D. LEVY - CEPREMAP

donne le nombre d'exercices nécessaires pour rembourser les dettes financières
..... 130 ; MECIMORE C.D. : « Classifying and Selecting Financial Ratios » ....
Gérer la trésorerie à l'aide de la méthode des ratios ne parait pas conduire à des
...... Tableau 40 : Variation du stock corrigé de l'érosion monétaire, sur 10 ans.

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La finance capitaliste :
rapports de production et rapports de classe[1] Gérard DUMÉNIL et Dominique LÉVY L'histoire de la finance fut mouvementée, et les aléas de son propre
itinéraire ne sont rien en comparaison des tribulations des peuples du
monde qui résultèrent de l'alternance des épisodes d'affirmation et de
recul de son pouvoir. Le néolibéralisme définit la dernière de ces
pulsations historiques, où la violence du capitalisme s'affirme sans
retenue. Dénoncer certes, mais aussi comprendre. Et d'abord, quelle est
cette entité sociale, baptisée ici « finance » ? Quel rapport entretient-
elle avec le néolibéralisme ? C'est de domination dont il s'agit, et c'est
pourquoi nous avons donné, dans diverses publications, une interprétation
du néolibéralisme en termes de classe[2]. Cette démarche nous a conduits à
utiliser le terme finance dans un sens tout à fait particulier. Le but de
ce chapitre et du suivant est d'expliciter cette définition par référence
au cadre analytique marxiste, et de fournir une interprétation du
capitalisme contemporain et de son histoire vus à travers une telle grille
de lecture.
Ce premier chapitre rappelle d'abord les principaux aspects de l'analyse
que Karl Marx donna des mécanismes financiers et l'usage que nous en
faisons ; ce rappel se prolonge dans celui des thèses de Rudolf Hilferding
et de Vladimir Lénine. Mais l'essentiel du chapitre est consacré à
l'interprétation historique proprement dite, jusqu'au capitalisme
contemporain : (1) la naissance de la finance et sa première hégémonie,
(2) la perte de cette hégémonie dans le compromis keynésien après la
Seconde Guerre mondiale, puis (3) sa reconquête dans le néolibéralisme. Un
vaste programme déjà.
L'analyse minutieuse du cadre analytique de Marx est réservée au
chapitre suivant. C'est également là que sont discutées les thèses des
grands continuateurs, celles d'Hilferding et de Lénine, dans leurs
relations à celles de Marx. Ce second chapitre a donc un caractère
d'approfondissement théorique. L'aspect principal est la mise en relation
de la théorie du capital et de l'analyse que Marx donna des mécanismes
financiers ; et, de l'une à l'autre, l'itinéraire est assez complexe. A ne
pas entrer dans les méandres de ce cadre analytique, on perd, à l'évidence,
la relation aux fondements théoriques de l'étude du capitalisme. Mais un
tel raccourci n'interdit pourtant pas une interprétation marxiste des
mécanismes financiers, et il permet de faire, au moins dans un premier
temps, l'économie des subtilités d'un texte inachevé et d'une pensée
toujours en ébullition. Ce qui est vrai de Marx l'est également
d'Hilferding et de Lénine, bien qu'en matière de détours théoriques, Marx
devance largement ses continuateurs.
Les deux premières sections ont un caractère introductif. La section 1
est consacrée à la définition de la finance et rappelle l'esprit général de
notre référence à Marx. La section 2 récapitule les principaux
enseignements théoriques que nous tirons de l'analyse des mécanismes
financiers par Marx : le cadre analytique et les principales thèses
concernant l'histoire du capitalisme. D'une certaine manière, il résume les
conclusions du chapitre suivant. La section 3 traite de la période, d'un
siècle environ, qui s'étend de la fin du XIXe siècle à la fin des années
1970. La section 4 décrit la finance capitaliste contemporaine dans le
néolibéralisme : la fraction supérieure de la classe capitaliste et les
institutions financières. La section 5 analyse la dynamique de cette
nouvelle hégémonie de la finance. Quelles sont ses méthodes et son avenir ?
Cette section est principalement tournée vers la situation présente et les
perspectives. Il y a donc une dimension chronologique dans cette démarche :
(1) jusqu'en 1980, (2) dans le néolibéralisme « historique », et (3) où va
le néolibéralisme ? 1 - Introduction : une analyse marxiste de la finance ?
Un acteur dans l'histoire Par « finance », nous entendons : la fraction supérieure de la classe
capitaliste et les institutions financières, incarnations et agents de son
pouvoir (on pourrait dire « les fractions supérieures », étant donné
d'évidentes hétérogénéités). La finance, dans ce sens, n'existe que dans le
capitalisme moderne, plus ou moins depuis le début du XXe siècle. La notion
n'avait donc pas de pertinence dans le capitalisme du XIXe siècle, tel que
Marx l'observa.
