MONTAIGNE - Les Essais - livre II

Les anciens franchissoyent des nuicts entieres à cet exercice, et y .... feignent
tout à leur poste, n'osent pas descharger seulement des larmes, leurs Heros : ......
Hesiode corrige le dire de Platon, que la peine suit de bien pres le peché : car il ...

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La page de Trismégiste Michel de MONTAIGNE
LES ESSAIS - Livre II
Version HTML d'après l'édition de 1595 [pic] Table des matières du livre II |Chapitr|I |De l'inconstance de nos actions |
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|Chapitr|II |De l'yvrongnerie |
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|Chapitr|III |Coustume de l'isle de Cea |
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|Chapitr|IV |A demain les affaires |
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|Chapitr|V |De la conscience |
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|Chapitr|VI |De l'exercitation |
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|Chapitr|VII |Des recompenses d'honneur |
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|Chapitr|VIII |De l'affection des peres aux enfans |
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|Chapitr|IX |Des armes de Parthes |
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|Chapitr|X |Des livres |
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|Chapitr|XI |De la cruauté |
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|Chapitr|XII |Apologie de Raimond de Sebonde |
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|Chapitr|XIII |De juger de la mort d'autruy |
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|Chapitr|XIV |Comme nostre esprit s'empesche soy-mesme |
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|Chapitr|XV |Que nostre desir s'accroit par la malaisance |
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|Chapitr|XVI |De la gloire |
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|Chapitr|XVII |De la presumption |
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|Chapitr|XVIII |Du desmentir |
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|Chapitr|XIX |De la liberté de conscience |
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|Chapitr|XX |Nous ne goustons rien de pur |
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|Chapitr|XXI |Contre la faineantise |
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|Chapitr|XXII |Des postes |
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|Chapitr|XXIII |Des mauvais moyens employez à bonne fin |
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|Chapitr|XXIV |De la grandeur romaine |
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|Chapitr|XXV |De ne contrefaire le malade |
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|Chapitr|XXVI |Des pouces |
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|Chapitr|XXVII |Coüardise mere de la cruauté |
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|Chapitr|XXVIII |Toutes choses ont leur saison |
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|Chapitr|XXIX |De la vertu |
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|Chapitr|XXX |D'un enfant monstrueux |
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|Chapitr|XXXI |De la cholere |
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|Chapitr|XXXII |Defense de Seneque et de Plutarque |
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|Chapitr|XXXIII |L'histoire de Spurina |
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|Chapitr|XXXIV |Observation sur les moyens de faire la guerre |
|e | |de Julius Cæsar |
|Chapitr|XXXV |De trois bonnes femmes |
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|Chapitr|XXXVI |Des plus excellens hommes |
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|Chapitr|XXXVII |De la ressemblance des enfans aux peres |
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Table des matières Chapitre précédent Chapitre suivant CHAPITRE I
De l'inconstance de nos actions CEUX qui s'exerçent à contreroller les actions humaines, ne se trouvent en
aucune partie si empeschez, qu'à les r'apiesser et mettre à mesme lustre :
car elles se contredisent communément de si estrange façon, qu'il semble
impossible qu'elles soient parties de mesme boutique. Le jeune Marius se
trouve tantost fils de Mars, tantost fils de Venus. Le Pape Boniface
huictiesme, entra, dit-on, en sa charge comme un renard, s'y porta comme un
lion, et mourut comme un chien. Et qui croiroit que ce fust Neron, cette
vraye image de cruauté, comme on luy presentast à signer, suyvant le stile,
la sentence d'un criminel condamné, qui eust respondu : Pleust à Dieu que
je n'eusse jamais sceu escrire : tant le coeur luy serroit de condamner un
homme à mort. Tout est si plein de tels exemples, voire chacun en peut tant
fournir à soy-mesme, que je trouve estrange, de voir quelquefois des gens
d'entendement, se mettre en peine d'assortir ces pieces : veu que
l'irresolution me semble le plus commun et apparent vice de nostre nature ;
tesmoing ce fameux verset de Publius le farseur,
Malum consilium est, quod mutari non potest.
