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Bref, aux quatre questions fondamentales revues et corrigées par Pierre Dac (qui
...... à un mauvais chirurgien, mon grand-père a créé une clinique à Clermont. .....
La rentabilité ne s'améliore-t-elle pas aux dépens de la sûreté ou du social ? .....
Je suis évidemment adepte d'un lien entre rémunération et performances, mais ...

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Pierre Bitoun Grands patrons, les dires et les délires...
Novembre 2003
Introduction
L'idée de ce livre m'est venue, il y a déjà presque dix ans, à la lecture
d'un entretien de Claude Bébéar accordé au mensuel Capital. Interrogé sur
l'avenir des retraites et de la protection sociale, l'ancien patron d'Axa y
faisait les questions et les réponses : « Les retraites ? D'accord pour
faire jouer la solidarité jusqu'à un certain moment mais, au delà, c'est à
chacun de préparer ses vieux jours. La maladie ? Là encore, l'assurance
individuelle doit prendre le relais. Trouveriez-vous normal que votre
assurance auto soit prélevée sur votre salaire et payée par votre
employeur ? » J'en restai abasourdi... Son obsession du profit, sa volonté
de tout privatiser le rendaient-elles à ce point aveugle pour qu'il en
vienne, le plus « normalement » du monde, à comparer implicitement la santé
de l'homme à la réparation d'une voiture ? Quelle était cette nouvelle
espèce, cet « hommauto » que M. Bébéar était en train d'inventer là, dans
un incomparable mélange de stupidité et de déshumanisation ? Comment ce
grand patron, et bien d'autres avec lui, avaient-il pu en arriver à un tel
degré de déraison ? Je n'avais pas la réponse à ces questions et ne l'ai
d'ailleurs toujours pas tant leurs pensées - le lecteur s'en rendra vite
compte - s'avèrent le plus souvent consternantes, vous laissant sans voix,
entre rire et larmes, accablement et colère. Mais toujours est-il que
depuis ce jour, je me mis à collectionner, à mes heures perdues, leurs
dires et délires... La récolte dépassa toutes les (dés)espérances ! Envolées philosophiques sur
le monde, propos sur soi-même d'une incommensurable hypocrisie ou
mégalomanie, déclarations d'une insolence ou d'une violence inouïes sur
l'argent, l'entreprise ou les licenciements, exposés cyniques des recettes
d'un capitalisme agressif et revanchard, sottises de toutes sortes se
présentèrent à moi, en si grand nombre et d'une telle « qualité » qu'il
devint envisageable de passer à une seconde étape. La confection d'un
ouvrage, d'une véritable anthologie de la folie patronale, qui brillait
d'ailleurs par son absence au rayon des librairies alors même que l'on
croulait sous le matériau et qu'elle pouvait s'avérer utile au combat
social et politique. Couvrant les trente dernières années - de l'entrée dans l'ère néolibérale à
nos jours - et réunissant un échantillon conséquent - une centaine de
grands patrons, plus quelques incontournables dirigeants d'institutions
financières nationales ou internationales - cette anthologie puise sa
source dans un large fonds documentaire : livres de grands patrons ou sur
eux, citations recueillies dans la presse écrite et audiovisuelle, textes
présentés sur les sites Internet des entreprises, etc. Elle peut se lire,
au moins, de trois façons. Soit, comme tout recueil du même genre, au
travers d'une lecture flottante, papillonnante, au gré de l'humeur et des
découvertes qu'on y fera. Mais on peut aussi l'aborder sur un mode plus
attentif, ciblé, en s'intéressant à tel ou tel patron dont on pourra
connaître l'itinéraire professionnel, recomposer les multiples vues ou
contradictions, grâce l'outil de recherche dans le fichier pdf ou en
utilisant les renvois figurant entre certaines citations. Une lecture
continue est également possible, sinon souhaitée, puisque cette anthologie
a été conçue comme un voyage initiatique dans la pensée et l'univers des
grands patrons. Enfin la quasi totalité des extraits est accompagnée de
commentaires, qui précèdent ou suivent la citation, et sont inspirés par
quelques valeurs-clés : l'humour, l'irrévérence et l'incitation à la
résistance. Ou plus, tant il en faudra davantage pour les ramener à un
minimum de raison...
