I - Qu'est ce que l'Ethnomusicologie - Le Site de Mr X - Free
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I - Qu'est ce que l'Ethnomusicologie ?
DEFINITION : Petit essai critique sur la notion d'ethnomusicologie.
On peut être surpris, en cherchant une définition de
l'ethnomusicologie, de ne jamais en trouver une qui semble satisfaire tout
le monde. Voilà une discipline qui, près d'un siècle après son apparition,
ne laisse pas aisément circonscrire son objet !
Il n'est pas question ici de proposer une définition qui fasse l'unanimité.
On pourra néanmoins tenter de cerner l'objet et, à l'analyse des multiples
définitions que nous pouvons lire, comprendre un peu mieux les raisons de
cette difficulté.
Elles semblent tenir :
. d'une part à la double nature de la discipline : l'ethnomusicologie a
oscillé tout au long de sa courte histoire entre l'analyse
scientifique des systèmes musicaux et la description ethnographique
des contextes socioculturels dans lesquels se situaient ces musiques.
A l'université, elle est une branche de la musicologie ou de
l'anthropologie/ethnologie, bien que, comme le pense Simha Arom, de
même qu'un ethnolinguiste est d'abord linguiste ou un ethnobotaniste,
botaniste, l'ethnomusicologue est d'abord musicologue ! Cette idée de
la prééminence de l'un ou l'autre des termes qui composent ce mot est
une constante, et une conséquence logique de la double nature de cette
discipline. Alan P.Merriam distingue ainsi les "ethnomusicologues
musicologiques ou les ethnomusicologues anthropologiques". Et
pourtant, l'ethnomusicologie ne doit pas se résoudre à privilégier
l'une de ses composantes au détriment de l'autre, ni se résoudre à une
simple juxtaposition des descriptions ethnographiques et
musicologiques. Elle se doit de trouver son objet, sa raison d'être,
en opérant une véritable synthèse, voire une fusion de ses deux
termes. L'orthographe même du mot, sans trait d'union, qui fut adopté
par la société américaine d'ethnomusicologie en 1956 démontre cette
volonté. Notons qu'encore aujourd'hui, cette fusion n'est pas toujours
envisagée. Marc Chemillier, co-auteur du site du laboratoire
d'ethnomusicologie du musée de l'homme définit l'ethnomusicologie
comme une branche de l'ethnologie (...qui vise à comprendre et à
définir le rôle particulier des musiques de tradition orale dans les
affaires humaines et dans les rapports que les hommes entretiennent
avec le sacré...) !
. d'autre part à son champ d'étude qui, on va le voir, n'a jamais été
clairement et unanimement défini.
- A quelles zones géographiques s'intéresse t-elle ? La question
géographique est-elle même pertinente ?
- A quelles musiques, d'un point de vu morphologique ? Toute
manifestation sonore produite par l'homme n'est pas émiquement
considéré comme de la musique (cf. partie "Problématiques"). Est-
on encore ethnomusicologue si le concept même de musique est
absent de la société que l'on étudie ? La réponse à cette
question légitime amène à rappeler l'existence de frontières
culturelles que le chercheur doit nécessairement dépasser. On
retrouvera la même problématique en ce qui concerne les
instruments de musique (cf. "qu'est-ce qu'un instrument de
musique?" dans la partie "Ethno-organologie").
- Qu'est-ce qui la distingue finalement de la musicologie ? Sur
ce dernier point, faut-il revendiquer l'ethnomusicologie comme
une discipline à part entière, distincte de la musicologie, et
non comme une sous branche de cette dernière ?
Ces questions sont encore renforcées par le fait que l'ethnomusicologie a
longtemps souffert d'un manque d'outils méthodologiques propres. Les outils
graphiques de la notation musicologique classique ne suffisant plus à
décrire des musiques qui sortaient des cadres connus, le chercheur a du en
inventer de nouveaux. Il a du emprunter des modèles d'analyse à la
linguistique et à la phonologie, ainsi qu'à l'acoustique. Il a subi
l'influence des différents courants de l'anthropologie.
Pour en revenir aux origines, il apparaît qu'une première
délimitation du champ ethnomusicologique a été tout naturellement faite à
partir de la musicologie classique : l'ethnomusicologie s'intéresse à tout
ce qui n'intéresse pas la musicologie !
Voilà une idée qui suscite bien des questions par le flou qu'elle dégage.
