- se prend, se court, se refuse, après avoir été
envisagé, estimé, évalué, calculé, couvert, "nolisé"[3]. Le risque, c'est
un style d'être au monde, un filtre herméneutique des actes, et
certainement pas un attribut des choses qui attendraient, passives, leur
agent. C'est ce caractère d'engagement idéologique et pratique qui nous
intéresse dans le risque. Mais depuis une trentaine d'années, cet aspect comportemental du risque a
évolué. Il a été repris en tant que tel dans le vaste secteur des
idéologies de masse pour situer moralement et normativement les attitudes
de chacun, en tant que professionnel ou comme simple citoyen. Il n'est, dès lors, plus possible de ramener l'étude du risque à ce que les
acteurs sociaux en disaient dans des phrases telles que : « c'est un beau
risque », ou « il a joué, il a perdu ». Plus fréquemment, en effet, la
notion sera utilisée dans des maximes morales (« nous devons tendre au
risque zéro »), ou dans des accusations (« vous prenez des risques
illégitimes.», « on ne risque pas l'avenir des générations futures » ),
etc. Plus encore, le risque se trouve enveloppé -pour ne pas dire englué-
dans des expressions comme « gestion du risque », « évaluation », « analyse
du risque », à travers lesquelles les disciplines maîtresses de l'époque
(gouvernance gestionnaire, contrôle sécuritaire), tentent de le
circonvenir. On dit désormais « prise de risque , comme on dirait « taux
d'alcoolémie ». C'est le contexte et l'enjeu sociétal de ces occurences qui doit désormais
former l'objet central de tout discours pertinent sur les risques. A ce
titre, nous devons les analyser en rapport avec les campagnes d'idées qui
en ont tenté la promotion dans le champ social, tout comme d'autres termes
demeurent connotés à des usages sociaux datés (tels : « pathologies
sociales », ou "problèmes sociaux », « déviance », « violence »,
« sécurité », « sécurisation » ou, bien sûr, notre centenaire « conscience
collective »), termes dont il suffit d'observer l'occurrence temporelle en
voyageant dans les rayons d'une bonne bibliothèque universitaire, pour
s'apercevoir qu'ils ont connu leurs périodes de gloire puis leurs
purgatoires, voire leur mort définitive. Le risque est-il mort ? On osera poser la question malgré un début de
siècle marqué par l'alerte tonitruante, l'inquiétude surexcitée, la
dénonciation vigilante. C''est que ces attitudes s'en prennent aux
"menaces" de la délinquance et du terrorisme, à celles, collectives ou
corporatives de l'épidémie déclenchée dans tel secteur industrialisé, à
celles, incalculables, de la catastrophe climatique, et non au risque :
c'est-à-dire, en un sens étroit mais assez stabilisé, à l'aléa imprévu
découlant de toute action librement décidée, même la plus bénigne, et dont
il serait possible d'évaluer rationnellement les implications adverses,
déterministes ou statistiques.
En réalité, ce risque stricto sensu est loin d'avoir disparu de la scène.
Il en est plutôt l'armature cachée. Quel que soit par ailleurs le mouvement
des représentations concernant les dangers, le terme de risque désigne
encore en en effet pratiquement le matériau commun, le carburant normalisé
de plusieurs corporations de spécialistes, qu'il s'agisse de catégories
particulières d'investisseurs, d'ingénieurs, des métiers de l'assurance, ou
enfin d'experts issus de disciplines académiques ad hoc . Par ce biais, le
risque demeure un vocable familier, soumis à l'appréciation de tous, par
exemple lorsque votre maison d'assurance vous adresse son bulletin
trimestriel qui vous interpelle en première page : "vie quotidienne :
mesurez vous tous les risques ?", et vous apprend plus loin que "23% des
accidents corporels ont lieu au domicile (bricolage, chute dans l'escalier,
brûlures, accidents de tondeuse, etc.)"[4]. Ce qui, en revanche, est peut-être dépassé pour le risque technique et
comptable, c'est l'enthousiasme qui en faisait, au cours des années quatre-
vingts, le drapeau rassembleur de tentatives variées, critiques ou
positives, d'organiser une vision globale, fortement contrôlée, de
l'adversité[5]. Placé devant l'enjeu de plus en plus ambitieux d'avoir à
décrire les comportements collectifs face à l'incertain, le risque semble
s'être saturé, bloqué, avouant son impuissance, se laissant dépasser lui-
même par des idées plus dramatisantes. Dans le traitement de phénomènes
grandioses comme l'accident technologique majeur, la pollution massive, le
trou d'ozone, le changement climatique, la multiplication d'épidémies
imprévisibles comme le SIDA ou la maladie de la vache folle (si joliment
nommée), l'explosion de la spéculation ou la montée des intégrismes, etc.,
le risque a dû trouver ses limites, tout comme la science que lui avaient
confectionné sur mesure des ingénieurs du Corps des Mines : la
"cindynique"[6]. Ce n'est pas faute d'avoir osé l'aventure globale et planétaire, ni même
d'avoir connu des succès inespérés dans les sciences sociales. Ainsi dans
son livre -désormais classique- Risiko Gesellschaft,[7] le sociologue
allemand Ulrich Beck a-t-il tenté une réinterprétation complète de "l'autre
modernité" (d'aucuns diraient "post-modernité", ce dernier vocable semblant
lui avoir été préféré pour l'étiquetage de l'époque en général), autour du
risque. Pour Beck, le risque est en effet le concept même de l'avenir
sociétal plan