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Je corrige des épreuves d'un mien bouquin, opération fort ennuyeuse et qui me
fait prendre beaucoup d'exercice. .... Oubliant leur soleil natal, des myrtes, des
mûriers, des figuiers gigantesques couvraient la plage, laissant presque tomber ...
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1. Un rationaliste issu d'un milieu passionné d'art et d'histoire
Mérimée fut d'abord un homme de raison dans un temps de ferveur. Né en
1803, il s'est rapidement fait un nom, sous la Restauration, dans le monde
des lettres en pleine mouvance romantique. Mais il n'a jamais été dupe des
emphases de cette époque. Il ne fut pas un adepte du renouveau religieux,
étant athée. Il se méfia de la grandiloquence narcissique des poètes,
préférant le style laconique et impersonnel des conteurs cruels ou
ironiques. Il pratiqua surtout la forme brève, la prolixité sentimentale et
populiste d'un Hugo lui semblant le sommet du ridicule. Cet attrait pour le
véridique, même strict, le destinait à l'historiographie. Grâce à l'avènement de la Monarchie de juillet, ces idées raisonneuses
cessèrent de paraître suspectes. Le 27 mai 1834, Mérimée est nommé
Inspecteur général des monuments historiques. Ainsi vont pouvoir s'épanouir
sa passion atavique des beaux-arts (son père, Léonor, 2nd grand prix de
Rome, fut un professeur de peinture respecté), sa vocation d'archéologue
amateur et son goût des voyages. Malgré ses jérémiades sur l'inconfort de
ses incessants déplacements ou sur l'épaisse sottise des provinciaux,
Mérimée se voue à sa mission avec talent et énergie. Il transforme ses
volumineux rapports en méticuleux récits de voyages. Ces impressionnants
travaux permirent à Mérimée d'être élu en 1843 à l'Académie des
inscriptions et belles lettres, puis en 1844 à l'Académie française, où il
succéda à Charles Nodier - après force intrigues pour faire oublier sa
réputation de libre penseur. Assurément, Mérimée était un historien prédestiné. Ses parents, plutôt
libres penseurs, aimaient les idées et l'histoire. Son père, professeur de
peinture, connaissait tous les grands artistes et historiens d'art de son
temps. Prosper fréquentera des hommes comme Victor Cousin, Augustin
Thierry, Edgar Quinet, Elie Faure. Au lycée Napoléon, où il entre en 1811,
à sept ans, comme externe, il s'impose d'emblée comme un brillant
latiniste, dans le prolongement naturel à ce qu'il a reçu de son milieu
familial : l'enseignement des humanités classiques, l'apprentissage des
langues anciennes, l'histoire antique. Cette dilection historique vient
renforcer et illustrer les leçons reçues par le truchement des ?uvres de
son père, défenseur des thèmes et de l'esthétique classiques. Mérimée se
plonge dans la littérature classique française avec avidité, et approche
les auteurs antiques "avec une sorte de frénésie". Il se jette éperdument
dans les biographies de Cartouche ou de Mandrin, et son imagination s'évade
dans les récits historiques de Montluc ou de Brantôme : il adorera à jamais
les personnages hauts en couleurs, les intrigues inquiétantes et les
attachants bandits. 2. Apprentissages, sous l'influence des années 1830
En ce sens, Mérimée était dans le goût du moment. Chateaubriand, en 1831,
s'exclame : « tout prend aujourd'hui la forme de l'histoire : polémique,
théâtre, poésie, roman... ». Il s'agit parfois d'exalter le moi face au
poids du passé et du destin, comme on le voit chez Benjamin Constant ou
chez Sénancour. Cet engouement provoque aussi la naissance d'un nouveau
genre dramatique, le drame, théâtre total qui remplace de huis-clos de la
tradition par la scène du monde, comme l'impraticable Cromwell de Hugo ou
le problématique Lorenzaccio de Musset, écrit en 1834 mais joué seulement,
très amputé, en 1896. Dans un tel contexte, il est inévitable que le
premier manuscrit de Mérimée, écrit à 20 ans, soit aussi un indigeste
drame, un Cromwell. La pièce, confuse et bavarde, se révèle injouable.
Complexité des enjeux, changements constants de décors, dédales
inextricables de l'action, mélange indigeste des genres : le puzzle reste
épars et ingrat. Delécluze, courtois et amical, loue "la vivacité d'un
dialogue en général naturel". Mais personne n'y croit vraiment. Sur le même
sujet, Balzac n'avait pas eu plus de succès, en mai 1820, avec son
emphatique {Régicide}. Mais Mérimée ne s'avoue pas vaincu et, en avril
1824, il achève un autre poème en prose, traité sur le mode humoristique et
inspiré de Byron, La Bataille. Il y retrace un temps fort de la deuxième
guerre entre les États-Unis et l'Angleterre, en 1812. Mérimée est donc déjà
en marge des thèmes marqués par l'actualité ou par la réalité triviale.