Que l'on revendique ou non l'ethnomusicologie comme une discipline
autonome, il est évident que :
1) les deux disciplines partagent des ressources communes et s'intéressent
de la même façon à des activités de recherches connexes : l'archéo-
musicologie ou l'organologie par exemple;
2) l'ethnomusicologie ne s'intéresse pas nécessairement aux musiques rock
ou rap actuelles, qui n'intéressent pas non plus la musicologie classique;
3) cette affirmation omet totalement l'aspect anthropologique de
l'ethnomusicologie;
4) cette opposition ne nous renseigne finalement pas sur ce qu'est
l'ethnomusicologie, sans compter qu'il est plutôt maladroit de définir un
objet par ce qu'il n'est pas !
Des définitions existent cependant. Elles sont nombreuses,
parfois contradictoires, et semblent soit trop imprécises en usant de
termes qui prêtent à discussion, soit au contraire, par souci de ne rien
oublier peut-être, trop vastes.
De plus , le champ de cette science n'a pas cessé de s'agrandir, les
conclusions de ses études de remettre en cause des certitudes qui
semblaient acquises, et voilà ce qui explique en partie le nombre de
propositions. C'est le lot de certaines disciplines qui ne peuvent se
définir avant un minimum d'existence. Et un siècle, on le voit pour celle-
ci, semble le minimum.
En 1977, l'ethnomusicologue Alan P.Merriam répertoriait 42 définitions (in
Ethnomusicology, " perspective on definition ").
Selon Jaap Kunst (en 1959), la discipline étudie " toute musique tribale et
folklorique et toutes sortes de musique d'art non occidentale ".
" Elle englobe l'étude des musiques primitives et traditionnelles du monde
entier " ou " les cultures musicales originales de type archaïque de tous
les peuples " selon Cl. Marcel-Dubois (en 1958).
" Les caractéristiques normales ou autres de l'art non européen " selon
Marius Schneider (en 1957).
" La musique des sociétés illettrées, les musiques des hautes cultures de
l'Asie et de l'Afrique du Nord, la musique folklorique de tradition orale
des régions qui sont dominées par les hautes cultures " selon Bruno Nettl.
(en 1964).
Ces quelques définitions, on le voit nous permettent d'ores et déjà de
tirer trois conclusions.
D'une part elles se réfèrent à des termes qui par eux-mêmes prêtent à
discussion (musiques folkloriques, primitives, hautes cultures, etc.).
Concernant ces termes, je renvoie le lecteur au chapitre qui leur est
consacré dans la partie "Problématiques".
D'autre part elles se réfèrent au terme "musique" comme s'il était acquis
que ce terme renvoie à une même réalité partout. Y a-t-il en Occident même
un consensus sur les sens de ce terme ?
Enfin, elles cherchent à délimiter un contour géo-culturel du champ
d'étude, contour sujet à critiques notamment de la part de musicologues
africains ou asiatiques qui se demandaient pourquoi l'étude scientifique de
la musique écrite et classique de l'Occident se nomme " musicologie " tout
court, alors que celles des musiques de tradition savante non occidentale
est appelée " ethnomusicologie ". Question légitime. Un anthropologue
africain ferait de l'ethnomusicologie en étudiant la musique de sa propre
région, mais ferait de la musicologie en étudiant celle lointaine de
l'Occident ?
On observera par la suite des définitions qui s'élargissent en
se référant à des notions thématiques et plus anthropologiques : l'étude
des musiques dans la culture et comme élément culturel; l'étude de la façon
dont les gens se servent, jouent, composent et pensent la musique.
"On est ethnomusicologue non parce que l'on étudie l'histoire et le langage
musical d'un pays non occidental mais parce que l'on étudie la musique dans
les cultures" dira Alan P.Merriam en 1960. C'est vrai, mais cette
proposition prête aussi à controverse car elle semble élargir bien trop le
champ d'étude de la discipline.
L'ethnomusicologue se revendique alors comme étudiant une musique dans son
contexte socioculturel ; il s'intéresse non seulement à la musique pour
elle et à son rôle dans la société même mais aussi au comportement musical
des hommes. On est bien dans l'ethnomusicologie. Ainsi une étude sur
l'impact des chants révolutionnaires dans la classe ouvrière parisienne au
début du XXè serait de l'ethnomusicologie ? Pourquoi pas !
En 1973, Merriam corrige son propos en "...la musique comme culture", et en
1975, il ira encore plus loin : "music is culture and what musicians do is
society" !
Plus récemment, Helen Myers (in "Ethnomusicology, an
Introduction, the New Grove Handbooks in Music, edited by H.Myers, 1992")
conscrivait le champ d'étude de l'ethnomusicologie à "la musique populaire
et traditionnelle, aux musiques de 'hautes cultures' asiatiques, aux
musiques de traditions orales contemporaines, et à des concepts tels que
les origines de la musique, les évolutions, les compositions et
improvisations, la musique comme symbole, les universaux, la fonction de la
musique dans la société, la com