Avant d'entrer dans la matière proprement dite, il est utile de
souligner certains aspects de cette définition. La finance est un agent,
ou, si l'on préfère, un acteur, tant économique que politique, à l'?uvre
dans l'histoire du capitalisme. C'est un objet social qui réunit deux
éléments : (1) une fraction de la classe capitaliste, (2) un ensemble
d'institutions (les banques, y compris, dans le capitalisme contemporain,
la banque centrale, des institutions nonbancaires, nationales ou
internationales comme le Fonds Monétaire International, les fonds, etc.).
Dans la discussion de la place et du rôle de la finance dans cette
acception, divers éléments sont en jeu. On peut évoquer une notion de
pouvoir très englobante : la capacité de la fraction supérieure de la
classe capitaliste de contrôler les mécanismes économiques selon ses visées
et intérêts. Un élément plus technique, mais également important, est le
revenu de cette fraction de classe ainsi que la rentabilité de ses
institutions financières.
Le rapport entre les deux aspects, fraction de classe et institutions
financières, est crucial, et souligné par le possessif que nous utilisons
volontiers en parlant des capitalistes et de leurs (ou de la fraction
supérieure et de « ses ») institutions financières. La séparation de la
propriété du capital et de la gestion a atteint dans le capitalisme moderne
de tels degrés, que le contrôle des propriétaires sur l'entreprise pourrait
s'en trouver fragilisé. La nouvelle concentration du pouvoir de la classe
capitaliste dans les institutions financières est ainsi devenue primordiale
afin d'assurer la pérennité de ce contrôle.
La finance n'est pas un ensemble d'institutions qui domine le
capitalisme contemporain hors des rapports sociaux : cette formulation omet
le rapport de classe ; la finance n'est pas une classe, car la référence à
la fraction supérieure de la classe capitaliste suffit à décrire le rapport
de classe qu'elle sous-tend. C'est dans le processus même de sa propre
constitution en classe pour soi, que cette fraction de classe s'articule
structurellement aux institutions financières, et se moule dans la finance,
cette entité, qui la constitue en tant qu'acteur social. La nature de cet
objet est, en fait, à l'image des structures qui ont été décrites à propos
de la classe prolétarienne, comme classe actrice de l'histoire, c'est-à-
dire compte tenu de ses assises économiques et de ses organisations de
lutte, comme les syndicats et partis.
Même en se limitant à la période allant du début du XXe siècle à nos
jours, la relation entre classes et institutions n'a cependant pas la même
force ou le même contenu selon les sous-périodes historiques, car la classe
capitaliste ne contrôle pas toujours aussi étroitement les institutions
financières. Dans des circonstances particulières, elle peut perdre le
contrôle de certaines d'entre elles, par exemple lorsque les principales
banques sont nationalisées ou lorsque la banque centrale se rend autonome
vis-à-vis des intérêts de la classe capitaliste. Si le pouvoir de la
finance est fort, nous parlons d'« hégémonie financière ».
Afin d'éviter toute confusion, il est également utile de souligner ce
que la finance n'est pas dans cette acception. On peut, en premier lieu,
parfaitement parler de « financiarisation » (comme de « mondialisation »)
pour définir certains caractères du capitalisme contemporain, mais par
« finance », nous ne nous référons pas à de tels processus ou à des entités
qui en découleraient : un capitalisme financiarisé, un capitalisme
mondialisé, etc. En second lieu, la finance n'est pas un secteur de
l'économie. Le concept de secteur financier est tout à fait pertinent, mais
ce n'est pas ce que nous entendons par finance, bien que les banques, par
exemple, appartiennent à la fois au secteur financier et aux institutions
financières de la finance.
Enfin, nous n'opposons pas le capital financier au reste du capital (le
capital industriel, comme on le lit souvent), en tant que caractéristique
structurelle du capitalisme néolibéral, mais comme une distinction
hiérarchique. Fondamentalement, il n'y a pas le capital financier, d'un
côté, et le capital industriel ou commercial, c'est-à-dire, nonfinancier,
de l'autre. Le fait majeur est justement l'inverse, à savoir que la
fraction supérieure de la classe capitaliste et ses institutions, la
finance, possède l'ensemble de la « grande » économie (désormais
transnationale, financière et nonfinancière). La pertinence de la
distinction financier/nonfinancier survit pour des sociétés de moindre
envergure, souvent des capitalistes, patrons d'entreprises, qui, outre la
concurrence des grands, doivent faire face au secteur financier. De ces
points de vue, nous rejoignons les interprétations que Hilferding et Lénine
donnèrent du capitalisme du début du XXe siècle, en termes de capital
financier - des analyses souvent mal interprétées.
Le problème de la terminologie est délicat et u