exercices de rhétorique - rare

Francis Goyet, E.A. RARE ? Rhétorique de l'Antiquité à la Révolution ..... En le
montrant, nous allons ainsi justifier notre emploi du mot type, qui n'est pas
seulement un pis-aller ...... 313 sq (Google ; texte saisi, non corrigé, sur archive.
org). [§ 3].

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ATELIER
VERS UNE TYPOLOGIE DES DISCOURS. (1) DISCOURS DE SéDITION ET D'UNION Introduction, bibliographie et REMARQUEs SUR LES DOCUMENTS : Francis GoyeT
Traduction DES DOCUMENTS : Laurence Vianès
Dans ce premier numéro, nous commençons l'édition des douze chapitres que
Vossius consacre à ce que nous nommerons des types de discours et que son
éditeur en 1660 appelle « certains genres particuliers de discours ».
Plutôt que de suivre l'ordre de ses chapitres, nous allons d'emblée à la
conciliatio et à son pendant la concitatio. Dans le numéro suivant, nous
passerons à un discours encore plus méconnu, l'expostulatio.
Cicéron mentionne quelques-uns de ces types de discours, affirme qu'ils
nécessitent autant d'éloquence que plaidoiries et plaidoyers au Forum, mais
ajoute qu'aucun traité n'en donne les préceptes. Vossius et son époque ont
donc cherché à compléter Cicéron. Sans ce complément, l'application de la
théorie à la pratique est une gageure. Ce l'était déjà du temps de Vossius,
ce l'est encore plus aujourd'hui. Comme nous ne lisons plus guère ce que
Cicéron ou Quintilien décrivent en priorité, et que leurs traités ne
décrivent pas ce que nous lisons, l'impasse est presque totale.
Francis Goyet
. Francis Goyet :
Introduction générale à la typologie des discours
. Francis Goyet :
Bibliographie sur les types de discours
. Premier document sur la conciliatio ou discours d'union :
Vossius, Institutiones, 1e éd. 1605 (traduction Laurence Vianès)
. Deuxième document sur la concitatio et la conciliatio (sur les
discours de sédition et d'union) :
Vossius, Rhetorice contracta, 1ère éd. 1621 (traduction Laurence
Vianès)
. Francis Goyet :
Remarques sur les deux documents ATELIER
Francis Goyet, E.A. RARE - Rhétorique de l'Antiquité à la Révolution
Introduction générale à la typologie des discours
L'étude des types de discours est donc un complément, mais un complément
très nécessaire et, à l'époque de Vossius, très attendu. Il nous semble que
l'attente est la même aujourd'hui, pour des raisons similaires.
Chez Cicéron et Quintilien, ce qui est massivement étudié est la
plaidoirie d'avocat. Il suffit d'ouvrir un historien comme Tite-Live pour
voir surgir les autres types de discours, là aussi de façon massive. La
plaidoirie n'est plus alors qu'un type parmi bien d'autres - on songe
immédiatement à la harangue aux troupes avant la bataille. Le résultat est
que l'on ne peut pas demander à Quintilien le descriptif de la harangue.
Les lecteurs des XVIe et XVIIe siècles n'ont pu qu'être sensibles à ce
manque, pour trois raisons : ils lisent beaucoup plus les historiens que
nous, ils accordent une bien plus grande attention à leurs discours
insérés, enfin ils pratiquent à grande échelle et de façon constante
l'analyse rhétorique détaillée.
Pour répondre à l'attente de ces lecteurs-là, la première solution fut de
donner des tableaux récapitulatifs. En 1545, quand Joachim Perion publie un
recueil de la totalité des discours de Tite-Live, il donne pour chacun une
brève analyse rhétorique et ajoute un classement d'ensemble par types. En
1570, Henri Estienne généralise ce modèle à l'ensemble des historiens de
l'Antiquité, avec son fameux Conciones ou recueil de discours publics, en
latin concio. Mais on n'a pas encore là de descriptif théorique pour chaque
type. Il nous semble que Vossius est le premier à en donner un, au début du
XVIIe siècle. Son geste théorique est là aussi une généralisation. Sa liste
en tant que telle n'est pas une nouveauté : le XVIe siècle, à partir
d'Érasme, l'a ressuscitée de l'Antique, mais en la traitant uniquement à
propos de l'art épistolaire. Vossius a sous la main Melchior Junius, le
successeur de Sturm à Strasbourg. Junius dans son traité d'épistolaire
donne pour chaque type de lettre un descriptif théorique fouillé, avec pour
exemples les seules Familiares de Cicéron, synthétisant ainsi le travail de
Melanchthon qui avait analysé la totalité des mêmes Familiares. Le geste de
Vossius est d'appliquer cet acquis du siècle précédent aux historiens. Cela
revient à rapprocher les deux sortes de traités de l'Antiquité détaillant
des types de discours, ceux de Ménandre le rhéteur (oraison funèbre,
épithalame, « discours d'ambassade », etc.) et les traités d'épistolaire
des Pseudo-Libanios (quarante-et-un types de lettres) et Pseudo-Démétrios
(vingt-et-un). Mais parce qu'il réfléchit à partir des historiens, Vossius
ouvre considérablement la perspective. Il est lui-même obligé de faire
évoluer la théorie, comme on le verra dès ce numéro avec ses deux
descriptifs successifs du discours de conciliatio.