Il y a quelque apparence de faire jugement d'un homme, par les plus communs
traicts de sa vie ; mais veu la naturelle instabilité de nos moeurs et
opinions, il m'a semblé souvent que les bons autheurs mesmes ont tort de
s'opiniastrer à former de nous une constante et solide contexture. Ils
choisissent un air universel, et suyvant cette image, vont rengeant et
interpretant toutes les actions d'un personnage, et s'ils ne les peuvent
assez tordre, les renvoyent à la dissimulation. Auguste leur est eschappé :
car il se trouve en cest homme une varieté d'actions si apparente,
soudaine, et continuelle, tout le cours de sa vie, qu'il s'est faict lácher
entier et indeçis, aux plus hardis juges. Je croy des hommes plus mal
aisément la constance que toute autre chose, et rien plus aisément que
l'inconstance. Qui en jugeroit en detail et distinctement, piece à piece,
rencontreroit plus souvent à dire vray.
En toute l'ancienneté il est malaisé de choisir une douzaine d'hommes, qui
ayent dressé leur vie à un certain et asseuré train, qui est le principal
but de la sagesse : Car pour la comprendre tout en un mot, dit un ancien,
et pour embrasser en une toutes les reigles de nostre vie, c'est vouloir,
et ne vouloir pas tousjours mesme chose : Je ne daignerois, dit-il,
adjouster, pourveu que la volonté soit juste : car si elle n'est juste, il
est impossible qu'elle soit tousjours une. De vray, j'ay autrefois appris,
que le vice, n'est que des-reglement et faute de mesure ; et par
consequent, il est impossible d'y attacher la constance. C'est un mot de
Demosthenes, dit-on, que le commencement de toute vertu, c'est consultation
et deliberation, et la fin et perfection, constance. Si par discours nous
entreprenions certaine voye, nous la prendrions la plus belle, mais nul n'y
a pensé,
Quod petiit, spernit, repetit quod nuper omisit,
Æstuat, et vitæ disconvenit ordine toto.
Nostre façon ordinaire c'est d'aller apres les inclinations de nostre
appetit, à gauche, à dextre, contre-mont, contre-bas, selon que le vent des
occasions nous emporte : Nous ne pensons ce que nous voulons, qu'à
l'instant que nous le voulons : et changeons comme cest animal, qui prend
la couleur du lieu, où on le couche. Ce que nous avons à cett'heure
proposé, nous le changeons tantost, et tantost encore retournons sur nos
pas : ce n'est que branle et inconstance :
Ducimur ut nervis alienis mobile lignum.
Nous n'allons pas, on nous emporte : comme les choses qui flottent, ores
doucement, ores avecques violence, selon que l'eau est ireuse ou bonasse.
nonne videmus
Quid sibi quisque velit nescire, et quærere semper,
Commutare locum quasi onus deponere possit ?
Chaque jour nouvelle fantasie, et se meuvent nos humeurs avecques les
mouvemens du temps.
Tales sunt hominum mentes, quali pater ipse
Juppiter auctifero lustravit lumine terras.
Nous flottons entre divers advis : nous ne voulons rien librement, rien
absoluëment, rien constamment.
A qui auroit prescript et estably certaines loix et certaine police en sa
teste, nous verrions tout par tout en sa vie reluire une equalité de
moeurs, un ordre, et une relation infallible des unes choses aux autres.
(Empedocles remarquoit ceste difformité aux Agrigentins, qu'ils
s'abandonnoyent aux delices, comme s'ils avoyent l'endemain à mourir : et
bastissoyent, comme si jamais ils ne devoyent mourir)
Le discours en seroit bien aisé à faire. Comme il se voit du jeune Ca