1 QUI SUIS-JE ?
Les grands patrons parlent peu d'eux-mêmes. Toutefois, on trouve ici et là
quelques phrases qui nous renseignent sur leur personnalité, l'image qu'ils
ont d'eux ou souhaitent donner à autrui, leurs principaux traits de
caractère ou leurs petites manies. Les uns - de loin les plus nombreux -
évoquent leur ego en des termes qui dépassent l'entendement : dire qu'ils
sont imbus de leur personne ou souffrent de mégalomanie, c'est si peu
dire... Mais on rencontre aussi, comme partout, les inquiets, les déçus de
la carrière ou de la vie, les adolescents attardés, les menteurs sans
vergogne, les hypocrites à face de bénitier ou sans confession, les
cyniques, les sympathiques ou les obsessionnels à tendance monomaniaque et
à se tordre de rire. Bref, aux quatre questions fondamentales revues et
corrigées par Pierre Dac (qui suis-je, d'où viens-je, où vais-je et dans
quel état j'erre ?), les grands patrons fournissent des réponses, souvent
consternantes mais toujours instructives. Les voici donc, en guise de
première prise de contact, sobrement rangées par ordre alphabétique afin de
n'offenser aucun moi grand-patronal... Arnault Bernard De la sincérité patronale
Je ne mens jamais. Ça fait gagner du temps.[1] Une pensée très embouteillée
Je planifie mes activités de façon que mes occupations professionnelles ne
débordent pas de manière excessive sur ma vie personnelle. Tout est une
question d'organisation, vous savez, on peut consacrer à telle ou telle
tâche plus ou moins de temps. C'est un peu comme la fumée que vous soufflez
dans une bouteille. De toute façon, quelle que soit la taille de la
bouteille, la fumée la remplit. Le tout, c'est de bien choisir la
bouteille.[2] Bouygues Francis Une modestie en béton
Je suis Francis Bouygues, qu'on se le dise ![3] Béton liquide
Je sais seulement faire du béton. De l'argent.[4] Calvet Jacques Je m'entends bien avec moi-même et cela résout de nombreux problèmes.[5]
Celui, par exemple, d'une célèbre augmentation de salaire ? Camdessus Michel Vive le FMI et l'hypocrisie !
Je suis français, c'est vrai, mais surtout fonctionnaire, par simple
atavisme et dénué d'attaches politiques. Je mets cette indépendance
d'esprit au service de la convergence entre les intérêts de chaque pays et
ceux de la communauté internationale dans son ensemble.[6] Collomb Bertrand Une certitude très précoce
Dès l'âge de cinq ans, j'ai su qu'il me fallait être X.[7] Dassault Marcel Clonage
(...) Si par un coup de baguette magique, il y avait en France cent Marcel
Dassault, il n'y aurait plus de chômage.[8] Dassault Serge Le mirage de l'avionneur...
Je suis un révolté, voire un révolutionnaire qui n'admet ni le mensonge, ni
l'injustice, ni l'incompétence, ni les promesses non tenues.[9] ... et la devise préférée de M. Lapalisse
Celui qui n'a pas d'objectif ne risque pas de les atteindre.[10] Dauzier Pierre Regrets
J'aurais voulu être Kessel ou Morand, je n'aurais été qu'un VRP de luxe. En
guise d'aventure je n'ai connu qu'une succession de cabines d'avion,
limousines, taxis, salons d'honneur dans les aéroports, chambres d'hôtels,
salles de réunions, buildings, avec des hôtes qui croient vous honorer en
vous appelant sans cesse Monsieur le Président.[11] Amertume
J'avais adopté la vie du manager en poussant le sérieux jusqu'au lugubre,
la lucidité jusqu'au cynisme, la censure jusqu'à l'auto-flagellation.
J'étais comme les autres. J'en avais vaguement conscience. Je respectais la
loi du milieu.[12] Sinistrose
Par l'effet d'une métamorphose bizarre, mes contemporains perdent leurs
attributs visibles de leur humanité : je ne vois plus que des rats.[13] Desmarest Thierry Je ne suis pas du genre à monter sur la table pour haranguer les
foules.[14]
Non. Plutôt du genre, comme l'a montré l'affaire de l'Erika, à transformer
la houle ! Fauroux Roger Saint patron...
J'ai personnellement une inclination particulière pour les moines et les
moniales.[15] ... et politicien, par hasard !
En 1988, je suis tombé en politique comme un spectateur distrait serait
tombé dans la piscine au début d'une compétition olympique (...).[16] Filipacchi Daniel Une élégante définition de soi
Je préfère être l'empereur du cul que le roi des cons.[17] Kessler Denis Medef modeste
Kessler égale Tocqueville.[18] La France en danger de grossesse nerveuse ?
Je suis un obèse jupitérien associé à un aristocrate gaullien pour remettre
la France à l'endroit.[19] Je suis extrêmement dépolitisé et je suis l'un des rares à pouvoir discuter
avec des gens de tous bords.[20]
Nul doute qu'on va le croire ! Lachmann Henri Je suis peut-être un peu trop « mégalo ».[21]
Peut-être ? Lagardère Arnaud Contrairement à d'autres, je ne ressens pas le besoin de tuer le père pour
exister.[22]
Juste une question : qui sont « les autres » ? Lagardère Jean-Luc De la faucille à Matra
Je n'ai jamais eu la grosse tête et je ne l'aurai jamais, parce que je suis
un paysan.[23] Matra sans peur et sans reproche
Cela ne me gêne pas de travailler pour la défense. Je ne me considère pas
comme un marchand de canons.[24] Un patron très Far West
Comme Reagan, il m'arrive de me demander : qu'est-ce que John Wayne ferait
à ma place ?[25] Un jour de « grosse tête »
Cette fois, je suis vraiment devenu l'homme le plus puissant de France.[26] J'aime les chiffres ronds.[27]
Et les positions monopolistiques ? Le Floch-Prigent Loïk Affaires africaines
J'adore barouder dans le désert et retrouver des hommes de terrain.[28] De l'inconscience de soi
Je suis un fils de petits-bourgeois bretons. (...) Je suis qu