D'emblée, il cherche ses sujets dans l'histoire. Il choisit cet espace-
temps privilégié, qui permet d'observer le monde à la bonne distance et qui
favorise un détachement ironique, attitude qu'il affectera de ne quitter
jamais. C'est avec 1572, Chronique du temps de Charles IX que vient la fin des
apprentissages. Éditée chez Alexandre Mesnier, place de la Bourse, cette
Chronique, qui paraît le 5 mars 1829, reçoit un accueil favorable. Nous
voici à nouveau confrontés à l'histoire et aux querelles nées des
superstitions. Mérimée s'est plongé dans Brantôme, dans les Chroniques de
Montluc, dans les récits de l'Estoile et dans les poèmes vengeurs de
d'Aubigné, pour pouvoir décrire avec précision le climat d'une époque
marquée par les guerres civiles et religieuses. Chez ces chroniqueurs,
catholiques ou réformés, il découvre des portraits et des anecdotes qui
émailleront son récit. C'est ainsi qu'il "fabrique" Diane de Turgis à
partir d'une note de de l'Estoile et qu'il imite le style des chroniqueurs
de l'époque : "La demoiselle de Châteauneuf, l'une des mignonnes du roi
avant qu'il n'allât en Pologne, s'étant mariée par amourettes avec
Antonetti, Florentin, comite des galères à Marseille, et l'ayant trouvé
paillardant, le tua virilement de ses propres mains". Mérimée - on s'en
doute - adopte plutôt le point de vue des protestants. À l'égard des
crédulités catholiques, il ne se départit guère de son ironie acide et
coutumière, par exemple lorsqu'il s'attarde sur une scène - narrée sur un
ton voltairien - où deux confesseurs se disputent l'âme d'un mourant dans
un hôpital. Mérimée, en dépit de ces caricatures, confirme et affine sa méthode, fondée
sur une approche réaliste et acide. Il fait court, définissant les
personnages par leurs traits étonnants ou abjects, sans trop de
descriptions. Il veut surtout stupéfier son lecteur, par exemple en le
plongeant dans les terribles scènes de la Saint-Barthélémy, narrée avec une
complaisance atroce et avec une précision inouïe. Le sadisme des tueurs, le
regard des mourants, le sang qui poisse partout, la mort qui frappe sans
raison : la vérité mériméenne est cruelle, car l'auteur cherche à faire
impression à tout prix. Mais le mélange des genres permet d'éviter le
lugubre et l'horreur. Mérimée sait changer de ton, recréer une vie
populaire ou sensuelle, grâce à des dialogues truculents et à des
situations drolatiques. Il n'adhère d'ailleurs pas à tout ce qu'il écrit.
Il juge son ?uvre avec une pudeur distante. "Je fais un méchant roman qui
m'ennuie" écrivait-il le 16 décembre 1828 à Albert Stapfer, comme pour
relativiser son investissement personnel et minimiser son goût pour les
histoires bizarres où il semble se complaire. Certains lecteurs, habitués
aux solides trames romanesques, restent décontenancés devant ces sortes de
promenades guidées - qui répondent pourtant au principe même des
Chroniques. Ils reprennent le même reproche qu'on fit à Mérimée pour La
Jacquerie : celui d'une succession d'épisodes bizarres sans cohésion. À partir de 1828, Mérimée approche Victor Hugo et il est accueilli dans le
cercle de ses intimes puisqu'il va même jusqu'à remplacer sa cuisinière au
pied levé, lors d'une soirée, en concoctant des macaronis à l'italienne. Il
met en relation Stendhal et Hugo. L'un a le romantisme sec, l'autre lyrique
et débordant. Stendhal a la dent dure, on le sait. Il qualifie Han
d'Islande du "plus baroque et plus horrifique produit d'une imagination
déréglée qui eût jamais glacé le sang et blêmi le teint des lecteurs de
roman", alors que Hugo trouvera que Le Rouge et le Noir est "écrit en
patois". Aux yeux de ses contemporains, Mérimée figure parmi les intellectuels
intéressés par le renouveau historiographique. Il est lié aux peintres
amateurs d'images historiques, tel Delacroix ou David. Il fréquente aussi
l'historien (spécialiste de la Révolution) Auguste Mignet ; Augustin
Thierry (historien notamment des Francs et Mérovingiens) ; Edgar Quinet
(historien adversaire du cléricalisme) ; Louis-Adolphe Thiers, bien sûr ;
mais aussi le philosophe et historien, disciple de Hegel, Victor Cousin
(ministre de l'instruction publique en 1840) ; Jean-Jacques Ampère (le fils
du physicien, spécialiste d'histoire littéraire et professeur au Collège de
France à partir de 1833) ; et bien d'autres. 3. Du patrimoine à l'histoire : Mérimée happé par l'élan général
On le voit : Mérimée évolue constamment dans un milieu où l'écriture, la
pensée et l'histoire occupent une place centrale, dans une période où la
rétrospection est à la mode. Toutefois, la façon de penser le passé, celle
qui prédomine alors, vise à donner un sens à l'histoire, voire à en
discerner les lois, censées être déterminantes de l'avenir des hommes.
L'esprit d'un peuple, le progrès, la conquête de la liberté, à la suite des
travaux de Hegel, deviennent le moyen central de réfléchir sur le passé.
Augustin Thierry et François Guizot traquent dans l'étude historiographique
une légitimation de leur gestion politique, tandis que Michelet impose - et
pour long