Ce n'est pas un hasard si les XVIe et XVIIe siècles nous ramènent ainsi à
la « seconde sophistique », cette rhétorique du temps de l'empire romain
dont l'étude est en plein essor[1]. L'enjeu est pour nous, aujourd'hui,
très important. Le renouveau de la rhétorique à partir des années 1960 nous
avait fait miroiter l'application de la théorie à nombre de discours ;
c'était déjà la même promesse au XVIe siècle. Mais, tout comme cette
époque, nous avons fini par nous rendre compte que cette promesse est
intenable quand on se réfère aux seuls grands traités, centrés qu'ils sont
eux-mêmes sur les seuls grands types, plaidoiries et en général discours
d'assemblée. L'intérêt d'étudier les autres types de discours n'est donc
pas seulement de compléter notre information. Il est de pouvoir enfin
appliquer la rhétorique, de façon satisfaisante, au texte littéraire qui
est aujourd'hui notre objet propre, et en particulier au texte littéraire
de l'âge classique. Dans les ?uvres que nous étudions, de L'Énéide à La
Thébaïde, c'est-à-dire de l'épopée au théâtre, en passant par le roman, le
recueil de lettres ou de poèmes, ce qui est rare ce sont les plaidoiries,
alors que les autres types de discours sont bien plus fréquents,
exhortation, consolation, réclamation, etc. Les Odes d'Horace sont par
exemple pour leur commentateur Minturno « action de grâces [remerciement,
lat. actio gratiarum], invective, blâme, reproche[2] ».
Il est temps d'explorer cette voie de façon un peu systématique. Mais ce
ne sera pas facile, comme va l'expliquer cette introduction générale, et
pour des raisons de fond, liées à l'idée même de type. Dans un premier
point nous décrirons un cas exemplaire, chez Cicéron lui-même, pour faire
saisir ce que signifie reconnaître une forme ou un type. Nous donnerons
ensuite un aperçu d'ensemble de la liste de Vossius, qui est une bonne
représentante des listes assez variées que l'on trouve à son époque. Nous
reviendrons enfin sur l'idée de typologie. Le type n'est pas une norme, et
c'est bien pour cela qu'il y a à la fois stabilité et variation. Il est
donc difficile et néanmoins possible, à force d'entraînement, de
reconnaître le type ou en latin la forma.
1. Un exemple chez Cicéron : l'exhortation
Cicéron n'ignore rien des types de discours autres que la plaidoirie ou
le grand discours devant une assemblée politique, même si, nous l'avons
dit, il relève que de ces autres types il n'y a ni traités ni préceptes[3].
Dans son De l'orateur, il évoque « les genres et espèces de discussion »
(III, 119, generibus ac modis disceptationibus). Parlant du genre de
« celles qui se rapportent à la pratique, ad agendum », Cicéron en nomme
quatre sous-catégories, « l'exhortation, l'objurgation, la consolation,
l'appel à la pitié » : cohortationes, objurgationes, consolationes,
miserationes (§ 118[4]). Il est frappant de voir qu'en 1767, Jean-Baptiste
Crevier a pour le genre délibératif une liste réduite elle aussi à quatre
termes, très proches : « Exhorter, reprendre, demander, consoler » (p. 21
de sa Rhétorique..., voir la Bibliographie indicative que nous donnons dans
l'Atelier). Nous pouvons donc pour une première réflexion partir de cette
liste très abrégée, et nous en tenir même à son premier item,
l'exhortation, qui a quelque chose d'emblématique. Nous le pouvons d'autant
plus qu'au début de son ouvrage, Cicéron donne un bel exemple
d'exhortation, et qu'un peu auparavant, il a annoncé cet exemple par une
sorte d'analyse théorique. Nous allons ainsi nous placer à ce moment
originel du processus qui mène à reconnaître un type de discours. Sans ce
premier repérage, rien ne peut s'enclencher.
L'exemple d'exhortation dans De l'orateur est l'espèce de tirade par
laquelle Crassus lance le dialogue en encourageant les nobles jeunes gens
qui l'écoutent à devenir, à son égal, de très grands orateurs (I, 30-34,
avec cohortandum au tout début). Cette exhortation est d'abord, d'un point
de vue presque extérieur, un petit discours en forme, et pas un flux de
paroles lancées au hasard. En effet, Crassus termine sa tirade en disant
« je conclurai en peu de mots » (§ 34, comprendam brevi). Du coup, le
lecteur qui n'aurait pas repéré comme marqueur le cohortandum initial
revient sur ses pas. S'il y a à la fin une conclusion, c'est un indice que
le début pourrait être un exorde. Voici ce début dans la traduction
Courbaud[5] : « Crassus amena la conversation sur le sujet de l'éloquence.
30. Il commença par déclarer que Sulpicius et Cotta lui paraissaient moins
à exhorter [cohortandum] qu'à féliciter [conlaudandum], puisque leur talent
les avait non seulement... mais encore... » Une fois qu'on a compris que
l'ensemble de la tirade est un discours, on comprend que ce petit éloge
initial était en fait l'éloge du destinataire qui est de règle dans un
exorde. On remarque aussi que le « Il commença par déclarer » rend exorsus,
sur exordior. Il faudrait donc traduire : « Son exorde fut que Sulpicius et
Cotta